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Tribunes
Et si Thomas Piketty avait tort ?
12/04/2015 | 12:37
5 min
Et si Thomas Piketty avait tort ?

Par Hakim Ben Hammouda*

 

C’est une histoire comme l’Amérique en raffole. Celle du jeune étudiant inconnu qui remet en cause la théorie bien établie d’une « rock star » et d’un des grands maîtres de l’économie mondiale à savoir Thomas Piketty. En tout cas, c’est le débat qui secoue l’Amérique depuis quelques mois suite à la publication d’une lecture critique du best-seller mondial « Le capital au XXIe siècle », excusez du peu, de Thomas Piketty. Et, les milieux universitaires, les spécialistes, les experts et jusqu’aux journalistes sont sens dessus-dessous depuis la publication de cette lecture critique.
Il faut dire que ce type de miracle à l’américaine où un étudiant brillant mais inconnu remet en cause de manière radicale une théorie bien établie d’un professeur de grande renommée internationale n’est pas nouveau et les débats outre-Atlantique n’en sont pas à leur coup d’essai. En 2013, un jeune étudiant avait remis en cause un important travail de deux économistes américains de renom, K. Rogoff et C. Reinhart, qui ont démontré que la croissance devient plus faible lorsque la dette publique dépasse les 90% du PIB.


Aujourd’hui, c’est l’économiste français Thomas Piketty qui est au cœur de cette nouvelle controverse et c’est son best-seller mondial qui est visé. Qu’a écrit notre économiste qui a suscité ces controverses ? La publication de l’important essai de Thomas Piketty s’inscrit dans un contexte économique global marqué par le débat sur la montée des inégalités dans le monde. Un phénomène reconnu par de grands économistes et des institutions internationales, comme la Banque Mondiale dont les chercheurs ont publié des travaux de référence sur cette question. Dans ce contexte, l’intérêt de l’essai de Thomas Piketty est double. D’abord, par le biais de longues séries statistiques mondiales, il a démontré que le phénomène de la montée des inégalités est réel et que la plupart des économies développées ont connu cette évolution durant les trois dernières décennies.


Mais, le second point important dans les travaux de Thomas Piketty est l’explication donnée à ce phénomène et à l’accroissement des inégalités dans le monde. A ce niveau, il a étudié la montée des rendements moyens du capital, notamment les profits, les dividendes et les intérêts et a pu montrer qu’ils étaient supérieurs à ceux de la croissance économique. C’est ce décalage favorable aux détenteurs du capital qui explique une évolution en leur faveur dans la répartition des fruits de la croissance et la montée par conséquent des inégalités.


Ainsi, dans « Le capital au XXIe siècle », Thomas Piketty a non seulement confirmé le constat et la montée des inégalités et lui a donné une explication. Cette thèse a connu un développement important et une grande popularisation dans les milieux académiques et, surtout, plus tard dans les milieux des décideurs politiques. Cette thèse a justifié et légitimé l’interventionnisme d’un grand nombre de décideurs qui ont choisi de mettre en place des politiques afin de corriger ses inégalités.


Toutefois, cette thèse a fait l’objet de beaucoup de critiques et certains économistes s’y sont attaqués. La presse internationale, notamment le Financial Times, se sont fait écho de ces critiques. Cependant, la critique actuelle semble plus sérieuse et suscite une plus grande attention. Comment a commencé cette remise en cause de la thèse de la nouvelle vedette de l’économie globale ? Tout simplement à l’américaine par la publication d’un jeune étudiant brillant de la prestigieuse université américaine le Massachussets Institue of Technolgy, la fameuse MIT, du nom de Matthew Rognlie qui, du haut de ses 26 ans, a écrit un commentaire sur un blog. Ce commentaire ne passe pas inaperçu et l’économiste Tyler Cowen qui est l’un des animateurs de ce blog saisit immédiatement la pertinence du commentaire du jeune étudiant.


L’étudiant va prendre le temps de développer son argument et de le renforcer encore plus en mobilisant des modélisations plus sophistiquées. Que suggère alors cette critique ? Cette critique ne remet pas en cause le phénomène des inégalités mais le confirme. Elle s’attaque plutôt aux explications fournies par Piketty. En effet, il démontre que la croissance des rendements du capital, qui est au cœur de la démonstration de Piketty, est modérée et ne peut que baisser du fait d’une obsolescence rapide des nouveaux secteurs, notamment les nouvelles technologies qui sont au cœur du nouveau modèle de croissance global. Mais, ce sont plutôt les revenus de l’immobilier qui augmentent à un rythme très élevé qui dépasse celui de la croissance globale qui sont par conséquent au cœur de la montée des inégalités. Donc, plus que les entrepreneurs et les capitalistes, ce sont les propriétaires qui accaparent une part plus importante des fruits de la croissance et profitent de la montée des inégalités.


