alexametrics
lundi 23 juin 2025
Heure de Tunis : 15:16
Tribunes
Complexité économique et développement en Tunisie
10/06/2020 | 20:30
10 min
Complexité économique et développement en Tunisie

 

Par Hazem Krichene * 


 

L’économie de croissance et de développement s’intéresse au gap entre les pays riches et les pays pauvres qui souvent s’avère énorme. Selon l’économiste Daron Acemoglu, en 1820 le PIB annuel moyen par habitant en Europe occidentale et aux Etats-Unis était d’environ 1,200$ face à environ 400$ en Afrique (US dollars, 2000). En 2000, le PIB annuel moyen par habitant est d’environ 22,000$ en Europe occidentale et aux Etats-Unis face à 1,200$ en Afrique. Ainsi, l’écart de richesse entre le ‘Nord’ et le ‘Sud’ a été multiplié par six au cours des deux siècles derniers. Ceci témoigne de la défaillance organisationnelle des pays pauvres, empêchant, ainsi, l’accumulation du savoir et la production d’outils innovants et complexes, ce qui constitue un frein de développement.  

 

La complexité économique comme moteur de développement

Durant les deux siècles derniers, le savoir humain a explosé. En mettant de côté les grandes réalisations à l’instar des premiers pas sur la lune, l’Homme a mis en place toute sorte d’outils qui ont facilité notre existence et amélioré nos standards de vie. On peut énumérer le téléphone, les vaccins ou les antibiotiques, internet et les réseaux sociaux qui ont révolutionné le politique, le marketing et le commerce, et ont donné naissance à de nouvelles sciences, comme les sciences comportementales. Les individus des sociétés qui ont mené ces inventions, ne possèdent pas des capacités cognitives extraordinaires. Toutefois, ces sociétés sont dotées d’une plus grande intelligence collective qui sert à accumuler le savoir en le mettant au service de l’innovation grâce à des organisations efficientes et à des marchés dynamiques et ouverts. Ainsi, ces sociétés accumulent le savoir-faire en s’appuyant sur la diversité humaine et technologique pour créer des produits plus intelligents, plus complexes et plus sophistiqués. C’est ce qu’on appelle la complexité économique, mesurée par l’indice de complexité économique (ICE). Les pays qui ont pris ce chemin ont développé des standards de vie en amélioration continue, tandis que les autres cherchent encore leur entrée aux siècles des lumières.

 

Simple définition de l’indice de la complexité économique

L’ICE se calcule sur la base des produits exportés par chaque pays en se basant sur le réseau international du commerce. Chaque produit exporté possède un indice de complexité, qui reflète combien d’autres pays exportent ce même produit. Ainsi, la complexité d’un produit décroit avec l’augmentation du nombre des pays exportateurs (la formule contient d’autres spécificités non décrites dans cet article). A titre d’exemple, la Tunisie exporte l’huile d’olive avec beaucoup d’autres pays (Espagne, Grèce, France, Maroc, etc.) ce qui donne un ICE bas à ce produit vu qu’il ne requière pas un savoir-faire technologique complexe. La technologie de communication de pointe 5G mise en place par quelques entreprises chinoise, est au cœur de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. En effet, le fait que la Chine maitrise cette technologie donne à la 5G un haut indice de complexité, lui procurant un avantage concurrentiel conséquent dans le secteur des TICs (technologie d’information et de communication).

La valeur de l’ICE est relative et non-normalisée. Ainsi, le plus haut ICE enregistré depuis 1964 est celui du Japon en 1996 qui s’élevé à 2.62 alors que le plus faible ICE revient à l’Angola en 2012 (-2.79). Généralement, un ICE négatif témoigne d’une économie ayant un tissu industriel précaire ; un ICE entre 0 et 1 montre des perspectives de développement relativement fragiles ; un ICE supérieur à 1 reflète une économie sur un chemin robuste de développement ; et un ICE supérieur à 2 concerne les économies possédant une industrie hautement complexe. Toutefois, l’ICE ne sert pas uniquement à classifier la performance industrielle des pays. Durant la dernière décennie, des modèles économiques de prévision se basant sur l’ICE ont démontré une meilleure capacité de prédire la croissance économique que celle des modèles classiques.

