Tribunes
L'obscure affaire « Royal Luxembourg »

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Par Hédi Sraieb
Royal Luxembourg SA, société de participation financière (soparfi) luxembourgeoise au capital de 125 M€, pour résidents et non résidents est domiciliée: Espace Pétrusse, B.P.351, 2013 Luxembourg. Elle est enregistrée sous le numéro de commerce B58944. Cependant, Royal Luxembourg, qui suscite la curiosité depuis un moment, conserve une grande part de mystère quant à son actionnariat.
En effet, il y a même fort à parier qu’elle ne soit qu’une société en commandité voire une société écran qui ne dévoilera pas ses véritables actionnaires et, par là, les vrais acquéreurs des 13,1% du capital de la Banque de Tunisie pour un montant estimé à 214 MDT (107 M€). A toutes fins utiles, le groupe CIC (détenteur déjà de 20%) a fait une offre « perdante » de 204 MD (102 M€), qui lui aurait permis de détenir une minorité de blocage.
Pourquoi cette opacité ? Pourquoi une telle absence d’informations sur le site du registre du commerce du Luxembourg ? Essayons de remonter un peu le fil de l’écheveau afin de chercher qui est qui dans ce dispositif en poupées russes.
Questionner le site du registre de commerce luxembourgeois, en tapant B58944, ne donne rien, si ce n’est la démission d’un illustre inconnu en date du 19/11, remettant ses pouvoirs d’administrateur. Etonnant tout de même que cela soit fait la veille de l’adjudication ! Serait-ce une manœuvre qui aurait bien pu permettre, à la dernière minute, aux dirigeants et, particulièrement, à M Salvatore Cugliari de brouiller un peu plus les pistes (appelé au téléphone, le répondeur donne un signal d’absence).
Par ailleurs, il est à préciser que Royal Luxembourg Soparfi Suisse RE SA, au capital de 100.000 CHF, est aussi un fond d’investissement immatriculé à Lugano, canton de Tessin sous le numéro d’enregistrement CH 514 3024 374 2. M Schmuki Alexander en serait l’administrateur. La FOSC (feuille officielle suisse du commerce), précise, toutefois, que « les informations fournies » sont de nature purement informelle. En clair, la FOSC ne garantit pas le contenu, mais la conformité formelle du déclarant. Il est donc inutile d’interroger le préposé du registre du commerce du canton en lui demandant pourquoi la fiche d’information du déclarant ne comporte rien à la rubrique « succursale » ?
Précisons que le terme de Soparfi renvoie au régime juridique spécifique, qui permet entre autres choses, de bénéficier de la « non double imposition », ce qui signifie que dès lors que ses impôts en Tunisie seront acquittés (probablement donc une retenue symbolique à la source, proche de zéro), la société luxembourgeoise-suisse ne sera pas soumise à l’impôt de son lieu de résidence. Et, quand bien même elle le serait, ses conseillers fiscaux auront tôt fait de trouver une parade d’optimisation fiscale (doux euphémisme pour désigner une défiscalisation évidente pour ses actionnaires). Comme civisme on fait mieux, mais il faut croire que c’est la loi du genre. Il est à noter que le site TUSTEX (copyright), a publié un communiqué - pour le moins laconique- dans lequel il indique que M Salvatore Cugliari (interrogé par Shems FM) est « resté évasif sur l’identité des principaux actionnaires (financiers et hommes d’affaires des différents pays européens….) » et précise que la holding, « domiciliée au Luxembourg est filiale à 85% de Royal Luxembourg Soparfi Suisse ».
De nombreuses questions se posent donc, dans cette Tunisie en transition où est censée prédominer la transparence, signe premier d’une bonne gouvernance économique, pour reprendre les termes du gouvernement actuel. Quelques interrogations essentielles et fondamentales que nous allons égrener et auxquelles nous aimerions avoir des réponses, sachant bien toutefois que la notion de « parjure » n’existe pas en droit tunisien. M Cugliari agit-il au nom d’entrepreneurs aguerris ayant une parfaite connaissance des métiers de la banque ? Ces dits actionnaires ont-il un projet « industriel » ? Sont-ils, même en tant que « minoritaires » capables d’apporter une quelconque valeur ajoutée ? Ou bien ne sont-ils, au bout du compte, que des investisseurs passifs et dormants (sleeping partners) ? Et alors dans ce cas quel serait leur retour net sur investissement si d’aventure ces actions acquises se transformaient en actions préférentielles à dividende prioritaire et convenue d’avance (un plancher) ? M Cugliari indique que ces investisseurs sont européens, mais ne précise pas s’ils sont résidents ou non résidents, ou bien encore, s’il s’agit de personnes physiques ou de sociétés, comme l’autorisent légalement les statuts de sa soparfi ?