Thomas Piketty a répondu à ces critiques et a souligné qu’il n’a jamais défendu l’idée d’une augmentation indéfinie des inégalités. Il n’empêche en dépit de ses réponses, la critique du jeune Matthew Rognlie a eu un écho large au point que la prestigieuse Brokings Institution, le think tank le plus en vue dans la capitale américaine, l’a invité il y a quelques semaines à présenter son analyse devant un parterre de brillants économistes parmi lesquels se trouvait le prix Nobel d’économie, Robert Solow.


Mais, la question qui se pose est de connaitre les raisons qui font qu’un débat très technique de spécialistes mobilise autant les spécialistes que les politiques et crée une grande attention médiatique ? L’explication se trouve du côté des politiques car comme dans le cas de K. Rogoff que celui de T. Piketty, il y a des recommandations de nature politique qui sont remises en cause par les controverses. Dans le cas de C. Reinhahrt et K. Rogoff, il s’agissait d’encourager les politiques d’austérité. Dans celui de T. Piketty c’est l’idée de la mise en place d’un impôt global sur le capital pour mieux répartir la richesse.


En dépit de ces controverses, ces échanges et ces débats économiques sont importants car ils contribuent dans les sociétés à éclairer la décision politique et à enrichir le débat public pour sortir de la crise.

 

* Hakim Ben Hammouda est économiste. C'est l'ancien ministre de l'Economie et des Finances

 

12/04/2015 | 12:37
5 min
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Commentaires (25) Commenter
Personne ne detient la vérité
atlas69
| 17-04-2015 20:03
Au delà de toutes les considérations techniques car on oublie aisément le premier facteur : L'humain.

Lui et tous ses travers : La cupidité , le vol, le mensonge , l'égoïsme, l'arrivisme..

Peu importe la confrontation , Capital vs Immobilier ou bien Austérité vs dette publique.

La seule chose qui motive l'humain c'est la domination de son prochain.

Avant l'arme était l'épée aujourd'hui c'est le $.

Meritocratie
Citoyen Tunisien
| 17-04-2015 00:31
Si j'ai bien compris cette controverse dont nous parle Mr Ben HAMMOUDA entre les deux économistes américains et le Français PICKETTY concerne l'analyse des inégalités entre le revenu du travail et le revenu du capital à travers le monde et les types de recommandations de nature politique pour réduire ces inégalités à savoir l'austérité pour les américains et l'instauration d'un impôt global et mondial sur le capital pour le français et ce pour mieux répartir la richesse et diminuer les inégalités sociales, et si j'ai à émettre mon avis d'un citoyen lambda du monde plus que Tunisien en voyant ce qui se passe aujourd'hui à travers tout le monde comme
inégalités et injustices sociales dus à la concentration du capital et les patrimoines non productifs et très rentables comme l'immobilier au détriment du revenu du travail et de la méritocratie entre les mains d'une minorité, je pencherai plutôt vers l'analyse de PICKETTY tres profonde et complète basée d'ailleurs sur une étude exhaustive de ces inégalités depuis 3 siècles et sur une vingtaine de pays , entre l'austérité qui fera souffrir les classe moyennes et pauvres et l'imposition des fortunes et surtout non productives mon choix devient clair et fondé et ira aussi vers cette dernière solution pour plus de justice économique et sociale.
Quand on voit la misère et la précarité qui touchent plus de la moitié de la population mondiale et qui finissent par déclencher des conflits sociaux,religieux , violences,criminalités et guerres par ci par là, comment ne pas admettre les pensées PICKETTY, économiste jeune et visionnaire qui considère que la concentration extrême des patrimoines et du capital entre les mains d'une minorité
et plus encore le décrochage des plus hautes rémunérations menacent les valeurs de méritocratie et de justice sociale;
PICKETTY finit par conclure son livre en disant que des moyens existent pour inverser la tendance inégalitaire du système capitaliste tel qu'il fonctionne de nos jours , le tout est une question de volonté politique globale.
@IY
DHEJ
| 15-04-2015 12:05
Le Ben Hamouda ne saura rien faire comme son successeur d'ailleurs...


Tout est dans l'orifice TORRICEELI... pour un système fiscal qui se veut équitable...

