Chroniques
Anarchies spectaculaires
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Par Nizar BAHLOUL
Terribles les images nous parvenant du Japon. Quand elle s’y met, dame nature sait être plus ravageuse que Ben Laden, Gueddafi et Seriati réunis. Paix à l’âme des disparus.
Des images apocalyptiques et spectaculaires, il y en a à la pelle. De ces images spectaculaires, j’en retiens une. Un supermarché où l’on voit les marchandises éparpillées par terre. Et où l’on voit une longue file d’attente de citoyens faisant la queue pour payer leurs emplettes.
Cela fait deux mois, jour pour jour, que la Tunisie a fait sa révolution. En ce 14 janvier, nous en avons gardé d’images spectaculaires. Et, de toutes ces images spectaculaires, j’en retiendrai celles où l’on voit des Tunisiens dévaliser (avant d’incendier) des supermarchés et des échoppes.
Depuis, on n’a pas arrêté avec les images spectaculaires.
Après les actes de vandalisme des 14-15 et 16 janvier, il y a eu les « Dégage » lancés aux ministres et aux PDG.
Il y a eu les chasses aux sorcières dans différents corps de métier et les grèves pour demander tout et n’importe quoi.
Il y a eu ces actes de violence et de vandalisme, dans plusieurs régions du pays et il y a eu ce manque de respect total des lois avec les constructions anarchiques et les étals en pleine avenue Bourguiba.
Il y a eu ces condamnations publiques hâtives des personnes de la part de citoyens-avocats-journalistes qui se sont pris pour de véritables magistrats.
Le peuple tunisien a montré qu’il est grand et plus grand que Bourguiba, a dit Jean Daniel.
Certains Tunisiens, hélas, ont démontré qu’ils sont très petits et plus petits que Ben Ali.
Le peuple tunisien, avec ses petits et ses grands, s’apprête à aller voter dans quatre mois.
Le paysage politique commence à se dessiner. On en est encore au brouillon, mais les meilleures œuvres commencent toujours par un brouillon.
Hier, le Tunisien devait faire son choix parmi les candidats du parti unique et des partis de façade.
Aujourd’hui, il va faire son choix parmi les candidats de 35 partis qui se multiplieront certainement par on ne sait combien d’ici le 24 juillet, date théorique des élections.
Et parmi les candidats, il y a ceux qui ont déjà commencé leur spectacle.
Ainsi, le cas des membres du parti Attahrir qui veut abolir la Constitution, instaurer le califat et promulguer la Chariâa.
Peut-on leur en vouloir de penser que nous sommes encore au Moyen-âge ?
Ils se sont vus interdire leur visa, mais ils ne vont certainement pas lâcher le morceau de sitôt et pourront même utiliser des méthodes moyenâgeuses pour arriver à leurs fins.
Comment convaincre ces gens que nous avons changés d’époque ? Que la Tunisie appartient aussi bien à ceux qui veulent vivre au Moyen-âge qu’à ceux qui veulent vivre au XXIème siècle ?
Le dialogue ? Il risque d’être un dialogue de sourds. Le débat ? On ne parle pas le même langage. La démocratie ? Ils vont l’accaparer pour la tuer.
Pour le moment, aucune réponse n’est possible, la Tunisie ressemble à un laboratoire et les Tunisiens sont devenus des cobayes face à cette première du monde arabe où un peuple a fait sa révolution pour obtenir la démocratie et la liberté, alors que plusieurs, parmi ses sujets, ne sont encore prêts ni pour l’une ni pour l’autre. Les uns veulent mettre la démocratie sous la coupe de la loi religieuse (car il ne saurait y avoir de loi humaine supérieure à la loi divine) et les autres assimilent la liberté à l’anarchie.
Et, justement, parce que nous sommes devenus des cobayes que le monde nous regarde de près. De très près. Le monde veut que la Tunisie (et l’Egypte) réussisse sa révolution pour que d’autres puissent réussir la leur ensuite.
La France nous envoie un ministre par semaine. Les politiques américains, de droite et de gauche, se bousculent. Même les Australiens s’intéressent à cette petite Tunisie et à ce grand peuple.
Alors, de grâce, ne sabotons pas nous-mêmes cette révolution. Ne décevons pas nos partenaires, frères et amis.
Construisons ensemble cette Tunisie en se respectant les uns les autres et que chacun arrête de croire qu’il est un juge, un être supérieur ou un émissaire de Dieu.
La Tunisie est pour tous les Tunisiens, qu’ils soient musulmans ou athées, prolétaires ou capitalistes, pauvres ou riches, diplômés ou analphabètes, incultes ou instruits.
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