
Par Karim Ben Kahla
Février 2016
L’urgence d’un changement
L’heure est grave. L’avenir de milliers de jeunes tunisiens, l’avenir de notre pays est en danger.
Nos ennemis ont quasiment réussi à enterrer notre tourisme. Plus qu’un secteur et une économie, une ouverture sur le monde et la vie, une façon d’être Tunisien, ont été ciblés, lâchement attaqués pour nous appauvrir, nous isoler et, in fine, nous aliéner. Notre pays ne sera jamais plus ce qu’il voulait être. Nous reste notre jeunesse. Qu’allons-nous en faire ?
Une jeunesse beaucoup trop souvent à la dérive et livrée à elle-même. Une énergie, des existences, des vies gâchées, gaspillées, qui se perdent alors qu’elles ne demandaient qu’à se rendre utiles.
Nous avons laissé s’installer un enseignement et une université à deux vitesses : Quelques privilégiés dans de belles écoles, éduqués au culte de l’opportunité et qui, de plus en plus, partent pour courageusement ne plus revenir, et une grande majorité qui attend son heure, pensant prendre l’ « ascenseur social » de l’Université avant de finir écrasée par celui-ci.
Peuple du « milieu », de « la politique des étapes » et du « gradualisme », nous avons également cédé aux sirènes du réformisme. Un beau mensonge à soi, une idéologie techniciste dans laquelle plus il y avait des réformes moins il y avait de changements. Du sur-place, ou de l’agitation, sans pour autant que l’on s’attarde sur les véritables causes de cette incapacité à construire de l’ordre, de la cohérence et de la cohésion et à transformer le mouvement en véritable changement (J.Choucair-Vizoso).
Ressentiment, crises du sens et de la gouvernabilité
La « haine rentrée », la « morale du ressentiment » et la « sanctification de la vengeance » en la baptisant justice (F. Nietzsche), ont justifié l’inondation du secteur public tunisien qui ne peut plus recruter les jeunes chômeurs. En face, l’investissement privé est en panne et la situation des entreprises qui résistent encore ne leur permet pas de recruter. Que faire ?
Plusieurs mesures et actions ont été proposées et parfois même mises en œuvre. Elles demeurent insuffisantes et surtout incomprises.
Elles ne font pas sens parce que pensées pour éteindre des départs de feu, elles ont manqué de synchronisation et ne procédaient pas d’une vision cohérente de l’avenir de la Nation.
Elles ne font pas sens non plus, parce qu’elles présupposaient une nouvelle conception des fonctions de l’Etat qui puisse infléchir les rapports à celui-ci.
Elles ne font pas sens, enfin, parce qu’elles exigeaient des arbitrages politiques lourds de conséquences. Du courage, des compétences et un leadership qui, par les temps qui courent, ne vont pas de soi : Il faudrait libérer nos politiques de la démagogie et non politiciens du populisme qui scie les pieds du fauteuil sur lequel ils se verraient bien installés. Pourvu qu’ils acceptent d’atterrir et en urgence pour nous éviter de nous écraser.
En fait, ce n’est pas uniquement le modèle de croissance ou de développement économique et social qui sont en question, c’est tout l’Etat, sa raison d’être et ses fonctions qui sont à interroger.
Au-delà des carences des différents gouvernements, c’est une véritable crise de gouvernabilité qui paralyse nos institutions. Crise qui appelle une nouvelle façon de penser et de faire l’Etat qui transcende son régime de démocratie en perpétuelle transition et son administration affaiblie et qui tarde à faire le deuil de sa prétention à tout régenter.
Les états de notre Etat
Planificateur, l’Etat-développeur tunisien s’est transformé en Etat-mangeoire, une sorte de rente matérielle et symbolique et un butin dans le cadre d’un parasitage généralisé. Une perversion du contrat social et une anthropophagie croisée se sont lentement installées, où l’Etat vit aux dépens de la société et celle-ci aux dépens de celui-là.
« Trop petit pour les grandes choses et trop grand pour les petites » (D. Bell), l’Etat-providence tunisien s’est lentement dégradé en Etat bouche trou, appendice du marché, pompier social et accessoirement pyromane qui cherche à réinventer le feu. Au nom de l’égalité on s’y résout au partage de la misère, pour le goût de l’efficacité on s’y console de lutte contre la précarité et de solidarité, histoire de continuer à s’acheter des âmes en quête de fidélités. Histoire également d’essayer de mieux redistribuer ce qui aurait pu être autrement partagé.
Cet Etat providence Tunisien n’a pas pu s’assurer contre ses propres ratés et s’est réduit à quémander l’aide extérieure pour continuer à faire ce qui, à un certain moment, ressemblait de plus en plus à de la charité intérieure.
