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Tribunes
Affaire SheratonGate : C'est fou comment les choses évoluent
15/01/2013 | 1
min
Affaire SheratonGate : C'est fou comment les choses évoluent
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Par Mustapha Mezghani


Ces derniers jours, l’affaire SheratonGate a fait couler beaucoup d’encre entre ceux qui appuient le ministre des Affaires étrangères et ceux qui sont contre lui.
Plus on avance dans le temps, plus les positions des uns et des autres - concernés, avocats, officiels et autres - s’affirment, plus les langues se délient, et plus les interrogations augmentent et les positions se forgent.

Contrairement à ce que disent certains, je suis de ceux qui considèrent qu’il est normal qu’un ministre ou qu’un fonctionnaire prenne un repas dans une suite qui lui a été mise à disposition pour qu’il puisse rencontrer des délégations internationales car on ne peut lui demander de sortir manger rapidement et revenir ou de lui ramener un sandwich quand les rendez-vous s’enchaînent. Je ne peux non plus admettre qu’un ministre rencontre des personnalités internationales alors qu’il a le ventre vide, car cela ne fera que diminuer son rendement.

De la même manière, je considère qu’il est logique qu’un ministre ait recours à la blanchisserie ou au pressing d’un hôtel dans lequel il a une suite à sa disposition pour nécessité de service. Cependant cela doit se faire de manière accidentelle et si un accident devait arriver, si son costume ou sa chemise était salie et qu’il faille rapidement y remédier. Il ne faudrait pas non plus que le ministre ramène son linge sale avec lui pour le laver au pressing de l’hôtel et le fasse prendre en charge par son ministère et par le contribuable tunisien, car là il y aurait abus.

Concernant le déroulement des faits, étant directement ciblé par l’affaire SheratonGate, Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères, a immédiatement réagi pour « justifier » les faits présentés. Cependant, et plus on avance dans le temps, plus les choses évoluent et les versions des faits changent.
Ainsi, Fethi Laâyouni, avocat de Rafik Abdessalem, annonce aujourd’hui que les nuits d’hôtel réservées au nom du ministre l’ont été dans le cadre des ses activités normales et des rencontres avec des délégations étrangères résidant à l’hôtel alors que le ministre en personne avait reconnu les faits et les nuitées passées au Sheraton au frais du contribuable et justifié cela par le fait qu’il ne disposait pas de logement de fonction.

Cependant, après avoir modifié les dires de son client, son avocat abonde dans son sens, comme certains des partisans du ministre, et va même jusqu’à dire que cette pratique est assez courante et que cela est aussi le cas d’autres ministres du gouvernement actuel comme cela était le cas sous l’ancien régime (comme s’ils avaient oublié que le peuple tunisien avait fait une révolution justement pour rompre avec les pratiques abusives de l’ancien régime, y compris ce genre de pratiques). Comme si ce qui est fait par d’autres devient légitime. Ces personnes, tout en reprochant à Olfa Riahi d’avoir rapporté cette affaire en ce qui concerne le ministre des Affaires étrangères, lui reprochent aussi de ne pas avoir fait état des autres abus et de s’être limité à ce cas précis. Sont-ils sûrs qu’Olfa Riahi était au courant des autres abus ? Et si eux-aussi considèrent cela comme des abus, pourquoi n’ont-ils pas divulgué ces informations ?
Il serait d’ailleurs temps de publier une loi considérant que « porter les abus de deniers et biens publics à la connaissance du public n’est pas de la délation, bien au contraire ceci est un signe de responsabilité civique et que ceux qui sont au courant d’abus et qui ne les portent pas à la connaissance du public sont eux-mêmes considérés comme des complices de cet abus ». Cela ne fera que contribuer à la transparence et à la lutte contre les abus.

Olfa Riahi a aussi fait état d’un million de dinars versé sur un compte du ministère des Affaires étrangères et non dans les comptes de la finance publique. Le ministre a immédiatement réagi pour dire que ce montant correspond à un don du ministère du Commerce chinois pour l’organisation du Forum sino-arabe qui s’est tenu en mai 2012 et que cet argent a été gardé par le MAE parce qu’il était destiné à l’organisation d’événements. Sauf que ce montant a été viré en juillet 2012 et qu’entretemps l’Etat tunisien avait déjà payé tout ou partie des prestataires vu que la conférence s’est tenue plusieurs mois avant la réception des fonds. Le MAE ne se doit-il pas de rembourser les avances faites avec l’argent public et déjà payées aux prestataires et fournisseurs ? De plus, en règle générale, dans les frais d’organisation, sont aussi compris les charges inhérentes aux fonctionnaires qui participent à l’organisation ainsi qu’aux équipements et autres matériels qui sont utilisés. Ces charges ne doivent-elles pas aussi d’être payées ?

Enfin et pour terminer, Monsieur le ministre n’a cessé de rappeler qu’un de ses objectifs est justement de combattre les abus et la corruption, ce qui est conforme aux mesures annoncées par le gouvernement et à la demande populaire.
Le meilleur moyen de lutter contre les abus et la corruption est justement la transparence et j’aurais personnellement préféré que Monsieur le ministre saisisse cette opportunité pour prouver qu’une fois de plus les médias se sont trompés, ce qui appuierait sa position de victime d’une machination, en invitant la bloggeuse Olfa Riahi à prendre attache avec ses services financiers qui lui montreront que tout cela n’est que pure manipulation et machination, que les informations dont elle a fait état ne sont pas correctes et que les dépenses engagées cadrent parfaitement avec les missions du ministre comme s’est évertué à le dire son avocat. Je suis convaincu que si les choses s’étaient déroulées de cette manière, Olfa Riahi elle-même aurait fini par présenter des excuses publiques en annonçant qu’elle s’était trompée, ce qui aurait eu un effet immédiat sur l’image du ministre et de sa personne.
Cependant, la solution retenue est tout autre.
15/01/2013 | 1
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