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Tunisie – Hamadi Jebali : le retour du calife
27/03/2014 | 1
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Tunisie – Hamadi Jebali : le retour du calife
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A peine sa démission du poste de secrétaire général d’Ennahdha annoncée, Hamadi Jebali mène déjà sa campagne. Sans pour autant se prononcer ouvertement sur une éventuelle candidature à la prochaine présidentielle, il multiplie les interviews et affiche un discours différent de celui tenu par son parti. L’enfant prodigue de Rached Ghannouchi qui avait parlé, en 2011, d’un 6ème califat, n’attend plus que de devenir calife à la place du calife.

Non ce n’est pas pour des raisons de santé que Hamadi Jebali a renoncé à son poste de secrétaire général d’Ennahdha, dimanche 23 mars 2014. Ayant connu quelques problèmes de santé lorsqu’il occupait le poste de chef du gouvernement de la Troïka, Hamadi Jebali se porte bien aujourd’hui, et ne manque pas de le souligner. En effet, après des apparitions médiatiques plutôt timides, l’actuel membre d’Ennahdha (parce qu’il n’a pas encore quitté le mouvement) accorde aujourd’hui une interview à Naoufel Ouertani et Boubaker Akacha, sur Midi Show à Mosaïque Fm. Il sera également présent, sur le plateau d’Ettounsiya pour répondre aux questions de Hamza Belloumi.
A l’ordre du jour, les enjeux de sa démission mais aussi son éventuelle candidature à la présidence. Hamadi Jebali tranche rapidement au sujet de cette récente décision « Il s’agit d’une démission du secrétariat général d’Ennahdha et non du parti ». Il sera cependant plus ambigu en se prononçant sur une possible candidature à la présidence.

Evoquant dans son communiqué des « raisons personnelles et subjectives » l’ayant poussé à démissionner de son poste, il préféra parler de divergences sur la manière de gérer le parti mais aussi le pays. « J’ai trouvé ma place aujourd’hui en dehors du secrétariat général d’Ennahdha », affirme-t-il, tout en soulignant, à plus d’une reprise, « Ma mission est claire : servir mon pays […] à l’intérieur comme à l’extérieur du parti ». Voilà qui dessine les contours d’une précampagne électorale. Un Hamadi Jebali privilégiant le haut intérêt national mais préférant aussi faire preuve de tact et de retenue en évitant de taper sur les membres de son parti. Voilà qui est bon pour la politique.
Tout en se défendant d’être devenu persona non grata au sein du parti ou d’avoir fait l’objet d’une quelconque éviction, Hamadi Jebali affirme qu’il ne se présentera à la présidentielle qu’en tant qu’indépendant. « Un candidat politisé au palais de Carthage serait une catastrophe ». Peut-être faisait-il allusion à Moncef Marzouki, quoi qu’il en soit, Hamadi Jebali a critiqué « ceux qui veulent se présenter à la présidence tout en gardant leurs postes aujourd’hui ». « Ceci fausserait le principe de concurrence entre les différents candidats », dit-il.

Sa décision, il a eu le temps de la mûrir pendant plus d’une année, depuis sa démission du gouvernement de la Troïka, en février dernier. Même si Ennahdha n’a pas encore donné son verdict, force est de reconnaitre que Hamadi Jebali refuse de se présenter sous les couleurs de son parti auquel il adresse de nombreuses critiques. En effet, lors de cette interview, tout en modérant ses propos, il a critiqué le gouvernement politique de la Troïka ainsi que les nombreuses nominations partisanes qui ont été faites à l’époque. « Certains des ministres de mon ancien gouvernement ne faisaient pas la différence entre leur poste ministériel et celui dans leur parti », a-t-il dit. Hamadi Jebali a également conseillé à Mehdi Jomâa de réviser toutes les nominations qui ont été faites depuis la révolution enfonçant ainsi le clou quant à la stratégie prônée par Ennahdha pour s’approprier les rouages de l’Etat. Egalement pointés du doigt les retards dans la finalisation de la Constitution et l’organisation des élections, mais aussi une prise de position assez irréfléchie et rapide sur le dossier du terrorisme.
Révolté contre un gouvernement trop politisé, il démissionne de son poste de Premier ministre, peu après l’assassinat de Chokri Belaïd. La solution à laquelle il avait appelé à l’époque est celle de la constitution d’un gouvernement de technocrates. Proposition tombée aux oubliettes à l’époque, qui s’impose finalement comme unique sortie de crise avec le gouvernement de Mehdi Jomâa. Du temps de la Troïka, on a préféré remplacer Jebali par un autre nahdhaoui, Ali Laârayedh, et opérer un léger remaniement ministériel, qui a tout de même duré des semaines. Hormis ces modifications de surface, rien n’a réellement changé.

Par ailleurs, en juin dernier, lorsqu’il a été question de se présenter à la présidentielle, Hamadi Jebali avait tranché « Je ne serai candidat à la présidentielle que si Ennahdha accepte mes conditions ».
Sans pour autant officialiser la rupture avec le mouvement de Rached Ghannouchi, Hamadi Jebali préfère jouer au loyal homme politique et ne pas tirer sur ses confrères. Pour lui, Ennahdha a connu une crise qu’il a dépassé. Et pourtant, le mouvement islamiste, très peu enclin aux dissensions et adepte du « lavons notre linge sale en famille », sera certainement déstabilisé par cette démission touchant un de ses plus grands dirigeants historiques.

Hamadi Jebali n’est pas à sa première rupture avec son parti. Depuis sa démission du poste de chef du premier gouvernement de la Troïka, il a préféré quitter les devants de la scène pour « accorder aux institutions de son mouvement le temps de prendre les décisions qu’il faut ». Aujourd’hui, encore, force est de reconnaitre que la ligne consensuelle de Hamadi Jebali n’est pas parvenue à s’imposer au sein d’Ennahdha. Le parti n’a pas encore tranché concernant la demande de son secrétaire général et préfère jouer les autruches en affirmant haut et fort qu’il reste soudé et ne connait aucune division interne.
En effet, suite à l’interview de Hamadi Jebali aujourd’hui, Noureddine B’hiri, autre leader du mouvement Ennahdha, s’est empressé de rectifier le tir en soulignant que la démission de Jebali est « le parfait exemple de la démocratie qui prévaut au sein du parti ».

Et pourtant, cette première interview après des mois d’absence dessine les contours d’une campagne électorale timidement débutée par Hamadi Jebali. Même si la rupture est évidente avec le reste du parti, Hamadi Jebali en garde une manière de maintenir le flou et préfère ne pas se prononcer encore. Dans les faits, le secrétaire général démissionnaire d’Ennahdha n’attend que de quitter également son parti pour présenter enfin sa candidature et voler de ses propres ailes.

Synda TAJINE
27/03/2014 | 1
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