
Par Sofiene Ben Hamida
Pour la première fois depuis l’implantation des groupes terroristes dans notre pays, quatre Tunisiens ont été assassinés dans un faux barrage dans la région de Jendouba. Pour la première fois aussi, parmi les quatre martyrs assassinés froidement, il y avait un civil, un garçon de café dont le seul tort a été de se trouver face à des terroristes. Un rappel en somme que le terrorisme est encore actif dans notre pays et que la guerre contre ce fléau est encore longue et nous concerne tous sans discernement. Un rappel aussi pour que se taisent ceux qui se sont empressés après les deux opérations de Raoued et Borj Louzir d’appeler à des négociations avec les terroristes.
Le colonel Mokhtar Ben Nasr l’avait annoncé : face à leurs échecs répétés, les terroristes tenteront de réagir. Ils l’ont fait à Jendouba pour redonner espoir à leurs troupes. Ils l’ont fait parce qu’ils continuent leur guerre contre la société tunisienne et sa démocratie naissante. Ils l’ont fait parce que leur nature est sanguinaire et qu’ils sont attirés comme des hyènes à l’odeur du sang.
Leur mode d’action était aussi prévisible. Les groupes terroristes agissant en Tunisie adoptent les mêmes méthodes, les mêmes stratégies que leurs ainés d’Afghanistan, d’Algérie, d’Irak, du Yémen ou de Syrie. La présence confirmée d’Algériens, de Mauritaniens de Somaliens et de Maliens parmi les terroristes de Chaâmbi présageait de leur mode opératoire. L’attaque contre les huit soldats égorgés en juillet dernier, le port du niqab pour se dissimuler, les voitures piégées et les ceintures explosives, même si ces dernières méthodes ne lui ont pas encore réussi, présageaient que les terroristes useront aussi de la méthode des faux barrages de contrôle. Cela a été fait à Jendouba qui présente l’avantage de la proximité de la zone de repli pour ces terroristes.
A posteriori, on pourrait se demander si les forces de l’ordre n’avaient pas été latitudinaires et indulgentes avec les suspects arrêtés depuis plusieurs mois déjà, partout dans le pays, en possession d’uniformes militaires. On pourrait se demander aussi si tous les moyens avaient été employés pour rendre le bouclage de Chaâmbi hermétique.
Mais ce ne sont là que des questions pour mieux comprendre les failles si elles existent et afin de mettre au point une stratégie mieux adaptée pour combattre ce fléau. Il ne s’agit nullement, en effet, de rendre nos services sécuritaires responsables de ces tueries. Elles sont inévitables et seront de toutes manières récurrentes tant que le terrorisme n’est pas éradiqué dans notre pays. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une solidarité sans faille, une symbiose entre les citoyens et les forces de l’ordre afin d’isoler les terroristes, les priver de tout soutien politique, financier et logistique.
Il est nécessaire, toutefois, de rappeler quelques vérités. A Jendouba, les terroristes ont tué un civil. Il ne sera pas le dernier malheureusement car le terrorisme n’est pas une simple opposition entre les forces de l’ordre et des groupes armés. C’est une guerre entre ces groupes armés et la société toute entière. Du fait qu’ils soient des cibles potentielles du terrorisme, tous les citoyens sont concernés par cette guerre. Sans être alarmiste, être victime d’un attentat est désormais une éventualité réelle. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Nous ainsi que les membres de nos familles pouvons nous trouver un jour, dans une file d’attente, en attendant le bus, en faisant nos courses ou même dans une urgence d’hôpital ou une prière du vendredi, face à ce fléau.
Les politiques de tout bord doivent se rappeler, eux aussi, que la démocratie ne peut se bâtir et se consolider dans l’insécurité. Toute tentative de minimiser l’importance et la dangerosité du fléau, de trouver des alibis à ces mercenaires et assassins, de couvrir les groupements violents les rend responsables moralement et politiquement de la flambée terroriste. Ceux qui permettent aux terroristes de véhiculer leurs discours et leurs messages, les opportunistes de toujours qui appellent à négocier avec eux sont objectivement les alliés du terrorisme.
Un dernier rappel au ministère de l’intérieur : la lutte contre le terrorisme ne donne à personne le droit de bâillonner la liberté de la presse. Les communiqués répétés ces derniers temps demandant aux médias de s’abstenir de faire leur travail, de ne pas assumer leur devoir d’informer ne sont pas de bon augure même si une meilleure coordination entre les médias et les services de sécurité est souhaitable.