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Chroniques
Pays en transition cherche leader
22/10/2013 | 1
min
Pays en transition cherche leader
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Par Ines Oueslati

La révolution tunisienne a été déclenchée par le courroux populaire contre celui qui, des années durant, a été présenté comme le sauveur de la nation et qui s’est avéré être un gourou. Prenant naissance par un mouvement de protestation ayant envahi les rues de Tunis et d’autres villes, cette vindicte collective a mis à bas un système dictatorial, sans un projet de rechange, sans solutions alternatives et surtout sans leader. Une mise à bas de la dictature qui est susceptible en ces jours décisifs, de connaitre les prémices d’une dictature autre.

L’histoire de la Tunisie a été marquée par la présence de chefs de file derrière qui le peuple marchait les yeux fermés, bandés voire aveuglés. Des leaders politiques dont l’aura était souvent amplifiée par un système de communication savamment étudié et un système répressif dissuasif quant à toute tentative d’insurrection.

Cependant, le peuple en a voulu autrement. Sa volonté d’en finir avec le despotisme a primé sur la volonté de le brimer. La révolution avait pris naissance avec de bons desseins, mais sans stratégie d’avancement. Deux ans après et malgré les tentatives des partis politiques et de leurs chefs, l’existence d’un leader reste nécessaire et la place reste vacante.

Cette vacance a été occupée par des pseudos leaders au charisme improbable et aux actions incertaines et dont le militantisme par le passé n’a servi en rien le présent d’un pays en dégénérescence constante tant sur le plan social qu’économique. Elle a profité, en outre, à la montée de mouvances nouvelles étrangères à notre société, au moyen de la glorification de nouveaux héros de la nation dont le mérite est uniquement d’ordre religieux. Elle sert désormais le retour de mouvances anciennes proches du parti déchu et de ses figures connues et méconnues.

Le caractère transitoire de la période par laquelle passe le pays et le rapport passionnel qu’entretiennent certains avec leurs libertés nouvellement acquises ont enclenché un mouvement de table rase qui n’a pas pu être suivi de mise en place d’un système nouveau, fiable et viable. Deux ans après, aucune stabilité n’a été trouvée car aucun modèle de substitution consensuel n’a été instauré.

Le leadership, se définit comme l’autorité d’influence. Il se base sur l’aptitude à fédérer un groupe afin d’atteindre un but commun, dans une relation de confiance et pour une durée limitée. Cela équivaudrait pour le cas tunisien à un rapport contractuel voire électoral avec une personne susceptible de diriger le pays, de motiver les Tunisiens pour aller de l’avant et de fédérer autour d’un projet commun qui serait celui de réveiller la Tunisie de sa torpeur et de relancer économie, projet social et stratégies éducatives.

Sans leader, notre société civile ne saura faire le poids et notre opposition vidée au temps de Ben Ali de sa substance ne saura être efficace. Seuls les partis islamistes le seront car, dépendant de structures internationales (frères musulmans), ils ont continué, même sous la dictature, à travailler obstinément, d’une manière organisée et loyale envers un principe commun et un leader établi érigé au rang de chef suprême.

Certes de nombreuses structures politiques d’obédience autre ont tenté de reproduire un schéma similaire dans le cadre de leur organisation interne et externe (en matière de communication), mais nombreux sont les leaders qui n’ont mérité le respect des leurs que pour une courte durée, les décevant après leurs promesses d’engagement et ne servant plus que des projets individuels loin des projets collectifs fédérateurs de leur union.

Dénués de pouvoir de compétence, beaucoup de dirigeants au sein de la Tunisie postrévolutionnaire n’exercent qu’un pouvoir coercitif inhérent au poste-récompense qu’ils ont pu occuper. Face à cette autorité d’apparat, le peuple ne peut manifester qu’un respect occasionnel et de conjoncture incapable de rassembler et de contribuer à créer un projet d’avenir.

Le leadership se définit selon les travaux des chercheurs Boltanski et Thévenot comme une capacité à créer un Monde auquel les autres veulent appartenir. Il se résume en « la capacité à diagnostiquer et comprendre le Monde actuel, à concevoir et incarner le Monde voulu et enfin à construire les passerelles pour que tous rejoignent le Monde voulu ». La Tunisie, à la croisée des chemins, a besoin d’un leader capable de fédérer un changement, d’un dirigeant qui, sans être dictateur, saura créer un modèle et l’imposer et sans être un démocrate laxiste saura être ferme sans être liberticide. Sans cela le pays sombrera et alors qu’on appelle à l’insurrection, il sera la proie d’une prochaine dictature. Car deux « dégage » ne se valent pas : le premier a chassé la dictature et le deuxième, peut-être, nous la rendra.
22/10/2013 | 1
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