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Entreprises publiques : La faillite de l’Etat Providence
03/05/2018 | 20:28
5 min
Entreprises publiques : La faillite de l’Etat Providence

L’entreprise publique en Tunisie : Actualité, Enjeux et perspectives, tel est le thème choisi par la Conect pour sa conférence tenue ce jeudi 3 mai 2018 à l'hôtel Paris à Tunis. Si les difficultés traversées par ces entreprises ne sont qu’un secret de polichinelle, les chiffres annoncés lèvent le voile sur l’ampleur du désastre.


6524 millions de dinars. Une véritable manne financière ! Non il ne s'agit pas de la fortune estimée d’un riche homme d’affaires ni le montant que réclament les autorités au gendre de l’ancien président déchu Ben Ali, il s’agit du cumul des résultats déficitaires de l’ensemble des entreprises publiques sur l’année 2016. En ces temps de disette économique, ces structures qui sont censées apporter des bénéfices aux caisses bien vides de l’Etat se transforment à leur tour en un véritable boulet. Une maladie qui métastase avec le temps, et  à qui les gouvernements successifs se contentent d’administrer des calmants au lieu de traiter l’origine des maux.

Comment expliquer cela ? il serait naif de faire porter le chapeau au simple ouvrier en bas de l’échelle qui s’éclipse de temps à autre ou use de certificats médicaux à répétition. Le mal est plus profond. Dans toute structure, quand le déficit devient structurel, chronique et se creuse d’une année à l’autre, c’est aux gouvernants d’assumer leurs actes. Qu’ont fait les différents PDG des entreprises publiques pour remédier à ces lacunes ? Quelle est l’utilité des rapports de la Cour des comptes s’ils ne sont pas utilisés à bon escient ? Et quid, enfin, du contrôle des autorités de tutelle sur la gestion de ces structures étatiques ? Autant de questions qui se posent et qui restent en suspens.

 

Chokri Hassine, directeur central chargé du suivi de la productivité dans les établissements et les entreprises publics à la présidence du gouvernement, a tenté de donner des débuts d’explications à cette situation. Dévoilant d’abord des chiffres alarmants de la situation des entreprises publiques 22 entreprises avec capitaux propres négatifs (capitaux propres -2900 mD en 2016 contre capitaux 400 mD), augmentation de la masse salariale de 2580 mD en 2010 à 4000 mD en 2016  et des subventions 5851 MD en 2014, 2600 mD en 2010  +80 % et enfin hausse spectaculaire de  la masse salariale  dans certaines entreprises entre 2010 et 2016 ( GCT CPG RNTA SNDP CNSS CNAM T.AUTO….), il s’est attelé ensuite à en expliquer les causes.

Il énumère : l'absence de vision sur le rôle des entreprises publiques; les faiblesses de la gouvernance globale du secteur public économique ; les faiblesses de la gouvernance interne des entreprises publiques; les faiblesses du dialogue social (multiplication des grèves); les faiblesses de  la responsabilité sociétale (multiplication des mouvements sociaux); l'augmentation du nombre de salariés économiquement infondée; l'augmentations salariales non étudiées, etc.

En résumé, tous les ingrédients d’une mauvaise gestion manifeste sont réunis. Il s’agit d’un terrible constat digne d’un rapport sévère de la commission des Finances du parlement (présidée généralement par l’opposition) ou de la Cour des comptes.

Résultat logique de ces années de carence et de mauvaises gestions, les entreprises publiques, autrefois fleurons de l’économie tunisienne, tirent la langue et croulent sous les déficits.

 Ainsi, dans sa présentation, le directeur général d’Ernest and Young Tunisie Noureddine Hajji explique que 50 entreprises publiques (sur les 92 analysées) présentent des résultats reportés négatifs totalisant 6524 millions de dinars, et indique que 11 entreprises publiques (Transtu, Office des céréales, STB, Tunisair, Steg, ONH, Groupe chimique, Office du commerce, SNCPA, El Fouledh) totalisent 78% du total des résultats négatifs reportés. La palme de l’entreprise la plus déficitaire revient à la société de transport public Transtu avec plus de 915 millions de dinars de déficit, talonnée par l’Office des céréales 846 millions de dinars, de la STB 695 millions de dinars et de Tunisair 506 millions de dinars.