 

L’évolution de la complexité économique en Tunisie 

La figure 1 montre l’évolution de l’ICE en Tunisie entre 1964 et 2017. En moyenne l’indice évolue à -0.11, avec quelques disparités, où la valeur minimale est de -0.52 en 1997 et la valeur maximale est de 0.29 en 2012. En somme, le moteur de développement en Tunisie s’appuie sur une industrie précaire et fragile. Sur certaines périodes, il y a eu quelques lueurs d’espoir de développement qui ne sont ni robustes ni durables. Toutefois, selon la figure 1, il est clair que la Tunisie a eu trois phases de développement.

 

 

 

Figure 1: Indice de complexité économique en Tunisie, 1964-2017

 

Développement postcolonial – La première République

A la veille de l’indépendance, le défi était de passer d’une économie agraire et paysanne archaïque, qui assure un emploi précaire à 75% de la population, à une économie industrielle qui génère une croissance durable nettement supérieure à la croissance démographique (2,1% en 1961). L’objectif était d’atteindre un taux de croissance annuel de 6% face à une croissance de 3% en moyenne réalisée depuis l’indépendance.

Le gouvernement du président Habib Bourguiba avait entamé un plan de développement entre 1962 et 1971 qui s’appuie sur quatre piliers : i) la décolonisation économique; ii) le développement humain ; iii) la réforme structurelle et administrative ; iv) l’indépendance économique.

Un travail avait déjà commencé depuis 1956, avec la mise en place du code de statut personnel, la promotion des droits de la femme, la généralisation de l’éducation dans tout le pays et l’inauguration de la République et de la première constitution. Avec une administration qui commençait l’air de la modernité, la première phase du plan de développement, entre 1962 et 1964, visait concrètement à : i) développer les moyens de production agricole ; ii) implémenter l’industrie qui est extrêmement embryonnaire; iii) et promouvoir le tourisme qui comptait à peine 50,000 visiteurs par an en 1960.

La politique de l’Etat entre 1962 et 1980 a été marquée par une navigation incertaine entre des périodes de socialisme, d’interventionnisme étatique, et du libéralisme progressif, séparés par des périodes de récessions et d’augmentation de la dette non-productive. Toutefois, cette période a su lancer un début de développement à travers : i) la consolidation de l’industrie agroalimentaire qui a donné trois des cinq plus importants groupes industriels en Tunisie (SFBT, Poulina et Mabrouk) ; ii) l’émergence d’une agriculture plus modernes; iii) et la hausse du tourisme illustrée par la création de la Société hôtelière touristique et de transport.

 

Sur la figure 1, l’ICE s’envole entre 1964 et 1988 avant de sombrer de nouveau sur une décennie. Cette dynamique reflète, dans un premier temps, le résultat des plans de développement qui ont vu le jour à l’aube de 1960, et, en deuxième temps la crise économique vécue entre 1982 et 1986 qui a mené au renversement du pouvoir. La crise économique de 1982 puise ses racines dans l’inaboutissement du plan de développement à une économie complexe de haute valeur ajoutée. Ainsi, l’industrie s’est arrêtée principalement au stade de l’agroalimentaire, du textile et du groupe chimique, bénéficiant dans les années 70 du prix élevé du phosphate et des matières premières. La faible valeur ajoutée technologique de cette industrie est reflétée par le faible ICE. Avec la guerre Irako-iranienne (1980-1988) et la baisse drastique des revenus des matières premières fossiles, la Tunisie faisait face à d’importantes sécheresses aux débuts des années 80. Ainsi, l’économie basée sur une industrie à faible complexité ne trouvait plus ses équilibres financiers menant à l’explosion de la dette non-productive, l’appauvrissement sociétal, l’hyperinflation et le chômage. Les conséquences sont considérables et ont mené à l’effondrement de la première république et au renversement du leader de l’indépendance. 


Restructuration et ouverture – la deuxième République

La deuxième république sous la présidence de Ben Ali est marquée par deux phases, comme le montre la figure 1. La première phase (1987-1995) est celle de la restructuration économique sous la tutelle d’un programme soutenu par la banque mondiale et le FMI. La deuxième phase (1995-2010) est celle de l’ouverture et de la modernisation économique.

