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La migration climatique, une réalité en Tunisie
29/07/2023 | 16:59
7 min
La migration climatique, une réalité en Tunisie

 

La crise climatique est en train de remodeler notre monde. Le climat change plus rapidement que jamais et affecte notre quotidien. Les changements climatiques qui désignent les variations à long terme de la température et des modèles météorologiques, ont un impact non seulement sur l’environnement mais surtout sur l’être humain.


Cet impact peut être direct : hausse du niveau de la mer, hausse de la température, intensification des précipitations… et un impact non direct : intensification des crises alimentaires, proliférations des maladies… Les effets secondaires du changement climatique peuvent inclure le déplacement, la perte de moyens de subsistance, l'affaiblissement des gouvernements et, dans certains cas, l'instabilité politique.

Le changement climatique a même un impact sur la mobilité humaine. Ainsi, on parle aujourd’hui de la migration climatique, un concept qui décrit une multitude de changements liés au changement climatique. Cette migration peut être temporaire, saisonnière, circulaire ou permanente et peut être forcée par des conditions de plus en plus sévères ou se produire comme une stratégie proactive face aux impacts climatiques pour les moyens de subsistance et le bien-être. Selon l’OIM, les migrants environnementaux sont des « personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées au changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent

 

Avant, on parlait de migration du milieu rural à la ville ou d’une migration à l’étranger pour trouver une vie meilleure. Aujourd’hui, on parle d’une migration poussée par les facteurs environnementaux, le déplacement n’est plus un choix mais une obligation de survie. L'Institut pour l'économie et la paix indique que 1,2 milliard de personnes seront à risque de déplacement en raison du changement climatique d'ici 2050. Un rapport récent de la Banque mondiale estime que d'ici 2050, entre 125 et 216 millions de migrants climatiques pourraient effectivement se déplacer à l'intérieur des pays à revenu faible ou intermédiaire en fonction des résultats climatiques.

L'Afrique est l'une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique. Dans son rapport, la Banque mondiale prévoit que jusqu'à 19 millions de personnes deviendront des migrants climatiques internes rien qu'en Afrique du Nord d'ici 2050. Ce rapport souligne que les catastrophes environnementales ont causé 7,4 millions de personnes déplacées supplémentaires en Afrique subsaharienne.

La région MENA est déjà la région la plus pauvre en eau avec douze des dix-sept pays les plus soumis à un stress hydrique dans le monde, et avec 60% de la population de la région exposée à un fort stress hydrique.

En Tunisie, les inondations sont de plus en plus fréquentes, tandis que les grandes sécheresses sont un phénomène récurrent. Des chercheurs estiment que d'ici 2030, la température moyenne augmentera d'environ 1,1°C et atteindra une hausse de 2,1°C d'ici 2050. Cette augmentation contribuera à une baisse des précipitations de 11% dans le Nord et de 29% dans le Sud. Elle entraînera également une diminution de 28% des ressources hydriques et de 20% des terres arables d'ici 2030.

 

D’habitude, la migration interne en Tunisie est expliquée par des raisons économiques et sociales, dont notamment la recherche d’un travail et l'amélioration des conditions de vie.  Cependant, les raisons climatiques commencent à se manifester en Tunisie, le facteur climatique et environnemental jouera, à l'avenir, un rôle important dans le mouvement de migration interne en Tunisie, ce qui implique l’urgence de mettre en place les stratégies nécessaires pour stabiliser les citoyens dans les régions menacées par les incendies de forêt et le manque d'eau.

Dans un pays dont l’économie se base sur l’agriculture et la pêche, le phénomène de la migration climatique se manifeste dans une direction unique, de la région Ouest vers le Est et les villes côtières, à la recherche de meilleures opportunités économiques et d'emploi, et ce en raison de l'augmentation du taux de chômage dans les régions de l'Ouest. Les habitants de l'Ouest, en particulier les régions forestières et frontalières, migrent également pour échapper aux incendies qui se déclenchent régulièrement dans leurs régions en été, entraînant de lourdes pertes pour eux en raison de la destruction de la couverture forestière qui leur fournit des moyens de subsistance.

