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Tunisie - Un hold-up à l'Assemblée nationale
30/12/2013 | 1
min
Tunisie - Un hold-up à l'Assemblée nationale
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Une séance plénière s’est tenue dans la nuit du dimanche 29 à lundi 30 décembre 2013 afin de discuter la loi de Finances et le budget de l’Etat 2014. Une plénière des plus houleuses avec des débats enflammés auxquels ont pris part le chef du gouvernement sur le départ, Ali Laârayedh, et l’actuel ministre des Finances, Elyès Fakhfakh, et durant laquelle a été voté, entre autres, le « Fonds de la Dignité », servant à indemniser les victimes de la répression.
On accuse les élus du peuple d’avoir voulu se remplir les poches en catimini en votant pour un fonds dont les revenus iraient directement dans leurs poches, mais que s’est-il réellement passé lors de cette mémorable soirée ? A-t-on tenté de dépouiller le peuple, en pleine nuit dans un hémicycle déserté par l’opposition et au cœur des diatribes enflammées frôlant l’agression physique entre élus ?


« Vous profitez du sommeil du peuple pour le voler ! », s’est écrié le député du Bloc démocratique Iyed Dahmani, un des rares élus de l’opposition à avoir été présent au palais du Bardo dans la soirée du dimanche 29 décembre. Le député accuse les élus de « transformer le budget de l’Etat en butin qu’ils se partagent à l’ANC, minuit passé ».
Il était en fait plus d’une heure du matin. Cette séance plénière de l’Assemblée nationale constituante qui a député à 11h, la veille, a été marquée par des échanges de compliments entre élus qui se sont félicités de « travailler aussi tard, un dimanche » et n’ont pas oublié, au passage, de souligner « leur dévotion et sacrifices ». En effet, cette semaine a été marquée par des plénières à rallonge et celle du 28 décembre s’est achevée à 23h30.
Mais ce qui s’est déroulé lors de la plénière d’hier ressemble à s’y méprendre à un traquenard, selon de nombreux observateurs. Et pour cause ! Plusieurs articles assez controversés ont été votés « à la sauvette ». 120 élus étaient présents sur un total de 217, dont très peu de membres de l’opposition, et les amendements apportés aux différents articles de la loi de Finances ont été récités à l’oral. Les députés ne pouvaient les consulter au préalable à cause de « l’absence des fonctionnaires de l’administration qui ne travaillent pas un dimanche, contrairement aux élus du peuple », justifie la vice-présidente Meherzia Laâbidi.
A 2h30 au matin du lundi 30 décembre, la loi de Finances a été votée par les présents à l’hémicycle. Un moment historique, certes, mais dont l’émotion n’était pas partagée par l’ensemble des élus présents. Le député Iyed Dahmani s’indigne : « ceci est une honte, ce n’est pas ainsi que se pratique la démocratie. Si ceci était correct, les amendements auraient été imprimés et distribués aux élus et non présentés à la dernière minute afin de pouvoir se partager le gâteau ». Et il manque de peu d’être agressé physiquement par Tarek Bouaziz qui s’emporte contre les propos de l’élu.

Objet central des disputes : dans la soirée, les présents ont voté en faveur de la création d’un fonds de réhabilitation des victimes de la répression. Un fonds appelé sans complexe « Fonds de la dignité ». L’article relatif à sa création a été adopté dans la loi de Finances, avec 88 voix pour, 19 abstentions et 13 voix contre. Le texte de l'article ajouté à la loi de finances de 2014 se présente comme suit : « Le dernier compte spécial appelé le ''Fonds de la dignité'' servant à la réhabilitation des victimes du despotisme doit contribuer à l'indemnisation des victimes de la tyrannie dans le cadre de la justice transitionnelle. L’organisation du fonds, sa gestion et son financement seront régis par un décret. » [Traduit par Business News]
De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la présence d’un tel article dans la loi de Finances. Un article qui aurait davantage sa place dans celle de la justice transitionnelle. Les origines du financement de ce fonds n’ont pas été explicitées et cette proposition ne serait pas, selon Elyès Fakhfakh, ministre des Finances, conforme à la règle selon laquelle il est impératif de fournir les ressources pour les fonds spéciaux. De son côté, le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, affirme qu’il est possible de prévoir une taxe pour financer ce fonds.
Mais ce qu’on a dénoncé aussi, et surtout, est que ce genre de loi soit voté aussi tard « à l’insu de tous » et dans un hémicycle vidé de la quasi-moitié de ses membres. Mais où sont donc passés les 97 élus absents ?

Emna Chaâbane, membre de l’association Al Bawsala, note sur sa page Facebook : « c'est purement de la mauvaise foi de dire qu'ils font exprès de passer des lois le soir, sans que personne ne s'en rende compte ». Pour mieux expliquer les choses, le « Fonds de la dignité » qui a été adopté hier soir est un ajout d’article à la loi de finances. Dans les faits, une loi de la justice transitionnelle a été préalablement adoptée afin d’indemniser les victimes de la répression, et la loi de Finances se chargera donc de prévoir un compte spécial à cet effet. Mme Chaâbane explique également que le compte n'est subventionné de nulle part et qu’il restera donc vide jusqu'à ce que la loi sur la justice transitionnelle soit mise en œuvre. Il s’agit donc d’une caisse vide aujourd’hui régie par une instance qui n’existe pas encore.

Les faits sont là. Mais de là à éliminer tout soupçon de mauvaise foi de la part des élus qui se sont acharnés à faire passer dans la loi de Finances un article qui leur profiterait davantage, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Lors de cette même plénière, d’autres articles non moins intéressants sont passés au vote. L’élue d’Ennahdha, Nabiha Askari, une des plus assidues à l’ANC, a proposé un amendement en faveur de la réintégration des bénéficiaires de l’amnistie générale, au sein de l’administration publique. Samia Abbou rétorque « ceux qui ont milité ne l’ont pas fait pour cela ».

« Voilà ce qui se passe quand tout le monde dort y compris une partie des élus », note Amira Yahyaoui sur sa page Facebook. Alors que le ministre des Finances accuse les élus d’avoir « ridiculisé » l’institution de l’ANC, à deux heures du matin, la vice-présidente Meherzia Laâbidi a pris la parole pour présenter ses excuses, au nom de toute l’Assemblée « pour tout ce qui s’est passé aujourd’hui ». S’excuse-t-elle pour les bonnes raisons ?

Synda TAJINE
30/12/2013 | 1
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