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Tribunes
L'ambition politique, pour qui pourquoi ?
24/06/2011 | 1
min
L'ambition politique, pour qui pourquoi ?
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Par Walid BEL HADJ AMOR

L’ambition en politique est souvent décriée et considérée comme une hypocrisie appelant à des calculs et des stratégies fort condamnables. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire qu’il est difficile de consacrer toute une vie à mener un combat politique sans l’ambition d’avoir un jour le pouvoir de mettre ses idées et ses convictions au service du pays.

L’un des personnages les plus décriés depuis le 14 Janvier est sans conteste Ahmed Nejib Chebbi, dont beaucoup pensent qu’il n’a d’ambition que celle de devenir Président de la République, et qu’il consacre toutes ses ressources à ce seul objectif. Il faut dire qu’il a accumulé quelques erreurs remarquables, de l’intégration du gouvernement Ghannouchi 1, au poste de ministre du Développement Régional qui a été perçu comme un outil de propagande politique, à la campagne de communication et d’affichage pour le moins prématurée et par trop personnalisée.
Il aurait été plus judicieux de mettre en avant des militants du parti auquel les électeurs auraient pu s’identifier et mieux percevoir l’abnégation d’un long combat mené depuis des années pour les libertés individuelles et la démocratie. Cela aurait légitimé le parti dans son engagement actuel, et justifié l’ambition de ses leaders. Et ce d’autant plus que M. Chebbi est tout sauf un opportuniste. Espérons toutefois que ses communicants n’iront pas jusqu’à le packager comme un baril de lessive, en choisissant jusqu’à ses cravates et chaussettes, comme on le voit parfois dans certaines contrées démocratiques.

Cette question de l’ambition, est en réalité fortement liée à la personnalisation en politique, et se trouve confrontée au nécessaire leadership, sans lequel un parti vire rapidement au comité populaire. Ennahdha n’échappe pas à ce paradoxe, mais l’utilise à son avantage en alternant le discours et les visages, selon les circonstances. Un discours « chariâ compilant » au cours des meetings populaires où le parti n’hésite pas à mettre en avant ses fondements islamistes, et un discours plus lisse à destination des médias, qui n’ont d’autres alternatives que de relayer ce message sur leurs antennes, donnant aux islamistes une image moderniste totalement contraire à leur idéologie fondamentaliste.
Mais ce ne sont pas là les seules ambitions qui rythment le combat politique en Tunisie. Le premier ministre du gouvernement transitoire s’appuie sur son âge avancé pour nous convaincre qu’il n’a d’autres ambitions que de servir le pays dans une phase critique de son histoire. J’ai le sentiment que cette ambition de servir va le conduire, à n’en pas douter, à la présidence de la République. Plus rapidement qu’on ne le pense, il sera appelé à remplacer Foued Mebazaâ, peut être dès le 24 Juillet. M. Caïd Essebsi rêve de ce poste comme une apothéose à sa carrière politique, et il n’est pas le seul à se croire un tel destin, Mustapha Kamel Nabli nourrit aussi une ambition certaine du pouvoir, et sort petit à petit du bois, croyant être légitimé par son passé ministériel, ses fonctions à la banque mondiale et son actuelle position à la BCT. Ces deux ambitions personnelles ne sont pas opposées, bien au contraire, elles se nourrissent l’une de l’autre, liés qu’ils sont par leur passé, leur histoire et leurs amitiés communes, au sein du clan de ceux qui, à un moment ou à un autre, ont été écartés par Ben Ali ou opposés à Leïla, et ils sont quelques uns, certains mêmes dauphins désignés à un moment, suivez mon regard. Ce clan a pour lui l’avantage d’être formé par d’hommes politiques confirmés tout en espérant qu’on parle bien de politique avec un « P » majuscule.

