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Projet de loi de finances 2020 : renforcement du contrôle en perspective
24/10/2019 | 20:00
5 min
Projet de loi de finances 2020 : renforcement du contrôle en perspective

 

 

 

Chaque année, à pareille période, les appréhensions sont grandes chez le contribuable. A la veille du marathon budgétaire, à supposer qu’il y en est un, compte tenu des procédures constitutionnelles à la mise en place de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple (ARP) et de ses Commissions et la composition d’un nouveau gouvernement, le contribuable craint de devoir une fois encore mettre la main à la poche et devoir payé plus d’impôt qu’une année auparavant…

 

Qu’il se rassure. Pour une fois, le projet de loi de finances pour l’exercice 2020 élaboré par le gouvernement de Youssef Chahed ne prévoit pas de nouveaux impôts ou taxes. Une pause sur le niveau de prélèvement est établie. Cette trêve fiscale intervient après des hausses successives de la pression fiscale qui de 20,7% du PIB en 2016 est passée à 24,9% du PIB en 2019, selon les récentes données du ministère des Finances contenue dans le projet de loi de finances complémentaire 2019.

 

Une pression fiscale qui dépasse 25%

En 2020, la pression fiscale dépasserait la barre des 25% du PIB. Autrement dit, un quart des richesses que produira le pays l’année prochaine sera versé à l’Etat sous forme d’impôts, de droits de douane, de taxes, de contributions, de droits de timbre, de redevances… Le propos n’est pas de s’étendre sur les limites d’un tel taux, d’invoquer le fameux principe « les taux tuent les totaux » que suggère la courbe de Laffer selon laquelle une augmentation de la pression fiscale réduirait les recettes fiscales. Ce schéma ne semble pas fonctionner dans le cas tunisien. La hausse de la pression fiscale n’a pas réduit le volume des recettes fiscales. Celles-ci ont plus que doublé par rapport à 2010 de 12,7 milliards de dinars à  29,1 milliards de dinars en 2019, alors que, parallèlement, les prestations de services publics n’ont cessé de se dégrader durant cette période.

Pour l’année prochaine, les recettes fiscales vont encore augmenter de plus de 9%. Mais pour ce faire, on comptera plus sur la croissance économique que sur une augmentation des taux de prélèvements. C’est ce qui ressort du projet de loi de finances 2020 qui contient moins d’une cinquantaine d’articles dont une dizaine de dispositions concernant le budget général de l’Etat et une autre dizaine qui précise le régime fiscal de l’assurance islamique (Assurance Takaful).

Le projet de loi de finances 2020 repose sur 4 piliers : la poursuite de la réforme fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et pour l’amélioration du recouvrement, le renforcement de la compétitivité de l’entreprise et l’encouragement à l’investissement, enfin, des mesures à caractère social.

En matière de réforme fiscale, il ne s’agit en fait que de rationalisation ou d’aménagement de dispositions fiscales déjà existantes. Il en est ainsi des entreprises qui seront éligibles à l’impôt sur les sociétés (IS) au taux de 13,5% à partir de 2021. Les entreprises bénéficiaires devront d’une part afficher un minimum de chiffre d’affaires qui sera, comme d’habitude, fixé par décret et employer un minima de personnel technique permanent. Cela concerne notamment les entreprises prestataires de services innovants en technologie de l’information et de la communication ou en traitements de données, outre les sociétés de commerce international et les entreprises spécialisées en services logistiques.  Le projet de loi de finances vient également préciser la nature des entreprises de services pétroliers assujettis au taux d’IS de 35%. Celles-ci sont référencées dans l’article 116 alinéa 1 du Code des hydrocarbures. D’autre part, les assujettis au régime forfaitaire ne seront pas en reste dans la mesure où une disposition du projet de loi de finances 2020 concerne la contribution forfaitaire annuelle des entreprises individuelles variant entre 100 DT, 200 DT pour celles qui affichent un chiffre d’affaires de moins de 10 000 DT ou 3% du chiffre d’affaire si celui-ci est supérieur à 10 000 DT et inférieur à 100 000 DT annuel. Cet avantage octroyé pour une durée de 3 ans et dorénavant accordé pour une durée de 4 ans à partir du dépôt de la 1ère année de déclaration d’existence auprès de l’administration fiscale.  