Prétendant réguler le fonctionnement des marchés, notre Etat-régulateur a perdu de vue sa propre régulation et s’est transformé en République des contrôleurs qui n’arrêtent pas de se donner des croche-pieds. Erigé en dogme « anti-corruption » et en pilier de l’autorité de l’Etat, le contrôle risque ainsi d’absorber la gouvernance pour devenir une sorte d’inquisition permanente et décourageante pour toute forme de prise d’initiative, de création ou d’innovation.
Au-delà de cette crise de gouvernabilité liée aux différentes conceptions et fonctions de l’Etat tunisien, nous avons besoin d’une vision et de visionnaires pour imaginer ce que serait notre Etat stratège. A la sournoise désinstitutionalisation de l’Etat devra répondre l’intelligence d’une nouvelle approche et construction de celui-ci. Ni l’obstination des techniciens, ni la légèreté des politiciens, un Etat de stratèges, pour une vision du progrès qui nous fasse définitivement ancrer dans la modernité.
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Commentaires (16)
CommenterLES SALAIRES SONT LA CLÉ
@ Doctorants et docteurs chomeurs
Je compatis à votre amertume et ne peux que comprendre votre frustration lorsque vous rappelez -fort justement- que beaucoup de nos universitaires ont failli dans l'encadrement et l'accompagnement des jeunes doctorants censés être la relève, et que les concours sont souvent l'occasion, non pas uniquement de recruter rigoureusement (ce qui est légitime et nécessaire), mais également de mettre des barrières à l'entrée pour préserver les honneurs et les privilèges et minimiser les risques de "concurrence" !
Vivement que cet état d'esprit (non dépourvu d'opportunisme, je vous le concède) change et que chacun à son niveau révise ses postures pour donner réellement aux jeunes le maximum de chances de réussir !
Salutations
le scandale dans les jury de recrutement
Crise dans l'université tunsienne
@ Doctorant Réaliste
Quelque soit l'objet de votre grief envers KBK, bombarder anonymement quelqu'un avec ce flot de mépris et de dénigrement n'est pas très valorisant!
Merci beaucoup de prendre du recul par rapport à ce genre de "facilité" !
Salutations
De bonnes idées en attendant de descendre dans le concret
La planif strategique s'appuie sur un ensemble de valeurs pour atteindre des objectifs strategiques selon une vision plus ou moins longtermiste.
En Tunisie malh on bafoue tout aspect de reflexion de facon consciente et inconsciente.
De facon consciente en conformité a un systeme sociopolitique autocrate qui reserve la droiture de pensée et de prise des choix pour une personne qui est le penseur le philosophe le maallem et qui est entouré de gens qui le remonte à un niveau surhumain pour creer le mythe qui preserve leur perimetre d'autorité et de profitisme.
La facon inconsciente est lié a un deficit de confiance en soit qui se traduit par une resignation au fait que c les autres qui innovent et qui sont capables de cogiter et de créer.
l'exemple le plus frappant etait celui de l etude strategique delegué par un ministre ressortissant comme ils s'en vantent, des grandes ecoles francaises, a une banque d'affaires.
Effectivement les administrations et les entreprises publiques se sont transformés en simple regie de signature de commandes et de suivi comptable des paiements et se vantent d etre les meilleurs gardiens connaisseurs des regles des ecritures comptables.Se rappeler le faux pb soulevé suite au dernier rapport de la cour des comptes.
Actuellement les auditeurs les inspecteurs les juristes les bureaucrates se placent de plus en plus dans les rangs de decision sanction arbitrage...Ils sont bien selectionnes pour defendre le clientelisme et passer l eponge sur les dossiers douteux et ceci sous prerexte de faire valoir les reglements et l'Etat de droit.
Face a cet mainmise malicieuse sur les articulations de l'Etat, les forces reelles de production observent sans bouger sans agilité pour assurer le quotidien que dire du strategique.
Donc quelle strategie et quel mode de gouvernance doit on repenser?
Il n ya pas milles pistes il n'ya pas a inventer la roue. Il suffit de copier les fondements et prerequis ressorts de l essor des pays qui ont su reellement decollé. L equité et le savoir partager et puis l esprit de labeur et l application de la loi.
si on croit a ces valeurs on pourra baptiser les strategies gagnantes et enterrer toute politique politicienne.
plus concretement il est temps d instaurer une sorte d autocontrole au niveau de nos adm et entreprises pub. Il faut instaurer des organes de veille d innovation...un think tank soumis a un systeme d election.
Finis les systemes de gouv autocratique assiegé par des profiteurs et des reseaux de bureaucratie et de profitisme .
le confort du temps
Tout le monde dit la même chose
Article creux et pompeux
le titre

