Absente de la plus prestigieuse des compétitions depuis 12 ans, l’équipe nationale de Football fondait beaucoup d’espoir sur ce mondial russe. 3 petits matchs plus tard, l’heure est à la déception et à l’amertume, les performances médiocres de notre 11 national n’auront été dépassées que par l’incompétence des autorités de tutelle. Seul point positif de ce mondial, les supporters tunisiens qui ont brillé en Russie et ont donné une belle image de la Tunisie.

« Nous avons été ridicules, nous avons besoin de deux générations au moins pour nous mettre au niveau», les mots sont durs, les visages, fermés. A la sortie du naufrage collectif du 23 juin dernier contre la Belgique (5-2, record de buts encaissés par l'équipe nationale en phase finale), le sélectionneur national Nabil Maâloul avait la tête des mauvais jours. Son 11 vient d’être laminé, baladé et dépassé dans tous les compartiments du jeu face à une équipe belge qui n'a pas eu à forcer son talent. Forcément, cette déroute fait mal, surtout quand ce même sélectionneur s'est fixé pour objectif d'atteindre « au moins les quarts de finale du tournoi ». Alors, dans un moment de lucidité qui lui fait manifestement défaut depuis quelques semaines, Nabil Maâloul, figé, le regard dans le vide, s'est enfin résolu à regarder la vérité en face. Celle d'un football national archaïque, vivant depuis plus de 20 ans sur le mythe d'une professionnalisation ratée et encore bien loin des standards internationaux. 

Les réactions aux matchs joués par l’équipe nationale lors du mondial ont été plutôt sévères. Les commentateurs sportifs affirment que tout autre résultat lors de ce mondial aurait relevé du miracle, tant les ABC d'une politique sportive seraient inexistants en Tunisie. Ainsi, on s’interroge sur l’existence d’une vision à moyen terme pour les équipes nationales, avec une stratégie établie et des objectifs réalistes à atteindre. Face au score réalisé, serait-il temps de privilégier un style de jeu à adopter à l'instar du modèle espagnol (fondé sur la possession du ballon et le redoublement des passes) ou italien (style défensif qui donne la primeur à la rigueur défensive et aux contre-attaques). Ce choix déterminera, en effet, le sélectionneur et le directeur technique national à nommer.

On s’interroge également sur la nécessité de créer des écoles de formation à la Clairefontaine dans tous le territoire où les jeunes promesses sont suivies et entraînées d'une manière rigoureuse pour qu'elles arrivent à percer dans le redoutable milieu du football. Enfin, quid des emplois du temps scolaires anachroniques qui briment les jeunes talents et les empêchent de cumuler une scolarité sans encombre et une pratique sportive de haut niveau ? Tous ces enjeux qui devraient occuper une place privilégiée dans les réflexions et décisions du bureau fédéral et de la ministre de la Jeunesse et des Sports sont superbement ignorés par les responsables de la Fédération tunisienne de Football.

Les responsables du ministère de la Jeunesse et des Sports ont leurs excuses pour ne pas se préoccuper des grands chantiers du sport en Tunisie. En effet, ils se sont mués en dénicheurs d'agences de voyages pour trouver la perle rare, capable de transporter, d'héberger et de faire accéder, à moindre frais, au stade russe, 24 jeunes Tunisiens partis pour encourager l'équipe nationale dans son match contre la Belgique. Manque de bol, la super affaire s'est révélée être une arnaque. Le propriétaire de l'agence de voyage serait finalement un usurpateur, impliqué dans des affaires de malversations, et qui possède une obscure société de services. Au final, les 24 jeunes se sont retrouvés par la suite sans tickets valides pour accéder aux stades et n’ont pu assister à aucun des matchs.

Comment des responsables censés être chevronnés et rompus à l'exercice difficile de la rédaction des contrats ont pu être bernés ? Quid de l'appel d'offres réalisé et des conditions rigides d'attributions de marchés publics ? Même si le montant s'avère minime, des renseignements auraient pu être collectés sur l'autre partie avant de conclure la transaction.

Une affaire qui «  révèle un grave dysfonctionnement dans le fonctionnement du ministère », a dénoncé aujourd’hui le député Karim Helali sur les ondes de Shems FM ajoutant que les élus ont signé une pétition contre la ministre Majdouline Cherni demandant un audit complet et approfondi de son ministère.

L'objet de l'audition sera d'évaluer les conditions de préparation et le rendement «  décevant » et «  humiliant » de l'équipe nationale de football lors du mondial en Russie.

Si mondial a été ébranlé de piètres prestations sportives ainsi que de soupçons de corruption autour du fonctionnement du ministère de la Jeunesse et des Sports, il a été un tant soit peu sauvé par ses jeunes supporters. 

Venant majoritairement de Tunisie mais aussi de plusieurs pays d’Europe et d’autres, ces supporters à la bonne humeur contagieuse, ont impressionné en Russie par leur chants, leur bonne attitude et par l'ambiance qu'ils ont mise dans les villes russes. Ils ont même été sélectionnés par la Fifa parmi les meilleurs supporters du mondial. 

Vêtus de chapeaux traditionnels tunisiens (Chachia), ils ont montré au monde entier une belle image des jeunes Tunisiens, celle d'une jeunesse instruite, polyglotte et joyeuse, loin de l'obscurantisme et du rejet de l'autre que pouvait présager les 5000 Tunisiens qui sont allés rejoindre les rangs de Daech en Syrie. Certains ont même eu recours à des crédits de consommation pour financer leur périple.

A travers ce parallèle dressé entre une jeunesse fougueuse avide d'ouverture et de progrès, et des responsables sclérosés et rattrapés par leurs vieux démons, un chemin se dessine pour une Tunisie meilleure, plus ouverte et qui aspire à un avenir plus radieux dans tous les domaines. Le groupe Facebook Road To Russia qui a servi de plateforme interactive pour aider les jeunes Tunisiens à bien organiser leur voyage dans le pays des Tsars, doit être amené à se structurer pour devenir un interlocuteur privilégié des ministères des Sports et du Tourisme. Comme en 2011, la solution n'est venue que des jeunes, à l'esprit libre, non encore formatés par l'appareil étatique et les calculs politiciens des partis politiques. A méditer... 

Nessim Ben Gharbia