Durant la première phase, l’économie faiblement complexe instaurée depuis l’indépendance n’a pas pu maintenir un niveau de compétitivité soutenu. C’est une économie rentière, basée sur une élite restreinte, et une industrie peu diversifiée. Ainsi, le plan de restructuration économique avait trois objectifs principaux : i) stabiliser les indicateurs macroéconomiques ; ii) libéraliser l’économie et bâtir les structures du marché ; iii) diminuer la dépendance aux revenus pétroliers. Cette première phase était couronnée par la signature de l’accord de libre-échange entre la Tunisie et la zone Euro.

Cet accord constitua l’axe de la politique économique de Ben Ali, avec une ouverture économique progressive durant 12 ans, soutenue par des budgets européens au début des années 2000 pour le programme de la modernisation industrielle (2003-2008). Cette politique ne s’est pas orientée vers l’amélioration de la complexité de l’industrie tunisienne, mais elle a ciblé la proximité géographique pour attirer les investissements directs étrangers et la délocalisation des entreprises européennes voulant tirer profit d’une main d’œuvre qualifiée et bon marché. Cette politique a permis au gouvernement : i) d’absorber 4% du taux de chômage pour se situer autour des 13% en 2005 ; ii) de booster l’exportation en bénéficiant de nombre important des entreprises européennes produisant en Tunisie.

Sous le népotisme du régime, la corruption et le favoritisme d’une élite restreinte, l’économie tunisienne s’est, certes, ouverte pour les fonds et les investissements étrangers, mais elle est restée fermée pour les tentatives d’innovations internes. Ainsi, l’état est devenu support d’une économie de rente qui protégeait les privilèges d’une minorité (généralement proche du pouvoir) au détriment de l’innovation et l’efficience économique.

En absence d’une économie complexe et sophistiquée, la crise financière de 2007-2008 a fait émerger de nouveau les faiblisses du modèles de développement, qui dans son fond n’a pas évolué par rapport à celui des années 80. La croissance économique de 5% proclamée fièrement par le régime s’est vue diviser par deux, et le taux de chômage s’est vu grimper de 6% en deux ans avoisinant ainsi les 19% en 2011 (plus haut qu’en 1995).

La politique économique de Ben Ali voulait apporter des solutions non-structurelles à des problèmes endémiques. Elle s’est soldée par un renversement politique (la révolution de 2011), cette fois plus violent que son prédécesseur (1987) et mené par une jeunesse désespérée. 

 

La naissance de la démocratie

La phase 2011-2018 de la figure 1 nous rappelle la phase 1987-1995. Cette fois, la chute des exportations de produits complexes est due principalement à la diminution des investissements directs étrangers et à la relocalisation de beaucoup d’entreprises étrangères (principalement vers le Maroc) à cause de l’instabilité sociale depuis 2011.

Aujourd’hui encore, les plans de développement du (des) gouvernement (s) ne sont pas clairs. Les réformes structurelles tardent à venir. Cette période de transition est acheminée encore une fois par des plans de restructuration économique du FMI, par des politiques d’austérités et par un retard important pour s’attaquer à la réforme fiscale afin que l’état puisse dégager les revenus nécessaires à la refonte de secteurs stratégiques et vitaux.

Les présidents Bourguiba et Ben Ali n’ont pas attaqué les réformes économiques de fond. Ceci a laissé le pays fragile à tous les évènements externes. Les difficultés climatiques des années 80 et la crise financière de 2008 ont, les deux, marqué la fin de ces régimes suivant le même acheminement : choc exogène, crise économique, explosion du chômage et de l’inflation, contestation populaire, renversement du régime politique.

 

Dans sa forme, la démocratie est élection. Dans son fond, la démocratie est opportunités égales pour tous. Rester au niveau de la forme ne fera que reproduire l’histoire avec un gout plus amère, une teinte plus sombre et une violence plus prononcée. Personne, y compris les bénéficiaires, n’a intérêt à garder un système qui protège depuis les années 60 une élite minoritaire en sacrifiant une majorité citoyenne. La crise de 2008 a soufflé le vent de la démocratie. Qui saurait quel vent soufflera suite à la prochaine crise, dans un pays aussi fragile que le nôtre ?  