Ce clan, a eu raison des politiciens en herbe, ces experts débarqués au lendemain du 14 Janvier, à l’appel d’un premier ministre déboussolé, sous influence de conseillers parfaitement pris en main. Le récent départ de Yassine Brahim, éphémère ministre, par sens du devoir, sonne le glas, au moins provisoirement, de cette nouvelle race de politiciens qui s’est crue attendue et espérée, dans une Tunisie qui ne leur a rien pardonné de leurs erreurs de jeunesse, une Tunisie qui n’a manqué aucune occasion de dénoncer, à tort ou à raison, qui son opportunisme, qui son incompétence ou son absence de résultats. Ils sont tous arrivés par hasard, parfois par effraction, parenthèse dans une carrière éloignée du tumulte de la politique, certains resteront dans le paysage par ambition. Résultat des expériences passées, les Tunisiens nourrissent des exigences et une méfiance fortes à l’endroit des politiques.

L’ambition est-elle légitime ?

Jacques Chirac dit que l’accession à la magistrature suprême passe par « une volonté tenace, constante d’y parvenir », « l’intime conviction chevillée au corps du destin qui nous y conduit », de même que Mitterrand disait à ce même propos, « il faut désirer, aimer et enfin vouloir ». Pourtant l’image de Nicolas Sarkozy a constamment souffert de cette apparente ambition dévorante.
L’ambition en politique est légitime, elle est même nécessaire. Il s’agit seulement de faire la différence entre l’ambition personnelle et l’ambition qu’on peut porter pour son pays, et pour ses idées. L’ambition est le moteur en politique, de ceux qui permettent de consacrer tous ses efforts et son temps à se battre pour convaincre du bien-fondé de son action, et à ce titre il faut saluer le courage de ceux qui ont décidé d’entrer en politique, y compris au lendemain du 14 Janvier. Il faudra attendre, et les juger sur leurs discours et leurs actes. L’ambition est difficile à nourrir en politique, car elle met en jeu des sentiments contradictoires. Il faut avoir la prétention de se croire un destin, avoir un égo démesuré, tout en étant humble et constamment traversé par le doute. L’humilité et le doute sont les pendants qui servent à construire le parcours de l’homme politique, et lui permettent d’être à l’écoute, et de se remettre en question sans pour autant se départir de sa volonté d’aller de l’avant et de proposer un chemin.

La politique n’est pas un métier, c’est un sacerdoce, de ces engagements qui nécessitent du souffle, et une prise de risques de tous les instants, avec son lot de déceptions et de découragements, qu’il faut savoir dépasser pour avancer. A n’en pas douter, nombreux sont ceux qui abandonnerons le combat faute d’une vraie ambition au service des idées. Mais le cas du PDP et d’autres, doit nous faire réfléchir sur le rôle du leadership dans la marche d’un parti politique, d’autant que les Tunisiens me semblent aujourd’hui plus enclins à se rassembler autour des idées que des personnes. Nos politiques devront en tenir compte, et trouver le juste équilibre entre ces deux composantes essentielles que sont les hommes et les idées dans le fondement de l’engagement politique. Les hommes politiques n’existent pas sans les idées, mais les idées ne peuvent s’imposer et rassembler s’il n’y a pas un homme, une femme pour les incarner avec charisme. La communication jouera un rôle fondamental dans cette démarche, et qu’on le veuille ou non, dans la Tunisie d’aujourd’hui on ne vendra pas les idées comme on vend une marque. Les politiques et leurs communicants l’apprendront à leurs dépens.
L’ambition est le propre de l’homme d’idées, elle doit être forte certes, mais toujours digne et porteuse d’espoirs.

« Le véritable homme d’état est celui qui s’institue arbitre impartial entre ses ambitions et l’intérêt général » Van Dan Bosch Homme politique Néerlandais (1780-1844).

*Walid BEL HADJ AMOR est ingénieur diplômé des grandes écoles françaises, Associé-Directeur Général Adjoint de Comete Engineering. Il est expert dans le domaine des infrastructures de transport et de l’aménagement du territoire et spécialiste du marché africain.
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