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Chroniques
En attendant Godot
12/12/2013 | 1
min
En attendant Godot
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Par Mourad El Hattab*

L’attente, la psychose et l’absurde sont les sentiments qui marquent la vie des Tunisiens depuis un certain temps avec leur lot de blocages de l’activité économique, d’empoisonnement du climat des affaires et de l’investissement, de morosité et de misère pour menacer, sérieusement, les secteurs les plus vitaux. Malheureusement, le coût de cette tragédie est très cher et sa quantification précise semble difficile, mais le plus important est que le pays ne doit pas céder à un tel sort et tomber dans le piège du fatalisme et de la défaite.


La société de la deuxième moitié du siècle dernier était déterminée à ne plus vivre les conséquences des horreurs de la grande guerre. Ainsi, naquît une tendance de l’art de l'absurde. «En attendant Godot» est une pièce théâtrale de Samuel Beckett jouée en 1953. Les principaux personnages sont deux vagabonds qui se retrouvent sur une route, attendant un certain Godot qui leur a promis qu'il viendra sans qu’ils sachent ce qu'il va leur apporter. Il représente un espoir de changement. En l'attendant, ils tentent de trouver des occupations pour passer le temps. Néanmoins, Godot n’est pas venu. Ils réalisent alors, la futilité de leur existence, ils envisagent, de se suicider en se pendant à un arbre, mais décident, à la fin, d’y renoncer.

Peut-on comparer les actes de cette pièce tragi-comique à la situation actuelle des Tunisiens dont l’économie semble se précipiter vers le suicide, il en est presque de même pour leur condition financière et en conséquence sociale devenue insoutenable; Essayons, à ce titre, de présenter quelques éléments qui pourraient, tout de même, irriter la sensibilité de certains !

L’évolution de la situation
Vendredi dernier, Houcine Abbassi avait annonçait, au nom du quartet, le report des pourparlers du dialogue national autour de la désignation d’un chef de Gouvernement, faute de consensus et c’est ainsi qu’un sentiment mitigé de peur et d’inquiétude s’empara des citoyens. Quelques jours après, le gouverneur de La Banque Centrale de Tunisie, Chedly Ayari, a déclaré qu’il ne savait pas quoi dire aux institutions financières internationales et aux hommes d’affaires après la décision du quartet.

Il a précisé, dans la foulée des évènements, que la Tunisie a besoin d'environ 8 milliards de Dinars pour les deux prochaines années, et ce, pour tenir le coup tout en évoquant, aussi, que le pays devrait recevoir, avant fin décembre 2013, une enveloppe estimée à 750 millions de Dollars, soit 1665 millions de dinars, dont 500 millions de dollars du Fonds Monétaire International et 250 millions de Dollars de la Banque Mondiale, à condition que la situation politique en Tunisie soit stabilisée. Ces tirages serviraient pour renflouer le budget de l’Etat. D’autres ressources financières conditionnées seraient également octroyées à la Tunisie, en 2014, dont notamment une enveloppe de 300 millions de Dollars de l’Union Européenne, ainsi que d’autres prêts du Japon et des pays arabes. La situation est réellement critique.

Prémices de la débâcle
Malgré la déclaration des officiels annonçant que la situation est difficile mais «maîtrisable» et que l’optimisme doit régner contre vents et marées. Selon eux, la réalisation d’une croissance positive en 2012 et 2013: une sorte de «miracle» par rapport aux techniques d’évaluation en vigueur, doit calmer les esprits et éviter l’anxiété montante de toutes les franges de la société.
La position extérieure globale de la Tunisie est passée de manière vertigineuse, selon les données statistiques élaborées par la Banque Centrale de Tunisie, de -68607 millions de Dinars au terme de l’année 2011 à -76477 millions de Dinars à fin 2012 et, au cours de la même période d’analyse, le taux de couverture des engagements à court terme par les avoirs nets en devises ne dépasse pas 76,8%. Ceci laisse perplexe quant à la solvabilité et la liquidité du pays dans les mois à venir pour honorer convenablement les échéances de ses crédits vis-à-vis des bailleurs de fonds. Notre grande crainte est la transformation des crédits qui pourraient être difficilement obtenus, prochainement, en une niche pour rembourser, purement et simplement, d’autres crédits ou pour faire subvenir aux besoins en salaires et autres charges administratives similaires: une spirale sans fin.
Côté finances publiques, à fin septembre de l’année en cours, la note d’exécution budgétaire émanant du ministère des Finances montre que les indicateurs ont échappé déjà à tout contrôle, il est évident que le mode de gouvernance a joué pleinement à la faveur du chaos, les dépenses de fonctionnement se sont accrues à un rythme aussi bien soutenu que difficilement gérable, les injections de fonds au niveau des trésoreries des institutionnels sont de taille et concernent des entreprises piliers du secteur économique, le service de la dette a nettement progressé pour dépasser les prévisions et ce, contre une baisse considérable des ressources non fiscales se rapportant, essentiellement, aux dons, privatisations et confiscations pour dégager un solde budgétaire déficitaire de 5265 millions de Dinars.
Y a-t-il espoir pour voir Godot arriver?
Godot, si on ose dire dans sa version tunisienne doit surmonter plusieurs épreuves et même les lois les plus précises de la représentation cartésienne de l’économie, de la bonne gouvernance avec une sensation fine de la condition humaine absurde dans laquelle a été enfermé notre peuple. Il est appelé à remettre en cause tout : le sens de l’Etat, la suprématie des institutions et l’attachement à la souveraineté nationale et ceci nécessite de le laisser attaché, inévitablement, à une vision philosophique de sa mission de sauveur.
L’attente du Godot tunisien sera longue, pénible voire même insupportable, vu la présence des vautours qui attendent le moment opportun pour détruire toute œuvre d’édification et s’accaparer de tout, il n’aurait de chance de dépassement, presque dans le sens divin du terme pour surmonter les dégâts de l’apocalypse, que par une mobilisation de la nation aspirant à un monde meilleur sans profusion des exposés possibles. Attendons-le, il n’y a pas d’autres chemins de délivrance, espérons, aussi, qu’il ne sera ni tyrannique ni impitoyable.

*Spécialiste en gestion des risques financiers
12/12/2013 | 1
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