 


* Dr. Hazem Krichene Chercheur - Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique    

10/06/2020 | 20:30
10 min
sur le fil
Tous les Articles
Suivez-nous
Commentaires
Dr. Jamel Tazarki
Le principe des avantages comparatifs
a posté le 11-06-2020 à 08:09
@Dr. Hazem Krichene. vous écrivez: "La technologie de communication de pointe 5G mise en place par quelques entreprises chinoise, est au coeur de la guerre commerciale entre la Chine et les '?tats-Unis. En effet, le fait que la Chine maîtrise cette technologie donne à la 5G un haut indice de complexité, lui procurant un avantage concurrentiel conséquent dans le secteur des TICs (technologie d'information et de communication)."
==>
Le "5G" n'a rien de purement chinois, le "5G" produit en Chine utilise à 70% des technologies importées.

C'est pareil avec les cellules/modules photovoltaïques dont la production mondiale se fait à 99% en Chine mais à 90% avec des éléments technologiques importés du marché européens et autre.

De même l'avion Airbus n'est pas un avion à 100% européen. En effet, Il se compose de plus de 30000 pièces qui peuvent être fabriquées de façon autonome les unes des autres et partout dans tous les pays du monde (entre autre en Tunisie). Ces composants sont graduellement réunis en sous-ensembles qui sont associés lors de l'assemblage final à Toulouse, en France.

De même les éléments de la brosse à dents électrique de la firme allemande Braun sont fabriqués dans tous les coins du monde où les prix de production sont minimaux: Manille (l'électronique); Japon (cellules d'énergie); Chine (bobines de cuivre); Malaisie (platine); USA (boîtier en plastique) et Allemagne (assemblage)'

La voiture 'allemande' Porche n'a rien d'Allemand, etc., etc., etc.

Je cite un texte d'un commentaire de @Rafik de Jendouba: "basé sur le principe des avantages comparatifs le néolibéralisme sous couvert de mondialisation est censé être générateur de richesses pour tous , chaque pays excelle dans le domaine qu'il maitrise et fait bénéficier l'humanité de sa maitrise c'est la notion de l'avantage comparatif développée au XIX ème siècle"

Ainsi, la décomposition d'un produit permet la fabrication des différentes pièces dans des pays différents en fonction de leurs avantages comparatifs. La production est décomposée internationalement d'où le nom de "décomposition internationale du processus productif". Ce que l'on appelle en allemand: "Internationale Arbeitsteilung".

La théorie associée à l'avantage comparatif explique que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s'il se spécialise dans la production pour laquelle il a la productivité la plus forte, comparativement à ses partenaires, il accroîtra sa richesse nationale. Cette production est celle pour laquelle il possède un avantage comparatif.

Le problème de la Tunisie et des Tunisiens c'est que si on voulait produire des machines, on voudrait les produire à 100% par nous-même et en Tunisie.

La libéralisation des échanges à l'échelle internationale ne peut fonctionner en Tunisie que si nos "hommes d'affaires" appliquent le principe associée à l'avantage comparatif. Nous avons intérêt à nous spécialiser dans la production pour laquelle nous possédons un avantage absolu/relative, c'est-à-dire pour laquelle nous sommes plus compétitif que nos partenaires commerciaux, et à utiliser le surplus de notre production pour l'échanger contre les biens qu'on a renoncés à produire par nous-même.


Nous avons un avantage comparatif à nous engager, entre autres, dans le domaine du modélisme radiocommandé (Model RC), comme les hélicoptères, les avions, les voitures, les bateaux, les trains et les drones radiocommandés. Il s'agit d'un travail manuel qui fait beaucoup de plaisir. J'avoue que j'ai abandonné, pendant deux ans, mon travail très bien payé de mathématicien afin d'aller travailler dans une firme de modélisme radiocommandé et ceci rien que pour la passion que j'avais et que j'ai encore pour le modélisme.

Oui, nous avons un avantage comparatif à nous engager dans le domaine du modélisme, si on accepte d'importer les radiocommandes ou les télécommandes (ensemble composé de l'émetteur, du récepteur, du servos, etc.). Il est absurde de nous engager dans la fabrication des télécommandes, si on veut se spécialiser dans le modélisme. Et je vous assure que le pas entre les modèles des avions réduits radiocommandés et les petits avions de ligne n'est que minimal, en effet le principe est le même mais dans des dimensions différentes.