 

 

Il est à signaler que ces entreprises publiques sont déficitaires de manière chronique et bénéficient annuellement de subventions étatiques assez importantes. On imagine leur déficit sans ce coup de pouce.

Face à ce constat, tous les intervenants sont unanimes sur la nécessité de réformer et de restructurer en profondeur ces entités. «  La réforme aura un prix assez lourd mais le prix de l’absence de réformes et de l’inertie est encore plus important » a martelé le chef du gouvernement Youssef Chahed dans son discours prononcé à l’occasion de la conférence.

 

 

Faut-il comprendre de cela que le gouvernement entend privatiser un certain nombre d’entreprises publiques ? Sur cette question, Taoufik Rajhi est catégorique : «  nous envisageons de restructurer ces entités, c’est notre priorité et on n’a pas évoqué une privatisation pour l’instant, on verra cela après l’assainissement des comptes et la restructuration » a déclaré le ministre chargé des Grandes réformes.

Ennemi juré des syndicats et des partis de gauche qui répètent à longueur de journée qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne pas franchir, la privatisation  a constitué, à un certain moment de l’histoire de la Tunisie, une aubaine pour les finances publiques.

 

Ainsi, Zouhaier El Kadhi, directeur général de l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives" (ITCEQ), a énuméré les exemples des privatisations réussies de certaines entreprises publiques tunisiennes. A titre d’exemple, la cession de 35% du capital de Tunisie Télécom en 2006 pour 3052 millions de dinars tunisiens a permis une baisse des prix des télécommunications (conjuguée à l’entrée d’autres opérateurs) créant plus de recettes pour l’Etat et plus d’emplois. Par ailleurs, la privatisation dans le secteur du ciment a permis de garantir à l’Etat des recettes à hauteur de 771 millions de dinars tunisiens.

 

Au vu de l’état des finances publiques tunisiennes, le bon sens voudrait que les décideurs fassent preuve de pragmatisme et de bonne gestion économique, loin des considérations idéologiques et politiques. Avec une croissance à la traine et un taux de chômage qui explose, la Tunisie ne peut plus se permettre aujourd’hui de garder sous perfusion un grand nombre d’entreprises publiques. Celles-ci sont amenées à se transformer et se restructurer, sous peine de disparaitre et de déclarer faillite…

 

Nessim Ben Gharbia

 

03/05/2018 | 20:28
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Commentaires (8)

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Nephentes
| 04-05-2018 13:27
La mauvaise gestion des entreprises publiques n's-t pas chose inédite en Tunisie; elle date d'au moins une trentaine d'années

Mais à partir de 2011, ce n'est plus un déficit de bonne gouvernance c'est un massacre

Le secteur des entreprises publiques tunisiennes est hétérogène ; il est constitué de 200 entités économiques soumises en principe à une logique de rentabilité;

vingt entreprises représentent à elles seules 80% du CA réalisé et de l'effectif du secteur.

La contribution économique de ces entreprises représentait 9,5% du PIB contre 13% en 2010, avec 4% de la population active occupée et près de 12% de la masse salariale totale.

Entre 2010 et 2016, les revenus agrégés de ces entreprises ont cru de 24%, alors que les bénéfices ont chuté de 62% suite à des pertes très importantes en 2013.

Le montant des subventions d'exploitation et d'investissements versés par l'Etat au secteur a atteint 8,9% du PIB en 2013 et 7,5% en 2014 profitant essentiellement à 9 entreprises dont la STEG, la STIR, l'ODC, la TRANSTU, la SNCFT, la SORETRAS et la STS.

Entre temps la masse salariale au sein de la fonction publique a cru de 43% entre 2010 et 2015........

En 2016, la dette extérieure des entreprises publiques garantie par l'Etat atteint 13 % du PIB contre 10% en 2013, la STEG cumulant plus de 50% de cette dette.

La dette de ces entreprises aupres du système bancaire représente environ 5% du PIB.

Cette situation pèse de manière drastique sur le budget de l'Etat,

Elle constitue un risque mortel pour le devenir du service public et l'efficience des prestations de services publics

Avec un impact catastrophique sur le secteur bancaire et les caisses sociales.

Les audits de gouvernance, de transparence et d'efficacité sont rares et pas assez rigoureux; les auditeurs désignés rarement compétents et efficaces, jusqu'à présent.