Qu’en pensent les administrateurs tunisiens de la BT qui devraient toucher jusqu’à 350.000 DT de jetons de présence ? Qu’en dit M. Ben Saâd, nommé par M. Mustapha Kamel Nabli, astreint à un devoir de réserve ou de confidentialité ? Qu’en pense M. Slim Besbès, agissant comme ministre des Finances par intérim et ayant présidé à l’ouverture des plis de remise d’offres ? A-t-il eu pleinement connaissance, au préalable, des multiples aspects du dossier (techniques, juridiques, financiers) y compris celui de la procédure d’appel d’offres international suivie par ses fonctionnaires ( la due diligence des comptes) ? Qu’en pense le CIC ? Silence. Il semble ne pas vouloir réagir, alors qu’il va, désormais, cohabiter avec cet actionnaire, lui qui, somme toute, reste l’actionnaire-stratégique de référence. Ou encore, qu’en pense le conseil d’administration de la Banque Centrale, une institution indépendante, mais toujours associée, lorsqu’il s’agit d’une importante transaction internationale ? Peut-elle, en toutes connaissances, certifier l’origine des fonds ? Peut-elle garantir qu’il n’y a aucune autre société écran basée dans un autre paradis fiscal ? De quelles informations dispose-t-elle, réellement ?
Une véritable Omerta voire une vraie loi du silence semblent s’être abattues sur cette affaire aux implications et, par ricochet, aux conséquences multiples sur les futures opérations de ce genre. Le pays est en droit à avoir un minimum de clarifications.
Alors quelques réponses seraient les bienvenues…. !!!
*Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie
Royal Luxembourg SA, société de participation financière (soparfi) luxembourgeoise au capital de 125 M€, pour résidents et non résidents est domiciliée: Espace Pétrusse, B.P.351, 2013 Luxembourg. Elle est enregistrée sous le numéro de commerce B58944. Cependant, Royal Luxembourg, qui suscite la curiosité depuis un moment, conserve une grande part de mystère quant à son actionnariat.
En effet, il y a même fort à parier qu’elle ne soit qu’une société en commandité voire une société écran qui ne dévoilera pas ses véritables actionnaires et, par là, les vrais acquéreurs des 13,1% du capital de la Banque de Tunisie pour un montant estimé à 214 MDT (107 M€). A toutes fins utiles, le groupe CIC (détenteur déjà de 20%) a fait une offre « perdante » de 204 MD (102 M€), qui lui aurait permis de détenir une minorité de blocage.
Pourquoi cette opacité ? Pourquoi une telle absence d’informations sur le site du registre du commerce du Luxembourg ? Essayons de remonter un peu le fil de l’écheveau afin de chercher qui est qui dans ce dispositif en poupées russes.
Questionner le site du registre de commerce luxembourgeois, en tapant B58944, ne donne rien, si ce n’est la démission d’un illustre inconnu en date du 19/11, remettant ses pouvoirs d’administrateur. Etonnant tout de même que cela soit fait la veille de l’adjudication ! Serait-ce une manœuvre qui aurait bien pu permettre, à la dernière minute, aux dirigeants et, particulièrement, à M Salvatore Cugliari de brouiller un peu plus les pistes (appelé au téléphone, le répondeur donne un signal d’absence).
Par ailleurs, il est à préciser que Royal Luxembourg Soparfi Suisse RE SA, au capital de 100.000 CHF, est aussi un fond d’investissement immatriculé à Lugano, canton de Tessin sous le numéro d’enregistrement CH 514 3024 374 2. M Schmuki Alexander en serait l’administrateur. La FOSC (feuille officielle suisse du commerce), précise, toutefois, que « les informations fournies » sont de nature purement informelle. En clair, la FOSC ne garantit pas le contenu, mais la conformité formelle du déclarant. Il est donc inutile d’interroger le préposé du registre du commerce du canton en lui demandant pourquoi la fiche d’information du déclarant ne comporte rien à la rubrique « succursale » ?
