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Une démocratie à sauver… du niqab
18/04/2011 |
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Une démocratie à sauver… du niqab
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Par Nizar BAHLOUL


Ils s’appellent Iyadh Ben Achour, Bochra Bel Hadj Hmida, Abdelhamid Larguech, Hmida Enneïfer, Ghazi Ghraïri et figurent parmi les leaders d’opinion du pays. On ne peut dire d’eux qu’ils sont RCDistes ou même sympathisants RCDistes.
On peut, en revanche, leur accorder un soupçon d’intégrité morale et de patriotisme désintéressé au vu de leur passé militant.
On peut également leur témoigner de cette hauteur d’esprit pour résister à l’opinion publique qui cherche à être apaisée en lançant cet appel compréhensible pour l’inéligibilité des responsables du RCD.
Le meilleur témoignage viendra cependant de Béji Caïd Essebsi autour de qui il y a un réel consensus dans le pays. Le Premier ministre a dit en une phrase, ce que nous écrivions la semaine dernière ici-même en quelques paragraphes : non à l’exclusion des membres du RCD.

Si ces leaders d’opinion mûs essentiellement (pour ne pas dire uniquement) par l’intérêt suprême de la Tunisie et non par des objectifs partisans, se sont accordés pour rejeter l’exclusion, c’est qu’ils savent parfaitement qu’aucune démocratie durable ne peut être construite sur une injustice aussi brève soit-elle.
Ils ont une idée sur ce qu’est l’Histoire des révolutions. La Tunisie n’étant ni la première, ni la dernière à en vivre une. Ils connaissent les revers des expériences vengeresses de l’Iran et de l’Irak (qui inspirent une certaine opinion publique tunisienne, y compris parmi la jeunesse branchée de Facebook) et les avantages des expériences sud-africaines, est-européennes et ouest-européennes.
Autant d’éléments qui déplaisent, bien entendu, à certains partis qui ont leurs propres petits calculs politiques pour gagner quelques sièges et quelques alliances.

Pour expliquer son raisonnement, Béji Caïd Essebsi indique que « cette décision risque de provoquer un déséquilibre du paysage politique et qu'elle ne serait d'aucun apport pour les partis nouvellement créés. Cette décision servira les intérêts d'un parti ou d'une catégorie déterminés. »
Quelle est la catégorie que l’exclusion des caciques du RCD servira ? Il n’a pas été explicite, mais d’aucuns savent qu’il s’agit des islamistes.
Pourquoi les Islamistes font peur ? Et a-t-on raison de continuer à avoir peur des RCDistes ?
Pour la deuxième question, il semble clair que le RCD est parti en vrilles. Si ses militants étaient forts, ils n’auraient pas accepté, sans réagir, la dissolution de leur parti et le lynchage médiatique et populaire. Ils sont deux millions, ils seraient sortis dans les rues et bloqué tout le pays.
Avec 500.000 adhérents, l’UGTT a bien réussi à se faire entendre et si l’UGTT a réussi, c’est parce que ses syndicalistes sont organisés et mûs par une idéologie inébranlable. Rien de cela au RCD. Ses membres se dérobent et nient même l’appartenance à ce parti. Ils ont essayé de se mobilier samedi dernier et ils n’étaient pas nombreux. C’est dire leurs convictions…
Les vrais militants destouriens, qui estiment n’avoir rien à se reprocher, ont choisi de fonder leurs propres organisations. Deux partis ont été créés et un troisième le sera dans quelques jours. En clair, le vote des anciens « RCDistes » va être dilué et ne donnera, en aucun cas, naissance à un parti fort comme avant.
Par contre, si ces RCDistes sont exclus, ils vont inévitablement renforcer le plus grand parti islamiste qui leur fait les yeux doux. Des alliances commencent d’ailleurs déjà à se nouer.
Dès lors, on imagine facilement le raz-de-marée islamiste dans les urnes une fois qu’ils ont séduit l’électorat des anciens RCD.

En quoi les Islamistes font peur ? Dès son retour en Tunisie, Rached Ghannouchi a démarré sa campagne de séduction. On a même vu sa photo dans des encarts publicitaires sur Facebook.
Le lobby islamiste dans les régions et sur internet fonctionne parfaitement et il recrute parmi les jeunes qui, hier, parlaient de foot et aujourd’hui de politique.
Ce lobby entreprend un travail de fond et n’essaie pas de rallier, pour l’instant, certains jeunes à sa cause.
Il est plus cynique, il lui suffit de voir ces jeunes batailler contre le RCD, épingler les anciens du régime, critiquer les laïcs et décrédibiliser les observateurs indépendants, cela suffit à ses objectifs du moment.
Sur les plateaux télé et dans les journaux, les chefs islamistes se défendent de tout projet de révision du Code du statut personnel ou de toucher aux acquis de nos femmes. Balivernes ! On sait parfaitement que les promesses des politiques n’engagent que ceux qui les écoutent.

Car sur le terrain, les militants et sympathisants islamistes n’ont pas la patience de leurs chefs. Ils sont pressés, ils veulent tout maintenant.
Ils ont envahi l’avenue Habib Bourguiba transformant son pavé en tapis de prière. Aujourd’hui, la police les a éjectés. Mais demain, qu’en sera-t-il quand le chef de la police sera barbu ?
Aujourd'hui, le cinéaste Nouri Bouzid a été physiquement agressé. Que fera-t-on lorsqu'on tuera les intellectuels, les artistes, les féministes, les journalistes, les soldats et les policiers, à l'instar de ce qui s'est passé lors de la noire décennie algérienne ?
Aujourd’hui, une enseignante se présente à ses étudiants en niqab. On a eu le courage de l’épingler et de la montrer du doigt. Mais demain ?
Des étudiantes voilées, constatant la peur qu’elles véhiculent à leur entourage, n’hésitent par menacer du regard leurs professeurs lorsque ces derniers les empêchent de tricher dans les examens. Aujourd’hui, on peut s’opposer à ce genre de pratiques, mais demain ?
Que fera-t-on sérieusement quand on sait que des professeures "niqabisées", payées par nos impôts, sont en train de véhiculer des interprétations archaïques de l’islam à nos enfants ?
Que fera-t-on demain lorsqu’un barbu vient agresser verbalement ou physiquement nos femmes en jupe dans la rue ou sur les plages ?
Que dira-t-on demain lorsque les clients de nos hôtels seront essentiellement des Saoudiens et des Iraniens ?

Les Tunisiens veulent un islam moderne, tolérant, respectant les libertés individuelles. Une Tunisie ouverte sur son environnement naturel direct : le monde arabe et l’Europe.
En aucun cas, cette Tunisie, trois fois millénaire, ne veut d’un islam rigoriste, salafiste, wahhabite, à l’iranienne ou à la saoudienne tel que nous le préparent certains de nos Islamistes.
Les Tunisiens ne veulent pas des RCDistes, car on les considère comme des ennemis de la démocratie. Soit.
Mais les Islamistes sont pires, car ils sont à la fois ennemis de la démocratie (cette invention occidentale), et ennemis de la liberté car il ne saurait y avoir de liberté en contradiction avec la loi divine.

Ces Islamistes sont des Tunisiens, comme nous, il ne saurait y avoir une raison de les exclure du paysage politique et social du pays. C’est évident. Ils ont droit, comme tout le monde, à exprimer leurs idées, aussi rigoristes soient-elles. Mais à une condition : le respect des valeurs républicaines qu’on doit graver sur le marbre de la Constitution.
Et en aucun cas, ils ne doivent être majoritaires dans la rédaction de cette Constitution !
18/04/2011 |
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