La sécheresse entraîne également des vagues d'émigration collective des citoyens vivant dans de petites localités rurales qui souffrent du manque de sources d'eau naturelles et de l'absence de réseaux d'eau potable.

 

Ces facteurs environnementaux ont eu un impact sur la mobilité des Tunisiens et ont poussé les habitants à changer leur terre dans la quête d’une vie meilleure. C’est ce qui s’est passé au Cap Bon après l'élévation du niveau de la mer et c’est ce qui s’est passé aussi à Kasserine et à Jendouba après les incendies de 2021. Les régions attirant des vagues d'émigration interne en Tunisie sont la région du Grand Tunis, qui a enregistré entre 2009 et 2014 une migration estimée à environ 46.000 citoyens selon la banque mondiale, ainsi que les régions du Centre et du Sud-Est qui ont attiré 119.600 personnes, sur un total de 360.800 arrivants dans les régions côtières.

L’ingénieur en halieutique et environnement Hamdi Hached a estimé que les phénomènes climatiques que nous vivons aujourd'hui entraîneront l'effondrement des systèmes de production locaux répartis dans les campagnes, et affecteront les communautés agricoles et pastorales et les zones qui dépendent de l'agriculture en particulier et de la pluviométrie. Il a expliqué que la baisse des précipitations entrainera une instabilité de la production agricole, ce qui conduira à la fuite des flux humains, notamment en Afrique subsaharienne, « une grande partie d'entre eux deviendront des réfugiés climatiques ». Hamdi Hached a évoqué la possibilité d'enregistrer 270 millions de réfugiés environnementaux dans les années à venir, selon des rapports internationaux, « un nombre qui est susceptible d'augmenter », selon ses dires.

La semaine dernière, un incendie s'est déclaré dans la forêt de Melloula, au nord-ouest de la Tunisie, entraînant la destruction de près de 500 hectares de forêt dans la région, avant que les pompiers ne parviennent à le maîtriser.

Le feu a repris, lundi 24 juillet 2023 et s'est approché des quartiers résidentiels, ce qui a nécessité une évacuation complète des habitants par voies terrestres et maritimes à l'aide de bateaux.

Un certain nombre d'habitants de la ville de Tabarka ont exprimé leur intention de déménager, à l'instar de Soumaya, 43 ans, femme au foyer mariée et mère de deux enfants. Elle déclare : « La situation est devenue insupportable, l'été est devenu un fléau pour nous. Nous ne pouvons pas dormir par peur du retour des incendies ». Soumaya affirme que les incendies ont détruit les cultures agricoles dans sa région à Melloula, près de Tabarka, entraînant le chômage de plusieurs habitants, dont son oncle et sa famille qui travaillaient dans l'agriculture. « Mon oncle et ses fils avaient un projet agricole qu'ils exploitaient depuis des années, je ne sais pas ce qu'ils feront après les incendies », ajoute-t-elle.

Soumaya, qui n'envisageait pas de déménager auparavant, est désormais convaincue que c'est la seule solution pour protéger sa famille. « J'ai toujours été opposée à l'idée de déménager en ville, mais après les incendies, c'est devenu une question de vie ou de mort pour moi et mes enfants. Je ne resterai pas ici ».

Ces crises environnementales ont impacté la vie quotidienne des peuples mais peuvent même impacter la géopolitique dans le monde entier. Aujourd’hui, les gens se déplacent en raison du changement climatique et un nombre croissant le fera à l'avenir, volontairement ou non. La quantification de la migration future est délicate en raison de la complexité et des limites des données, et les résultats dépendent des scénarios climatiques futurs et de la définition d'un migrant climatique. On ne sait pas non plus quel sera le principal moteur (niveau de la mer, pertes de revenus ou instabilité, etc.), s'il s'agira de migrants plus pauvres ou plus prospères qui se déplaceront, et combien traverseront les frontières.

Les Migrations à grande échelle et la réponse à des événements climatiques déstabilisants dans des zones d'importance économique ou politique particulière peut entraîner un impact disproportionné sur la condition générale d'un pays. Ce sera probablement le cas pour les populations côtières du monde où l'élévation du niveau de la mer devrait déplacer un nombre disproportionné.