La majorité des entreprises publiques ne publient pas leurs états financiers annuels et ne préparent pas d'états financiers intermédiaires.

A l'exception des entreprises cotées en Bourse,
le niveau de transparence et la qualité du reporting et pilotage de ces entreprise restent faibles, réduisant par la crédibilité des efforts d'assainissement timidement entamés

observator
| 04-05-2018 12:21
Il faut éradiquer la corruption et mettre les corrompus hors état de nuire après la restructuration deviendra possible.

Donc il faut des hommes nouveaux .
Et cela n'est pas possible actuellement donc rien ne sortira de bon pour le pays.
Ce sont les charognards qui vont en profiter comme d'habitude.

Rationnel
| 04-05-2018 11:49
EY, PwC et KPMG sont des co-sponsors de cet événement, ceci indique que le gouvernement veut restructurer et assainir les sociétés publiques avant de les vendre, ou même les garder si on elle sont des monopoles naturels comme la STEG, la TRANSTU ou la SNCFT.

EY, PwC, KPMG ont conduit des milliers de restructurations de multinationales, la plupart de ces programmes ont réussis. Les 5 grands ( the big five), ont des méthodologies et des experts qui savent comment implémenter des processus de fonctionnement efficaces, les outils a utiliser, et l'éducation et la formation. De fardeau, ces sociétés peuvent se transformer en atouts. Le cote technique de la restructuration est le cote le plus facile. Le financement de l'assainissement est complique mais soluble. Le cote social et humain sera un grand défi. Le gouvernement et l'ARP doivent créer un système d'assurance chômage, un système de support et des compensation pour les licenciés sinon le programme sera voue a l'échec. Les sociétés publiques souffrent d'un sur-effectif qui dépasse les 100% dans plusieurs cas, qu'il faut réduire. Des retraites anticipées vont alourdir encore plus les déficits de la CNRPS.

L'UGTT vit toujours dans une utopie socialiste et reste le plus grand obstacle contre l'assainissent des sociétés publiques. L'UGTT pense que l'état peut donner des milliards de dinars a ces sociétés déficitaires chaque année jusqu'à la fin des temps.

DHEJ
| 04-05-2018 11:41
Et aux entreprises publiques il y a le MINISTERE PUBLIC...


Article 26 du Code de procédure pénale...

Article 26


"Le procureur de la République est chargé de la constatation de toutes les infractions, de la
réception des dénonciations qui lui sont faites par les FOINCTIONN AIRES PUBLICS ou les particuliers ainsi que des plaintes des parties lésées.


D'ailleurs j'ai toujours dit qu'il faut créer le poste de substitut du ministère public chargé de la fonction publique...


Mais au pays de bhamaland ...

déja-vu
| 04-05-2018 10:04
L'état providence est une manne du ciel que des bédouins incultes ont renié. Un luxe que seule une économie florissante pouvait se permettre avant les 14 calamités.

Des charlatans ont fait et continuent à faire miroiter à des écervelés les merveilles d'un libéralisme sauvage qui détruira bientot des pans entiers de cette économie incapable de rivaliser avec des mastodontes financiers
européens et bédouins qui acheteront des ruines pour presque rien.
Les gouvernements n'ont plus le choix. Le pillage systématique des économies de générations de Tunisiens et l'incompétence de blanc-becs parachutés à des postes de responsabilité dont ils ne connaissent presque rien pour gérer des centaines de dons, emprunts/dettes achèveront l'état qu'on disloquera en ribambelles de bédouinies ...encore plus faciles à manier.
La privatisations sera une aubaine, certainement. Mais pour qui?!
Démocrassie participative ...Participer à quoi?!

MFH
| 04-05-2018 07:31
Tout ce qui relève de 'rizk El bilik' est à l'agonie.
La règle est que Le mal, se guérit par le mal. Il n'y a pas de ligne rouge qui tienne en affaires. L'Ugtt doit comprendre cela et ne plus intervenir dans ce qui est dû domaine des experts.