Encore des exemples: nous avons un avantage comparatif à utiliser l'énergie solaire que fossile, et vous savez pourquoi! Nous avons un avantage comparatif à développer l'aquaculture sur toute la côte méditerranéenne. Nous avons un avantage comparatif à développer l'hydro-culture, etc.

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
Dr. Jamel Tazarki
Tirer Le Meilleur Parti De La Mondialisation!
a posté le 11-06-2020 à 08:01
Je résume, qu'est ce qui a permis la mondialisation des échanges?
1) l'abaissement du coût des transports et notamment le transport maritime et aérien, le coût de transport maritime et aérien a diminué de 75% en comparaison aux années 50. Les porte-conteneurs ont des capacités de transport jusqu'à 15000 conteneurs. La valeur de la marchandise transportée peut atteindre les 1,3 milliards de dollars en moyenne.
2) l'accroissement de la puissance de calcul et l'apparition d'Internet ont réduit énormément les coûts du traitement et de la transmission de l'information, ce qui a facilité en conséquence les transactions et les échanges internationaux.
3) La baisse pour les communications internationales, le prix d'une communication de trois minutes entre New York et Londres est tombé de 80$ en 1950 à 0.10$ en 2015.
4) des services longtemps considérés comme étant de nature locale sont désormais fournis par-delà les frontières via internet.

Fazit: si on voulait faire sortir la Tunisie de la crise socio-économique, il faut investir et créer de l'emploi plutôt en Tunisie et exporter notre surplus partout en Afrique et ailleurs dans le monde. ==> Pour cela Il faut améliorer le niveau d'équipement et le rendement de nos ports et de nos aéroports. Sans une très bonne logistique de la Tunisie, il n'y aura jamais de développement socio-économique en notre pays. ==> Il est complètement absurde pour le moment d'exporter nos capitaux vers l'Afrique subsaharienne ou ailleurs, il faut plutôt produire et créer de l'emploi en Tunisie et exporter notre production locale là où nous sommes plus compétitifs (étant donné que le coût de transport maritime et aérien est négligeable)

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
Dr. Jamel Tazarki
Modernisation Theory !
a posté le 11-06-2020 à 07:59
Je voudrais aussi insister que la Tunisie n'aura jamais, oh non jamais un décollage socio-économique du sous-développement au développement sans une justice sociale, sans une réforme sociale et sans la satisfaction des besoins vitaux de tous les Tunisiens! Pour s'en persuader, il suffirait de revoir les analyses (faites par l'United Nations Organization: UNO) des différentes stratégies de développements qui ont été appliquées depuis les années 50.

La Stratégie de développement "Modernisation Theory" consiste à injecter des capitaux sous-forme d'aide au développement (venant des pays riches industrialisés) afin de garantir une croissance économique et ainsi le décollage des pays sous-développés

The Modernisation Theory n'a pas fonctionné dans le monde arabe et en Afrique! Alors que les pays asiatiques (que l'on appelle "the Asian Tigers") qui ont appliqué cette stratégie sont devenus des pays développés à part entière.

Pourquoi les quatre dragons asiatiques sont devenus des pays développés à part entière, et notre révolution de Jasmin ne nous a garanti que plus de misère? La réponse est évidente, les 25 milliards que l'on a eu sous-forme d'aide au développement et de dettes venant des pays riches ne se sont pas infiltrés jusqu'en bas sous forme d'investissement mesurable et de création d'emploi afin que la masse pauvre en profite (et ceci d'après les études scientifiques/statistiques de l'UNO). ===> Oui, seulement l'oligarchie, la bourgeoisie, nos millionnaires/milliardaires et les arrivistes ont profité exclusivement des 25 milliards d'euros de dette et d'aide extérieure

Contrairement à la Tunisie "the Asian Tigers" ont commencé par satisfaire les besoins vitaux de la masse pauvre. Ils ont commencé par des réformes agraires importantes afin de créer une classe moyenne nécessaire pour la demande interne et la paix sociale. ==> Oui, sans une large classe moyenne et sans une justice sociale le décollage socio-économique de la Tunisie est impossible à réaliser.

