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Tunisie – Des débats houleux ralentissent encore l'écriture de la Constitution (vidéos)
04/11/2012 | 1
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Tunisie – Des débats houleux ralentissent encore l'écriture de la Constitution (vidéos)
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En marge des plénières diffusées en direct à la télévision, les débats au sein des commissions se poursuivent à l’Assemblée nationale constituante (ANC). Sans grande médiatisation, les élus, du moins les présents d’entre eux, achèvent, lentement, leurs travaux, afin de parvenir à un projet de Constitution à présenter en plénière pour son adoption, article par article.
Si la cadence s’accélère, les différends sont loin d’être dépassés et des débats houleux, sur des questions maintes fois débattues, font perdre un temps précieux et jettent le discrédit sur la volonté de parvenir à un consensus afin de présenter une Constitution au peuple tunisien, dans les plus brefs délais. Retour sur ces derniers jours à l’Assemblée.

A neuf heures du matin, en ce mercredi 31 octobre 2012, une fois n’est pas coutume, Iyed Dahmani, rapporteur de la commission « droits et libertés », fait partie des premiers arrivés. Alors que les observateurs avaient l’habitude de le voir déserter les travaux des commissions, comme une partie de ses collègues, M. Dahmani semble vouloir prendre les choses en main. Ce sont les derniers articles à débattre, il s’agit d’accélérer la cadence et d’achever, enfin, la lecture des recommandations de la commission mixte. C’était sans compter le blocage de certains résistants de la dernière heure.
En effet, plusieurs députés d’Ennahdha et d'autres groupes parlementaires, remarquent, non sans gêne, que la commission mixte a, ni plus ni moins, supprimé plusieurs articles auxquels ils se sont montrés attachés, en l’occurrence celui sur la criminalisation de la normalisation avec l’Etat d’Israël mais aussi ceux qui concernent la complémentarité entre l’homme et la femme et la nécessité du mariage dans la constitution de la famille. « Le comité mixte n’a pas le droit de supprimer ces articles, en opérant une manipulation consistant à les reléguer à la commission du préambule qui ne les pas acceptés », s’indignent plusieurs députés d’Ennahdha, mais également Mourad Amdouni, ou encore Brahim Gassas.



Iyed Dahmani, aidé par la présidente nahdhaouie de la commission, Farida Laâbidi, tentera de faire entendre raison à ces députés réfractaires, avançant le fait qu’il s’agissait là des prérogatives du comité mixte. « Le comité mixte a jugé que ces sujets n’entraient pas dans la partie des droits et libertés, mais dans celle des principes fondamentaux. Rien ne vous empêche, par la suite, de présenter vos amendements en plénière », explique le rapporteur de la commission.
Après plusieurs heures de débats sur ces questions épineuses, la présidente s’en tiendra aux recommandations du comité, non sans avoir suscité la colère de ses co-partisans d’Ennahdha. Brahim Hamdi, du groupe parlementaire "liberté et dignité", quitte la salle en signe de désapprobation, pendant que les autres enregistreront plusieurs requêtes et leur refus de se plier à ces règles, auprès du bureau de l’Assemblée.

Si donc, les sujets tels que la criminalisation de la normalisation avec Israël, ou encore le rôle de la femme dans la famille, qui avaient suscité de fortes polémiques ces derniers mois, ont été supprimés officiellement de l’avant-projet de Constitution, il est à prévoir que ces questions seront à l’ordre du jour lors des débats en plénière, et que le principe de consensus avancé par un certain nombre d’élus, dont le président de l’Assemblée constituante, est loin d’être trouvé.



La cacophonie dans les débats au sein des commissions se retrouve, d’une manière encore plus affirmée, au sein de la commission en charge des pouvoirs exécutifs et législatifs. Il est à préciser que cette commission n’est pas encore parvenue à l’étape de l’étude des recommandations du comité mixte mais que, après des mois de débats, elle en est à la première étape, en l’occurrence celle du premier brouillon. La commission qui s’était trouvée confrontée à différents blocages, notamment celui du type de régime politique à adopter, avait, en effet, présenté plusieurs versions de ses travaux, preuve s’il en est de l’absence de consensus qui se dégage encore une fois des débats.

En fin de matinée du mercredi, c’est un brouhaha généralisé que l’on retrouve dans cette commission. Quelques députés de l’opposition remettent en cause les conditions de candidature pour la présidence de la République, notamment l’obligation, pour le candidat ou la candidate d’être musulman. Les députés d’Ennahdha s’insurgent. La religion d’Etat est l’Islam, affirment-ils, il est hors de question de revenir sur ce point. Malgré le fait qu’elle ait concédé ce dernier point, Samia Abbou tient, malgré tout, à faire valoir le caractère absurde de cette obligation : « Ben Ali était musulman, il a même fait le pèlerinage à la Mecque, pourtant, je considère qu’il a trahi les principes de l’Islam. Dire que le président doit être musulman n’a donc pas de sens ». Ce à quoi une députée d’Ennahdha rétorquera qu’il s’agit d’un principe non négociable et que cela ne veut pas dire qu’il faille vérifier si le candidat est un bon musulman ou pas : « Je ne vais pas lui demander une démonstration pour voir s’il sait prier, il faut juste qu’il soit musulman », souligne-t-elle.



Au-delà du caractère absurde relevé par Samia Abbou, Samir Bettaieb, également membre de la commission, déclarera à Business News que ce point contredit plusieurs principes de la Constitution, à savoir le caractère civil de l’Etat, mais aussi la liberté de conscience. Cette disposition vient également s’ajouter aux lacunes du préambule, privilégiant le caractère religieux et ne tenant pas compte des droits des minorités.
Cependant, pour accélérer l’achèvement des travaux, ce point a été adopté, de même que celui empêchant les binationaux de se présenter aux élections présidentielles, consacrant, encore une fois, la constitutionnalisation de sous-citoyens tunisiens.

D’autres commissions ont également poursuivi leurs travaux en fin de semaine dernière. Le fil rouge de l’ensemble de ces débats aura été la lenteur des débats, le manque d’assiduité, le non-respect du planning et des délais. Vendredi dernier, si les principaux points de divergences ont été précipitamment dépassés, les débats dans les coulisses se poursuivent. Enfin, l’écriture de la Constitution sera, encore une fois, retardée par les projets urgents qui seront débattus la semaine prochaine à l’Assemblée constituante, parmi lesquels figure le projet de l’ISIE. Plusieurs organismes internationaux (dont le centre Carter), ou de représentants de la société civile tunisienne (Atide…), se sont déplacés à l’Assemblée constituante pour présenter à Mustapha Ben Jaâfar leurs inquiétudes concernant ce projet, pour lequel les discussions en plénière risquent d’être, pour la semaine qui arrive, des plus tendues.


04/11/2012 | 1
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