TATA
| 03-05-2018 21:52
Je redonne d'abord un texte de Mr. Sofiene Ben Hamida:
"La commission des finances, de la planification et du développement au sein de l'ARP a rejeté vendredi le projet de loi sur la clôture du budget de l'Etat pour l'année 2013, dernière année de la troika au pouvoir. Le même jour, le ministre Mehdi Ben Gharbia relaie, au cours d'un débat télévisé, les propos de son chef de gouvernement annoncés quelques heures avant et affirme que l'Etat ne pourra pas satisfaire les revendications des enseignants faute de ressources disponibles. Quelques jours avant, une note circulaire de la présidence du gouvernement somme les ministères de respecter, lors de la préparation de leurs budgets pour l'année prochaine, des règles strictes visant à stopper totalement le recrutement dans le secteur public. Trois faits disparates mais très liés entre eux si on veut bien arrêter de traiter les problèmes du pays d'une manière superficielle qui ne voit que les manifestations des crises au lieu de chercher leurs origines.



C'est en se basant sur des remarques formulées par la Cour des comptes que la commission des finances de l'ARP a rejeté le projet de clôture du budget de 2013. Les dépassements dans la gestion des finances publiques, mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sont multiples, en rapport avec le recrutement anarchique, les promotions de complaisance, la dilapidation des moyens de l'Etat, l'utilisation excessive des voitures administratives et de fonctions à mauvais escient..

C'est cette gestion approximative, sinon criminelle qui a conduit, entre autres raisons, aux difficultés actuelles des finances publiques. La troika, Ennahdha essentiellement, sont responsables de nos maux actuels. Il a fallu cinq longues années, comme si on cherchait à prescrire les faits, et un rapport de la Cour des comptes pour briser la loi de silence respectée par l'ensemble de la classe politique au pouvoir et désigner les responsables de la banqueroute actuelle.



Il est en effet surprenant que tous les chefs de gouvernements qui ont succédé à la troika, Mehdi Jomaâ, Habib Essid et maintenant Youssef Chahed, aient soigneusement évité de pointer du doigt la gestion calamiteuse de la troika et se sont contentés de nous dire que la situation des finances publiques est difficile sans nous donner les raisons qui ont conduit à ce sinistre. Concernant Mehdi jomâa, la situation est particulièrement grave car la feuille de route issue du dialogue national lui assignait expressément de revoir les nominations et les recrutements, qui ne répondaient pas aux procédures légales, décidés au temps de la troika. Malheureusement il n'a pas avancé d'un iota sur cette question. Pourtant, en 2013, le contexte s'y prêtait. Aujourd'hui, il est évidemment trop tard pour rouvrir ce dossier.

Quant à Habib Essid et Youssef Chahed, l'un n'avait pas les moyens de froisser les islamistes, seuls alliés de son gouvernement et l'autre s'est trouvé dès le début embourbé dans cette logique d'union nationale de façade.



Au final, les islamistes, principaux animateurs de la troika s'en tirent à bon compte. Leur gestion sectaire et hasardeuse des affaires de l'Etat n'a jamais été critiquée par leurs successeurs. Leur alliance avec Nidaa leur a permis de tourner la page de leur administration calamiteuse tout en continuant à être associés au gouvernement. Aujourd'hui encore, ils profitent de leur participation au gouvernement en continuant de placer leurs hommes dans des postes clés de l'administration mais n'éprouvent aucune gêne à se désolidariser du gouvernement en cas de besoin, mettant en exergue le fait que la responsabilité du gouvernement incombe à Nidaa seul. Dans l'actuelle crise de l'enseignement, la voix des islamistes se fait inaudible, ce qui n'est pas le fruit du hasard...", voir le lien suivant:http://www.businessnews.com.tn/les-maladresses-dhier-expliquent-les-maux-daujourdhui,523,79524,3


sur le lien suivant
http://www.businessnews.com.tn/les-budgets-de-letat-sous-la-troika-rejetes,520,79502,3

on peut lire: "le contrôle parlementaire des biens publics s'affaiblit en cas d'adoption du projet de loi de la clôture du budget de l'etat, une longue période après son exécution."

C'est très bizarre et c'est inacceptable que le groupe "indépendant" CONECT garde le silence absolu quand il s'agit de 19000Millions d'euros (donations, aides et crédits extérieurs) qui ont été probablement dilapidés durant le règne de notre ex-troïka!

L'étude de CONECT est sans valeur puisqu'elle néglige plusieurs paramètres!

DHEJ
| 03-05-2018 21:24
Et le code pénal et le rôle du pouvoir judiciaire pour assurer la gouvernance scientifique des établissements dits publiques...