Et nos "experts" nous invitent à refaire les mêmes fautes de 2011 à 2019

Le monde parle de tigres asiatiques et entre temps même de Tigre celtique (qui désigne l'Irlande pendant sa période de forte croissance économique), par contre nous parlons de Révolution de Jasmin qui sent plutôt la misère que le jasmin faute de très mauvaises gestion de nos économies entre 2011 et de 2015.

D'après des statistiques et des études empiriques financées et réalisées par le FMI et la banque mondiale, les injections du capital dans le système bancaire, et au profit de l'oligarchie et de la bourgeoisie des pays sous-développés n'ont jamais abouti au développement de ces derniers. Pour la simple raison que l'argent (les milliards de dollars/euros) ainsi injecté/investi ne s'infiltre pas vers le bas afin que les petites entreprises (les PME), les chômeurs porteurs d'idées/projets et la paysannerie en profite aussi.

Par contre les capitaux investis par le bas directement au niveau des petites entreprises (PME), des chômeurs porteurs d'idées/projets et de la paysannerie remontent vers le haut et toute l'économie en profite et on aboutit dans 99% des cas à une croissance de l'ordre de 5% à 7%.

Nos amis américains ont compris que ça ne sert à rien d'injecter de l'argent dans les organisations gouvernementales tunisiennes ou dans notre système bancaire oligarque, en effet seule l'oligarchie et la bourgeoisie tunisiennes profitent de l'argent ainsi accordé à nos institutions étatiques et que cet argent ne s'infiltre pas vers le bas afin que les petites entreprises (les PME), les chômeurs porteurs d'idées et la paysannerie en profitent aussi.

Sur le lien suivant
http://www.businessnews.com.tn/lambassade-des-etats-unis-en-tunisie-annonce-un-appel-a-propositions-pour-soutenir-la-societe-civile,520,62244,3

On peut lire: "L'ambassade des Etats-Unis en Tunisie annonce, dans un communiqué publié jeudi 4 février 2016, un nouvel appel à propositions pour soutenir la croissance économique de la Tunisie grâce à un soutien direct à la société civile tunisienne ou aux organisations non gouvernementales."

===> Les américains ont compris que le développement socio-économique de la Tunisie ne peut se réaliser que grâce à un investissement direct par le bas, et ils ont complètement raisons.

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
Dr. Jamel Tazarki
Le prix des dégradations environnementales de la Tunisie!
a posté le 11-06-2020 à 07:48
Tous nos malheurs socio-économiques ont été programmés sans aucune mauvaise intention (plutôt par idiotie) durant les années 80 et 90. En effet, on n'a jamais parlé de développement durable! Notre oligarchie entrepreneuse a détruit la totalité de notre système écologique et de notre environnement sans vouloir le réparer!

Des faits: la progression des exportations durant les années 80 et 90 se traduisait par une détérioration de la qualité de l'environnement. Si on incluait le prix des dégradations environnementales de la Tunisie (pollution, surexploitation) des années 80 et 90 (puisqu'on produisait à bon prix en détruisant le système écologique), on aurait un énorme déficit! Le Golf de Tunis était d'une propreté sans antécédent, la mer de Gabes était bleue claire, à Tazarka on se baignait dans une mer bleue turquoise, etc., etc., etc.

Le Golf de Tunis avait une capacité de 50 Millions de tonnes de poisson au début des années 80, alors qu'aujourd'hui on n'y trouve pas plus que 5 Millions de tonnes de poisson. Pareil avec le Golf de Gabes. Et ceci seulement à cause des conséquences fatales de la pollution et de la dégradation de notre milieu naturel.

Les quantités de pollutions produites en Tunisie depuis les années 80 sont largement supérieures aux capacités de la nature à se régénérer. Il faut absolument se libérer de cette idée absurde que la mer est immense et serait capable d'absorber toutes nos pollutions et nos eaux usées (la pollution fécale). Notre mer est dévastée, polluée, vidée de ses ressources. On ne peut pas rester indifférent à ce genre de dégâts. Les citoyens tunisiens doivent apprendre à manier la vertu du respect non seulement des pauvres, des femmes, des enfants et des vieux mais aussi des arbres, de la terre, de l'eau et des animaux...

Nos hommes d'affaires et certains de nos politiciens sont en train de réduire les capacités des générations futures à répondre à leurs besoins au nom de l'augmentation des exportations et la rentrée de devises étrangères.

