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Tunisie - Le terrorisme qui se banalise, grâce au pouvoir…
30/10/2013 | 1
min
Tunisie - Le terrorisme qui se banalise, grâce au pouvoir…
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Deux attentats terroristes déjoués mercredi 30 octobre 2013 en Tunisie. Après les assassinats politiques ciblés et les assassinats ayant visé les forces de l’ordre et l’armée, la Tunisie est face à un nouveau tournant de sa révolution. Principal accusé : le pouvoir en place qui a trop longtemps banalisé la violence et le terrorisme et ouvert les portes à ceux qui l’encouragent.

On les avait prévenus ! Il y a un an et demi, dans les colonnes du quotidien Le Maghreb, un reportage fait état de camps d’entraînement et de tout un émirat salafiste dans le village de Sejnane, au nord de la Tunisie.
Malgré les preuves irréfutables, malgré les rapports publiés par la suite par différents autres médias indépendants et ONG dont la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme, le gouvernement en place a démenti en bloc. Il n’y a rien de tel dans le pays. « C’est une fazzaâ (épouvantail) », ont crié en chœur différents ministres.
D’autres camps d’entraînement ont été découverts ensuite par les médias et par les citoyens, mais le pouvoir de la troïka avait toujours la même rengaine « c’est la théorie du complot, vous mentez, médias de la honte, vous voulez déstabiliser le gouvernement ».
Démentant un jour un des médias de la place, le ministère de l’Intérieur a même osé parler de sportifs en train de faire leur jogging au mont Chaâmbi, là-même où l’on a découvert des dizaines de terroristes et où l’on a égorgé et assassiné des soldats.

Des imams qui prêchent des discours haineux, de hauts cadres de l’administration qui appellent à la mort, des députés-hauts cadres du parti au pouvoir Ennahdha qui menacent de lynchage sont devenus monnaie courante en Tunisie, depuis les élections du 23-octobre. Et ils demeurent impunis. Parfois, on leur ouvre même les portes du palais de Carthage.
Ces signaux favorables lancés par le haut n’ont pas manqué d’encourager les bases populaires des différents salafistes. A Tunis, et même dans les chaînes de télévision, on n’hésite plus à crier « mort aux juifs », « on est tous Ben Laden », « On est des futurs martyrs »… Tout le discours classique que l’on voit en Afghanistan, au Pakistan et en Irak.
Bien entendu, les médias ont dénoncé avec vigueur ces violences verbales. Plus d’un analyste a attiré l’attention sur le danger de laisser impunis les responsables de ces discours. En vain.
Après les démentis en cascade, et face aux preuves irréfutables, le pouvoir en place a trouvé une autre stratégie : la justification. Désormais, on parle de liberté d’expression, de culture nouvelle, d’enfants tunisiens qui ne sont pas venus de la planète Mars.

Cette deuxième vague de signaux favorables a encouragé davantage les extrémistes qui se sont retournés contre leurs protecteurs du pouvoir en les traitant carrément de mécréants.
Le 14 septembre 2012 marquera un véritable tournant en la matière avec l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis. Les salafistes ayant pénétré et saccagé l’ambassade et brûlé les voitures garées à l’intérieur du parking étaient protégés par la police à leur arrivée, comme l’ont montré à l’époque plusieurs vidéos. Ils seront libérés quelques mois plus tard, malgré les protestations de plusieurs ONG et le communiqué cinglant de l’ambassadeur américain.
Leur chef, Abou Iyadh, osera même défier le ministre de l’Intérieur de l’époque, Ali Laârayedh, pour annoncer une conférence à la mosquée d’El Fatah à Tunis, alors qu’il était officiellement recherché. Il pénétrera la mosquée, fera son discours haineux (diffusé en direct) et sortira, sans aucun problème. La mosquée en question est située en plein cœur de Tunis. On apprend aujourd’hui que ce même Abou Iyadh s’est enfui en Libye et qu’aucun mandat d’amener n’aurait été émis par les autorités tunisiennes.
Autre cas emblématique du laisser-aller encourageant des autorités à l’égard des Salafistes radicaux, celui du jeune imam Bilal Chaouachi qui a habitué les Tunisiens par ses discours violents et haineux dans les mosquées et les chaînes de télévision. Il sera recruté par le ministère de l’Éducation nationale, sous prétexte qu’il est victime de l’ancien régime.

Ces signaux encourageants pour les extrémistes et les salafistes n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui.
Il y a quelques jours, quatre hommes habillés en niqab sont arrêtés par la police. Ils ont été relâchés hier par le juge. Il n’y aurait officiellement aucune loi qui interdit à un homme de porter le niqab. Pourtant, on est bien en état d’urgence, des actes terroristes ont eu lieu ces dernières semaines et des assassinats ont visé des hommes politiques et des membres des forces de l’ordre.
Il y a à peine dix jours, le Premier ministre Ali Laârayedh disait que l’on a vaincu totalement le terrorisme.
Ce matin, mercredi, le gouverneur de Sousse banalise l’acte du kamikaze sur la plage déclarant que tout est normal maintenant.
Avant-hier, la porte-parole d’une de ces associations prêchant la discorde, la violence et la haine entre les Tunisiens est arrêtée par la police pour agressions verbales à l’encontre des forces de l’ordre. Elle est libérée le jour même et reçue le lendemain (soit hier mardi 29 octobre) par la ministre de la Femme !

En parallèle de tous ces signaux laxistes du pouvoir, la frontière tunisienne avec la Libye est devenue une véritable passoire pour les armes et les explosifs. Du pain béni pour les contrebandiers, mais aussi pour les Salafistes extrémistes qui profitent pleinement de la guerre interne qui secoue le ministère de l’Intérieur et du débordement des forces de l’ordre et de l’armée.
Des maisons avec des caches d’armes sont ainsi découvertes régulièrement. Les autorités en profitent pour faire leur propagande et dire qu’ils sont en train de lutter, avec efficacité contre le terrorisme. Mais pour une cache d’arme trouvée, il y en a combien qui ne l’ont pas été ?
Surtout, lorsqu’on sait que les terroristes bénéficient parfois de la complicité du voisinage, comme cela a été le cas dans la localité Sidi Ali Ben Aoun la semaine dernière.
Le terrorisme se banalise de plus en plus en Tunisie avec un pouvoir qui l’encourage, parfois par complicité, souvent par naïveté.
Ce terrorisme, décrié depuis de longs mois par les médias, a quitté les montagnes et le désert et accède aux villes. Il ne tue plus les soldats (prêts à mourir, comme l’a déclaré un jour l’ancien ministre des Affaires étrangères), il menace les civils.
Et malgré tout cela, le gouvernement et le président de la République continuent à estimer avoir réussi leur mission et à dire que le terrorisme se trouve partout. Il se trouve qu’il n’y a qu’en Tunisie où les apprentis-terroristes se trouvent encouragés et protégés par les autorités et qu’il n’y a qu’en Tunisie où ces mêmes autorités démentent les médias qui le dénoncent et l’épinglent !

Raouf Ben Hédi

Caricature : Dilem
30/10/2013 | 1
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