Son oeil!
Le capital en Tunisie
iy
| 14-04-2015 22:44
Le travail de Mathew Rognlie, l'étudiant-docteur en économie qui a émis les critiques envers le travail de Piketty, est certainement de qualité mais je ne pense pas qu'il remette en cause fondamentalement les conclusions de Piketti.
Cette critique a eu de l'écho aux US parce que les économistes monétaires américains n'apprécient guère que Piketti ait remis en cause la libéralisation économique acharnée des années Reagan et les avantages fiscaux donnés aux plus riches. Ils n'aiment pas qu'on leur dit que le New Deal de Roosvelt représentait vraiment l'environnement idéal de 'l'American Dream' et non ce siècle les américains moyens n'ont pas aisément accès a 'enseignement supérieur,
Ce que dit Piketti est qu'aujourd'hui le rapport Capital / Revenus tend aujourd'hui vers des valeurs qui sont celles d'avant la première guerre mondiale : une période inégalitaire ou une petite portion profitait de la richesse. De nos jours moins de 1% de la population mondiale détient plus que 40% de la richesse mondiale.
C'est un phénomène qui ne se limite pas aux pays développés. Je pense que l'augmentation du ratio Capital/ Revenus est observable en Tunisie aussi. Le fait qu'il y ait une petite portion de la population qui profite de la richesse devrait s'observer en Tunisie aussi. Seulement voilà on n'a pas fait le travail statistique en Tunisie pour confirmer ce phénomène en Tunisie.
Dans ce sens il serait judicieux de financer une thèse de doctorat qui se pencherait sur le rapport Capital/ Revenus en Tunisie. Cette thèse portera beaucoup d'éclaircissements aux économistes et aux décideurs Tunisiens : on comprendrait l'impact des politiques économiques des années 60, 70 et 80'
Pour limiter l'enrichissement croissant d'une faible tranche de la population Piketti propose de mettre en place un système de redistribution des richesses équitable.
De votre temps Dr Benhamouda vous n'avez pas assez fait pour mettre en place un système fiscal équitable.
Je ne pense pas que c'est à l'ordre du jour du gouvernement actuel. Du moins je n'ai pas vu la conviction nécessaire pour mener une telle réforme. Peut-être c'est parce que le FMI ne veut pas d'une telle réforme qu'on la laisse de côté '
Whon Jayne
Gladiator
| 14-04-2015 15:01
un tas de blabla non structuré, insensé ... que personne ne lit.
jw
m
| 14-04-2015 10:27
https://www.youtube.com/watch?v=tWtEtxKFLFo
JOHN WAYNE LUI MEME
nazou
| 13-04-2015 23:29
Doit etre mort de rire,de ce qu'il nous balance !!!lool

John Wayne si vos admirateurs connaissaient votre identité,ils en perdraient la machoire inférieure suivie de la supérieure !!
mdr !! hugh !!

Ah c'est sur et certain ,qu'ils sont a la recherchent de la fameuse "vidiouw" de ben ali et vous !!!mdrrrr !!!
Les Grosses Têtes
Jojo
| 13-04-2015 14:18
Ça serait très intéressant de réunir autour d'une table ronde Dr. Jamel Tazarki (avec sa pensée mathématique, rationnelle et abstraite), puis Mr. Hakim Ben Hammouda notre ex-Ministre qui n'arrive pas encore à nous convaincre de son savoir-faire et de son efficacité et enfin Mr. Mehdi Jomâa qui se connait plutôt avec la matière organique (les produits dérivés du pétrole) qu'en économie et en politique (le politicien malgré lui')

Nous avons de grosses têtes en Tunisie et il est temps de les inviter dans des émissions télévisées pour qu'ils injectent de nouvelles idées qui seraient utiles pour la classe politique et pour la société tunisienne.

Il y en a marre des talkshows vides et nuls.
Eh ben voilà M.Ben Hammouda
Adnène
| 13-04-2015 13:45
Ouf, je suis soulagé, depuis que vous quitté le Ministère en laissant les finances au plus mal et nos revenus rétrécis un max, je craignais pour votre reconversion. Maintenant chroniqueur est le poste idéal, balancez nous tout ce qui vous trotte par la tête on vous lira.
JW....
Gg
| 13-04-2015 12:25
... comment pouvez vous dire "L'avenir de la France est sombre sauf si les Français en venaient à voter massivement pour Marine Le Pen.
Et je dirais même plus que pour sauver la France, Marine Le Pen aura besoin de plusieurs mandats a l'Elysée car il s'agit non pas de sortir de l'Union Européenne et de se débarrasser du carcan de l'OTAN, mais de nettoyer les banlieues des parasites qui y vivent et qui ont comme unique talent la haine du roumi tout en déclarant avec des grimaces et en exhibant des dents jaunes et tordues, qu'ils sont « Français ». Sans compter les messages rassurants que ces énergumènes envoient aux Français par leurs hijabs, leurs qamis, et leurs derrières ovoïdes alignés sur les trottoirs des villes Françaises lors de la prière du Vendredi"????

Le problème des banlieues françaises est un problème français. Ces petites frappes sont nés en France, ils sont français, c'est la loi!
Mais pensez aux 800.000 Tunisiens qui vivent en France. Ne leur souhaitez pas Le Pen au pouvoir...