Mr. Mehdi Jomâa ne voyait qu'une seule solution afin de sauver la République, et cette unique solution était l'introduction du gaz de schiste: Voir le lien suivant:
https://reporterre.net/La-menace-du-gaz-de-schiste-plane

==> Mr. Mehdi a failli ruiner le pays par ses drôles d'idées et heureusement qu'il est parti avant d'enfoncer la Tunisie dans une catastrophe écologique, environnementale et socio-économique.

Qu'est ce que nous avons fait en Tunisie depuis l'indépendance, oui nous avons transformé nos terres les plus fertiles en villes de Banlieues de la capitale Tunis afin de permettre à chacun de nous une charmante villa avec un grand jardin, contrairement aux chinois avec leur compressed modernity.

La banlieue sud de Tunis n'était rien que des terres fertiles, Ez-zahra qui s'appelait jusqu'à la fin des années 70 Saint-Germain était la grande compagne avec des champs gigantesques de pommiers, amandiers, vignobles, etc.

En 50 ans, qui ne sont absolument rien sur l'axe du temps, nous avons détruit notre écosystème, nos terres les plus fertiles, nous avons massacré notre mer méditerranéenne qui pue les excréments humains, etc.,etc., etc. A cela s'ajoutent tous les mouvements quotidiens hystériques et inutiles du capital humain par un transport public en faillite et inefficace.

Le malheur est évident, nous continuons à détruire le reste de nos terres fertiles et de notre mer méditerranéenne, nous continuons à creuser partout des troues non rentables dans le sol afin de faire jaillir quelques m3 de méthane et détruire ce qui reste encore de notre écosystème, nous continuons à nous multiplier sans faire attention au danger de la poussé démographique exagérée.

La notion de développement durable et soutenable devrait être au centre de nos programmes socio-économiques. Il s'agit de concilier le développement socio-économique avec les contraintes environnementales

Le pseudo miracle économique des années 80, 90 et 2000 était au prix des dégradations environnementales de la Tunisie! Et notre économie en souffre aujourd'hui énormément!


Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
Dr. Jamel Tazarki
Le planning familial vers une vie meilleure!
a posté le 11-06-2020 à 07:43
Il faut comprendre enfin que la Tunisie n'a pas les moyens/ressources afin de nourrir et de satisfaire les besoins de 11 ou 12 millions d'habitants. Voilà un exemple où on a dépassé de loin nos limites:
http://www.businessnews.com.tn/nouveau-record-de-consommation-delectricite-la-steg-rappelle-les-consignes-de-consommation,520,74145,3

La croissance démographique excessive en Tunisie a causé beaucoup de problème dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, des transports, du logement, des soins médicaux et de la protection de l'environnement.

Je donne d'abord une explication non mathématique simple et très approximative de la poussée démographique. Comme nous le savons, chaque couple peut avoir zéro ou plusieurs enfants. Quand ce nombre d'enfants par couple est égal à 2, la population tend vers un état final stable (elle n'augmente pas et elle ne diminue pas). Ce qui fait que les parents (un couple) vont mourir un jour et vont laisser exactement deux descendants. On a donc un système en équilibre permanent. Quand le nombre d'enfants par couple est inférieur à 2, alors la population va diminuer. C'est-à-dire deux personnes (un couple) vont disparaitre un jour et vont laisser un seul ou zéro descendant. Mais à partir de 2.1 enfants en moyenne par couple, cela se complique: le nombre d'individus par génération se met à augmenter sans fin. Et cette croissance qui peut paraître lente, est en fait véritablement explosive puisqu'elle a entraîné un quadruplement de la population tunisienne en 60 ans (entre les années 1956 et 2017). Or, un demi-siècle est très vite passé! On ne peut pas continuer à ce rythme.

Ce qui aggrave encore la situation, ce sont les mariages à 16 ans ou même à 15 ans: dans ce cas particulier même une fécondité de 1,6 enfants par couple ne peut pas freiner la croissance explosive de la population tunisienne'

Ignorer la poussée démographique en Tunisie c'est reporter les problèmes à plus tard, à la période où il faudra trouver les moyens à la fois d'arrêter cette croissance et de résoudre autrement cette difficulté restée un temps camouflée

La récolte céréalière tunisienne n'a pas cessé d'augmenter, mais la quantité de grain par tunisien n'a pas cessé de se réduire à cause de la poussée démographique. Un grand pourcentage de l'accroissement annuel du revenu national est absorbé par l'accroissement de la population, ce qui absorbe une grande partie de nos fonds et freine le développement économique et social.