Améliorer la capacité de la Tunisie à prévoir les catastrophes naturelles est un mécanisme crucial pour traiter les migrations climatiques potentiellement à grande échelle avant qu'elles ne se produisent et qu'elles ne puissent influencer la vie des Tunisiens.

 

Rabeb Aloui

29/07/2023 | 16:59
7 min
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Commentaires
Ben Mansour
Phénomène mondial
a posté le 31-07-2023 à 08:24
La migration climatique est un phénomène mondial et non pas spécifique à la Tunisie.
Il faudrait savoir qu'après avoir vécu les périodes où tous les "" petits"" signes de fin d'existence de l'univers persistent et observent la diffusion après leurs apparition, l'augmentation galopante de la pollution et sa propagation à travers toute la sphère, il est certain que l'être humain ne pourrait pas vivre dans des conditions climatiques sévères et notamment une chaleur étouffante avec des températures qui dépassent les 50 °C.
Il suffit de se référer au 3ème principe de l'entropie qui annonce clairement que ce désordre"" à l'échelle mondial"" ne cesse d'augmenter.
En conséquence, les régions dans lesquelles il est impossible sinon très difficile de s'en adapter vont observer une émigration/immigration collective des habitants vers des régions où il serait possible de vivre durant un certain temps.
A leurs tours, les premières issues ( ces nouvelles régions) vont se chauffer à leurs tours et deviennent difficiles à vivre et le parcours de ces flux sera suivi vers une seule région qui va "" recevoir tout le monde "" .
Quel est le pays qui va recevoir toute la population mondiale le jour J ? On parle de Yemen --- Ceci reste à interpréter difficilement par la géographie , la météo , et d'autres sciences !!!
Mais , il faudrait des vrais et réels têtes pensantes pour arriver à une explication raisonnable et scientifique.
Ce n'est pas facile du tout """" alors que ce phénomène n'est pas particulier à la Tunisie, mais c'est au niveau de toute la planète que ceci va se passer.
takilas
Un exode rural "moderne" instauré en 2011 au profit d'une région précise par nahdha.
a posté le 30-07-2023 à 11:26
Est-ce cela le sous-développement?
Celui de dénigrer sa "supposée ?!" région et de migrer coûte que coûte vers .....,Tunis ; la ville qui est la cause de tous les maux en Tunisie et ce depuis au moins quatre décennies.
Donc il est inutile de parler ni d'ère nouvelle ni de révolution, ; tout est foutaise et plusieurs font semblant de ne pas le reconnaître dont les écrivains, les narrateurs et...les journalistes devenus malhonnêtes par la force des choses à savoir le régionalisme ou la misère.
Est-ce-que les scandinaves osent se comporter ainsi même pendant une seconde ? Dites leur !
Djodjo
@taquilas le psychorigide
a posté le à 22:08
Que cela te plaise ou pas le trépané, les sudistes sont aussi des tunisiens et ils ont le droit de vivre ou bon leurs sembles sur le territoire.

L'ami, tu fais une overdose de sudiste, il est temps pour toi de consulter.


Naim
Une prise de conscience urgente.
a posté le 29-07-2023 à 20:38
J'ai écouté le discours du Capitaine Ibrahim Traoure lors de la réunion Russie-Afrique ou il relatait une réalité actuelle. Le President Traoure à clairement invité les jeunes candidats à l'immigration qu'il est temps de changer de paradigme.
L'immigration doit ciblé en premier lieu les palais présidentiels pour dégommer les sous prefets de Paris car, en Afrique, ils peuvent trouver leur bonheur. Bien évidemment, le vilain garçon Maky Sall du Sénégal n'a pas apprécié. Il se sent coupable.
ali
@Naim
a posté le à 11:36
S'il y avaient vraiment des sous préfets de Paris en Afrique,la France n'aurait pas été chassée par les différents putschistes!Maintenant qu'ils vont goûter aux préfets wagnériens ils vont goûter aux vrais préfets !