 

Nouvelle procédure de contrôle : la vérification ponctuelle

Cela étant, c’est dans le domaine de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale que le projet de loi de finances 2020 présente les dispositions les plus significatives. Les articles 29 et 30 du projet portent sur la création d’une nouvelle procédure de contrôle fiscale : La vérification ponctuelle qui concerne la situation fiscale de l’assujetti ou une partie de celle-ci limitée à moins d’une année. D’autre part, la suspension de la procédure de taxation d’office sera dorénavant tributaire du versement de 20% et non plus 10% des montants non-déclarés ou de la présentation d’une garantie bancaire équivalent à 15% de ce montant. Et ce n’est pas tout puisque dans le cadre d’un contrôle préliminaire, il sera possible de contrôler et de réviser les avantages, réductions et régimes préférentiels fiscaux. De plus, l’octroi des avantages fiscaux et autres régimes suspensifs sera désormais lié au paiement des arriérés de dettes de plus deux ans vis-à-vis de la douane.

En matière de renforcement de la compétitivité des entreprises et d’encouragement à l’investissement, le projet de loi de finances 2020 propose de proroger les avantages jusqu’en 2024 les avantages accordés aux entreprises qui décideraient d’ouvrir à hauteur de 30% au moins leur capital au public par le biais de la bourse.

 

Abattement fiscal pour parent à charge : 450 DT au lieu de 150 DT

S’agissant des mesures à caractère social, trois dispositions sont à retenir. La première concerne l’abattement fiscal pour parents à charge qui passe de 150 DT par parent à 450 DT. A cet égard, n’était-il pas plus judicieux d’introduire un nouvel abattement fiscal pour les enfants à charge diplômés au chômage ? La seconde envisage la déduction des dons et aides fournis à l’Association SOS Villages d’enfants du revenu imposable. La troisième, en fin, propose de réduire le taux de retenue à la source des cachets des artistes et créateurs de 15% à 5%.

Le projet de loi de finances 2020 se propose également d’exonérer la société El Fouledh de la taxe d’exportation des déchets de ferraille durant les deux prochaines années dans la limité de 100 000 tonnes. Cela représente une économie pour la société de 27 MD sur deux ans.

Par ailleurs, le projet envisage la création d’un Fonds spécial de soutien à la justice visant à renforcer l’infrastructure des tribunaux. Les ressources du Fonds proviendront d’une part par l’établissement d’une redevance de 10 DT par jugement, décision, injonction de paiement ou requête de justice et d’autre part en affectant 10% du montant des amendes pénales effectivement acquittées ainsi que de dons divers. 

 

Tout compte fait, il apparaît fort que le gouvernement ne s’est pas appuyé sur la loi de finances pour accroître les recettes du budget. Il table sur la croissance. Et aussi sur un effort supplémentaire de recouvrement. Deux hypothèses à très fort degré d’incertitude.

 

 

Houcine Ben Achour

 

24/10/2019 | 20:00
5 min
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Commentaires (4)

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tunisien
| 30-10-2019 13:16
Comment peut-on proposer une loi concernant les contrats secrets de l'état pour annuler la présentation de documents de référence? C'est le meilleur moyen d'effacer les traces. Incroyable !!! Personne ne dit rien ?
C'est ce qui est le plus choquant'?'.le reste va dans le sens de faire perdre à l'état toute sa respectabilité.

Rationnel
| 25-10-2019 15:08
Dans le classement "Doing Business 2020" le scores le plus bas de la Tunisie est dans la catégorie "paying taxes" ou la Tunisie est classée 109eme ( voir https://www.doingbusiness.org/content/dam/doingBusiness/country/t/tunisia/TUN.pdf ). Les entreprises tunisiennes consacrent 61% de leurs profits pour les taxes, c'est énorme, l'analyse complète est dans le document de la Banque Mondiale. Si on veut améliorer le climat des affaires en Tunisie la réduction de la pression fiscale sur le entreprises doit être la première priorité suivie par l'accès au crédit ou la Tunisie est classée 104eme.
BN devrait traduire et publier le rapport de la Banque Mondiale.

Nephentes
| 25-10-2019 05:44
Si Houcine vous êtes l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) journaliste économiste de ce pays. Votre effort de vulgarisation est des plus louable

Mais il faudrait davantage souligner les blocages au niveau de la collecte efficace et équitable des prélèvements

Des holdings parmi les plus importantes du pays sont de véritables machines à tripatouillage et évasion fiscale;

N'évoquons pas içi le blanchiment d'argent sale international qui est devenu un pôle d'investissement majeur.....

Le Ministère des Finances est totalement dépassé incompétent non impliqué incapable en définitive d'assurer correctement sa mission

Pourtant les montants qui se dérobent ainsi sont faramineux ...

donc là encore la loi de la jungle prévaut

DHEJ
| 24-10-2019 21:43
Comme routière ou hydraulique

Lutte contre les inondations...

Pour la courbe Laffer elle est fausse ne reposant pas le principe de Pitot :

QxP=FxV

A comprendre