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Chroniques
La colère sociale en Tunisie, l'apaisement
13/02/2014 | 1
min
La colère sociale en Tunisie, l'apaisement
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Par Mourad El Hattab

Trois ans après les événements du 14 janvier 2011 et en dépit de l’adoption d’une nouvelle constitution, l’instabilité sociale demeure encore tangible, le chômage atteint toujours des records, la taxation et les hausses des prix sont dans la ligne de mire de la population et selon certains sondages, des Tunisiens regretteraient même la fuite de Ben Ali, et vivent une grande peur de l’avenir.

De temps à autre, des soulèvements secouent le pays, il s’agit, en général, de jeunes qui manifestent suite à leur non-recrutement lors d’un concours, des revendications dues à l’adoption de nouvelles taxes et des grèves suite à la non-application d’accords conclus avec le gouvernement sortant.

Récemment et selon un communiqué du ministère des Affaires sociales (d’avant Jomâa), le nombre de grèves a enregistré au cours du mois d’octobre 2013 une hausse de 71% par rapport au mois de septembre. D’après la même source, 93% ont émané de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

En réaction aux déclarations précitées, la Centrale syndicale les a qualifiées de ridicules et ce, en raison des chiffres réels enregistrés d’une part, et du rôle responsable qu’elle joue pour soutenir l’économie dont témoigne sa collaboration avec l’Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) pour la convergence des intérêts des travailleurs et des patrons dans la promotion de l’entreprise, d’autre part.

L’UGTT, une institution essentielle dans l’organisation de l’Etat
Dès sa création, l'organisation syndicale tunisienne a œuvré pour se libérer de la domination des syndicats français, pour défendre les ouvriers tunisiens et surtout affirmer leur dignité.
A l’aube de l'Indépendance, l'UGTT, qui était un acteur majeur dans le combat de la libération nationale, a participé, foncièrement, au processus institutionnel notamment au niveau de la confection de la première Constitution.

Tout au long des années 70, l'UGTT s’est engagée dans des négociations pour conclure plusieurs conventions collectives avec la Centrale patronale et avec l'Etat en ce qui concerne le Statut de la Fonction publique tout en développant son dynamisme revendicatif.
Toutefois, l’hégémonie du parti unique lui a fait affluer les opposants et les contestataires de tout horizon et en dépit de l’accord d’un Pacte social, des circonspections sociales et politiques ont conduit à une grande crise avec le gouvernement en 1978 qui a épuisé temporairement l'organisation syndicale.

En 1982, et malgré une certaine normalisation des relations avec le gouvernement, une crise majeure a éclaté, encore une fois, pour donner lieu à une grande fissure provoquée au sein de l’organisation syndicale et ce n'est qu’à partir de la prise du pouvoir par Ben Ali que l'UGTT a pu reprendre, relativement, son équilibre et sa position de représentant réel des travailleurs au pays.

La chute du régime de Ben Ali dont l’UGTT a contribué, activement, à la réalisation après une longue période de mutations dans les domaines politique, économique et social qui ont eu des conséquences sur l’action de l'UGTT et suite à l’ascension de la Troïka au pouvoir sur fond d’un environnement agité et instable, la centrale syndicale s’est retrouvée confrontée à la gestion d’un risque social sévère et en même temps dans le collimateur des gouvernants sortants qui n’ont cessé de l’accuser d’être à l’origine de l’effondrement de l’économie tunisienne.

La Centrale syndicale face au risque social
Le soulèvement populaire qui a conduit à la chute de l’ex-régime a mis à nu le contraste entre l’évolution artificielle de la croissance et la condition sociale des Tunisiens qui s’est illustrée, nettement, à travers un ras le bol étendu en raison de l’ampleur de la précarité, de l’exclusion régionale, de la corruption et du chômage généralisé.

L’UGTT qui avait encadré, largement, à travers ses délégations, le soulèvement a eu du mal après la fin de Ben Ali à endiguer les revendications légitimes et croissantes des classes sociales les plus défavorisées ce qui a engendré un risque social grave.

Ainsi, elle avait été amenée à gérer des grèves, des sit-in, des protestations dans les régions mais surtout un acharnement des sympathisants de la Troïka juste après son ascension au pouvoir: des ordures déversées devant le Siège de l’UGTT suite à une grève des agents municipaux, des attaques de ces relais régionaux et enfin une tentative d’assaut qui a ciblé le 4 décembre 2012 le bâtiment emblématique de la Centrale syndicale et ses occupants.

Nonobstant une situation assez délicate, elle a gardé ouvertes les portes du dialogue et a entamé une nouvelle étape pour la recherche d’un consensus national suite au pourrissement de la situation politique et la montée des vagues du terrorisme et des assassinats. Un tournant au niveau de la perception du risque social par l’organisation vient de naître.

Indiquons d’abord que depuis des années, la Centrale syndicale est dotée d’un centre actif d’analyses sociales et économiques et de documentation qui a publié des dizaines d’ouvrages traitant des problématiques les plus diverses. Au fond de la nouvelle stratégie de l’UGTT, on découvre une nette mutation.
Représenter et défendre les intérêts des travailleurs restent une valeur constante en tenant compte des données de l’environnement économique et social. La recherche de l’unité et du rajeunissement de la direction sont devenus des impératifs pressants.

D’autres variables expriment la nouvelle vision de la centrale syndicale du risque social comme générant des dérives dont la prévention constitue une exigence se fondant sur une veille efficiente, une gestion des négociations sur la base d’une méthodologie progressive et une communication appropriée.

A la faveur de cette démarche et sur le plan national, l'UGTT a relancé une politique contractuelle innovante notamment vis-à-vis de l’UTICA et a repris son rôle de partenaire avec les acteurs du monde du travail malgré une conjoncture économique qui obligeait à une très grande agilité.

Aujourd’hui et plus que jamais, l’organisation doit évoquer les grandes problématiques notamment celles liées à la révision du Code du travail, l’analyse des paramètres du marché de l'emploi, la redéfinition de l’approche de la formation des syndicalistes, le renforcement de l’élaboration d’études communes avec l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et surtout l’arrêté de standards de gestion des conflits et des risques sociaux au niveau des entreprises et des institutions.
 
*Spécialiste en gestion des risques financiers
13/02/2014 | 1
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