En 1956 la Tunisie comptait 3,3 Millions d'habitants, en 2017 elle compte 11à 13 millions d'habitant et d'après mes calculs statistiques la Tunisie aura 28 millions d'habitants en 2045. Où allons-nous et qu'elles seront les conséquences pour l'environnement?

L'équilibre à long terme entre croissance démographique et approvisionnement alimentaire est indispensable, Il faut s'attendre à ce que le taux annuel de croissance de la production alimentaire par habitant en Tunisie continue de baisser.

La croissance démographique doit diminuer afin de stabiliser la population tunisienne autour de 10 Millions d'habitants. En effet, à un état stationnaire de la productivité il nous faut aussi un état stationnaire de la croissance démographique.

Puis, je rappelle que la fermeture de plusieurs écoles primaires ou la baisse du nombre d'élève en Tunisie n'est pas un signe de la baisse des naissances comme nous le racontent certains pseudo-scientifiques, mais elle est plutôt la conséquence du fait que le nombre d'enfants âgés de 6 à 15 ans n'ayant jamais été à l'école ou l'ayant quittée avant la fin de la scolarité obligatoire s'élève à plus d'un million en Tunisie. L'écart est plus accentué selon le genre, l'âge, le milieu de résidence, ou l'activité des enfants. 67.6% des enfants non scolarisés ou déscolarisés, sont des filles. 60% des enfants concernés habitent les zones rurales et 40% sont en situation de travail.

Nous avons le choix de laisser la nature ajuster la poussée démographique en Tunisie par les catastrophes et les épidémies ou de prendre notre destin en main pour ajuster le nombre des naissances afin de garantir un équilibre entre la poussée démographique et nos ressources naturelles limitées.

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
Dr. Jamel Tazarki
L'assiduité est indispensable mais non suffisante!
a posté le 11-06-2020 à 07:41
Seulement avec l'assiduité on ne risquera pas de résoudre les problèmes socio-économiques de la Tunisie! La Tunisie a besoin simultanément d'intelligence et d'assiduité' Je vous l'exemple de nos paysans/agriculteurs qui travaillent 16 heures par jours et 365 jours par an et pourtant notre productivité est relativement faible: les Hollandais produisent 460 tonnes de tomates par hectare alors qu'en Tunisie on produit moins que 20 tonnes par hectare'

Je propose à certains Tunisiens de travailler moins, mais par contre de travailler intelligemment afin de minimiser le prix de revient et d'augmenter la productivité!


Nos agriculteurs sont à 90% ignorants et routiniers et ne font qu'un très petit profit (ou même pas). Nous consacrons un espace énorme et un travail considérable dans tous les domaines économiques mais la rentabilité est minimale, de telle façon qu'il n y a pas assez pour tous les tunisiens. Le problème principal est que nous ne ressentons pas la nécessité d'améliorer nos méthodes de production. Il faut que l'on sorte de cette routine. Nos agriculteurs et une grande partie de nos industriels manquent de stimulation et ils restent dans leur ignorance et routine. La perte de rentabilité causée par une faible production porte tout le peuple tunisien. Nous avons baissé les bras et on s'est résigné à suivre les mêmes routes tracées depuis des décennies. Nous restons ainsi aussi pauvres qu'auparavant parce que nos frais de productions absorbent tous. Qu'est-ce qui nous empêche d'aller plus loin ? Qu'est-ce qui nous freine? La grande problématique des tunisiens c'est bien cette difficulté à mener une activité à son terme. Il semble que tout nous fasse envie mais nous ne menons jamais les choses jusqu'à leur optimum (rien n'est réellement fini).

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien
DHEJ
Un thème intéressant mais hélas mal traité !
a posté le 10-06-2020 à 23:07
L'ICE et le commerce extérieur mais l'auteur s'est attelé à traité des banalités...

ICE et développement oui alors quel rôle de nos ambassadeurs ? Des représentations du CEPEX ?

Ou encore pourquoi pas la création d'un ministère du commerce extérieur et du développement ?