Précisons que le terme de Soparfi renvoie au régime juridique spécifique, qui permet entre autres choses, de bénéficier de la « non double imposition », ce qui signifie que dès lors que ses impôts en Tunisie seront acquittés (probablement donc une retenue symbolique à la source, proche de zéro), la société luxembourgeoise-suisse ne sera pas soumise à l’impôt de son lieu de résidence. Et, quand bien même elle le serait, ses conseillers fiscaux auront tôt fait de trouver une parade d’optimisation fiscale (doux euphémisme pour désigner une défiscalisation évidente pour ses actionnaires). Comme civisme on fait mieux, mais il faut croire que c’est la loi du genre. Il est à noter que le site TUSTEX (copyright), a publié un communiqué - pour le moins laconique- dans lequel il indique que M Salvatore Cugliari (interrogé par Shems FM) est « resté évasif sur l’identité des principaux actionnaires (financiers et hommes d’affaires des différents pays européens….) » et précise que la holding, « domiciliée au Luxembourg est filiale à 85% de Royal Luxembourg Soparfi Suisse ».
De nombreuses questions se posent donc, dans cette Tunisie en transition où est censée prédominer la transparence, signe premier d’une bonne gouvernance économique, pour reprendre les termes du gouvernement actuel. Quelques interrogations essentielles et fondamentales que nous allons égrener et auxquelles nous aimerions avoir des réponses, sachant bien toutefois que la notion de « parjure » n’existe pas en droit tunisien. M Cugliari agit-il au nom d’entrepreneurs aguerris ayant une parfaite connaissance des métiers de la banque ? Ces dits actionnaires ont-il un projet « industriel » ? Sont-ils, même en tant que « minoritaires » capables d’apporter une quelconque valeur ajoutée ? Ou bien ne sont-ils, au bout du compte, que des investisseurs passifs et dormants (sleeping partners) ? Et alors dans ce cas quel serait leur retour net sur investissement si d’aventure ces actions acquises se transformaient en actions préférentielles à dividende prioritaire et convenue d’avance (un plancher) ? M Cugliari indique que ces investisseurs sont européens, mais ne précise pas s’ils sont résidents ou non résidents, ou bien encore, s’il s’agit de personnes physiques ou de sociétés, comme l’autorisent légalement les statuts de sa soparfi ?
Qu’en pensent les administrateurs tunisiens de la BT qui devraient toucher jusqu’à 350.000 DT de jetons de présence ? Qu’en dit M. Ben Saâd, nommé par M. Mustapha Kamel Nabli, astreint à un devoir de réserve ou de confidentialité ? Qu’en pense M. Slim Besbès, agissant comme ministre des Finances par intérim et ayant présidé à l’ouverture des plis de remise d’offres ? A-t-il eu pleinement connaissance, au préalable, des multiples aspects du dossier (techniques, juridiques, financiers) y compris celui de la procédure d’appel d’offres international suivie par ses fonctionnaires ( la due diligence des comptes) ? Qu’en pense le CIC ? Silence. Il semble ne pas vouloir réagir, alors qu’il va, désormais, cohabiter avec cet actionnaire, lui qui, somme toute, reste l’actionnaire-stratégique de référence. Ou encore, qu’en pense le conseil d’administration de la Banque Centrale, une institution indépendante, mais toujours associée, lorsqu’il s’agit d’une importante transaction internationale ? Peut-elle, en toutes connaissances, certifier l’origine des fonds ? Peut-elle garantir qu’il n’y a aucune autre société écran basée dans un autre paradis fiscal ? De quelles informations dispose-t-elle, réellement ?
Une véritable Omerta voire une vraie loi du silence semblent s’être abattues sur cette affaire aux implications et, par ricochet, aux conséquences multiples sur les futures opérations de ce genre. Le pays est en droit à avoir un minimum de clarifications.
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*Hédi Sraieb, Docteur d’Etat en économie
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