Chroniques
Confessions…
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Par Nizar BAHLOUL
Les commentaires critiques, souvent virulents, de plusieurs de nos lecteurs suite à la chronique de la semaine écoulée et de la news relative à la manipulation médiatique de la chaîne Al Jazeera exigent de donner un éclairage sur la ligne éditoriale de Business News.
Quels sont nos rapports avec le pouvoir ? Quelles sont nos relations avec nos annonceurs, nos uniques financeurs ? Quelle est notre approche des événements qui pourraient secouer l’opinion publique ?…
Au début, il y avait l’affaire de Sidi Bouzid, suivie juste après par celle de Menzel Bouzayène.
Avons-nous fait notre devoir à l’égard de nos lecteurs en envoyant un journaliste enquêter sur place? Non ! A l’instar de l’écrasante majorité de nos confrères. Mais nos lecteurs sont en droit, comme nous essayons de les habituer depuis notre naissance il y a trois ans, d’exiger un meilleur rendement de Business News.
A la place d’un reportage vivant, nous nous sommes tenus à la reprise des dépêches de la TAP évoquant ce sujet sensible, une opinion de Zyed Krichen, une chronique de moi-même et une news de Noureddine Hlaoui déplorant le parti-pris d’Al Jazeera. De quoi déclencher une colère et une « déception » chez nos fidèles lecteurs et la moquerie des autres. Et des points d’interrogation chez nous. Où avons-nous failli et pourquoi ?
A la suite de ces événements, j’ai pris le volant la semaine dernière et j’ai parcouru (de nouveau) la Tunisie du Nord au Sud et d’Ouest en Est. Près de 1.500 kilomètres en tout. J’ai visité des coins reculés, des villages à des centaines de kilomètres de la capitale, certains que je connaissais déjà et d’autres que je ne connaissais pas, parmi lesquels Menzel Bouzayène. Sur le chemin, j’ai même trouvé une bourgade portant le nom de Bahloula découvrant, du coup, que mon Saint arrière grand-père enterré dans sa zaouia de Bab Lakouès (à Tunis), a des ramifications partout.
Je n’avais jamais visité Menzel Bouzayène et j’aurais aimé ne pas la découvrir dans cet état. C’est un tout petit village situé à quelques dizaines de kilomètres de Gafsa sur la route menant de cette ville vers Sfax. L’avenue principale de ce village mesure à peine quelques centaines de mètres. La route garde les traces d’incendies. Une boutique Tunisiana a été saccagée.
« Une révolte », diront les journalistes d’Al Jazeera. J’aurais dis du « vandalisme », mais je ne vais pas rater cette occasion de me taire, comme me l’ont suggéré quelques « délicats » lecteurs.
Je ne vais même pas me remémorer ces chiffres (officiels) qui disent que 80% des familles tunisiennes sont propriétaires de leur habitat et qu’en Tunisie circulent plus d’un million de véhicules sur une population de 10 millions de citoyens. Ni le PIB, ni le taux de croissance ni rien de tout cela.
C’est là une partie de notre erreur : nous sommes aveuglés par les chiffres macro-économiques pondus régulièrement par des instances internationales prestigieuses. Aveuglés également par le développement de Tunis et les grandes richesses visibles à l’œil nu. Aveuglés au point d’oublier les cas individuels ici et ailleurs. Mais il n’y a pas que de l’omission.
Les lecteurs de Business News nous invitent à faire notre travail. Soit. C’est leur droit absolu. Mais entendons-nous d’abord. On parle bien de politique ? N’est-ce pas un des trois sujets tabous du pays, avec le sexe et la religion ?
Ces mêmes lecteurs savent pertinemment qu’on ne peut pas tout dire. La preuve, eux-mêmes évitent de commenter en usant de leur propre nom (dès lors qu’ils ne sont pas résidents à l’étranger) et les mêmes évitent de parler politique en public.
Face à un problème pareil, nous aurions dû envoyer des journalistes sur place ? Soit. Nous ne l’avons pas fait. Mais nos lecteurs ne sont pas sans ignorer le blocage médiatique qui prime dans le pays ! D’ailleurs, le syndicat national des journalistes a officiellement dénoncé ce blocage au début des événements de Sidi Bouzid, ce qui a laissé le champ ouvert aux Jazeera and co.
Aucun ministre, aucun haut responsable n’a daigné organiser une conférence de presse pour expliquer les choses, comme cela se fait ailleurs.
On me demande de ne plus nous comparer aux Européens, puisque nous avons nos propres « spécificités ». Soit. Mais soyons alors cohérents et ne comparons pas, non plus, nos médias à ceux de l’Europe. Ou encore notre droit aux manifestations.
Nous avons nos « spécificités » et notre « culture ». Un média n’est qu’un élément de la chaîne. Mais un média ne peut rien faire tout seul tant qu’il n’y a pas de volonté générale de fournir l’information et de s’ouvrir aux journalistes et aux débats publics. Cela implique les gouvernants, mais aussi et surtout les partis, les associations, les entreprises et les individus, la société civile, quoi !
Quand elle peut obtenir et vérifier une information, Business News n’hésite jamais à la fournir. L’article sur le piteux classement de l’enseignement en Tunisie ne date que de quelques semaines.
L’article exclusif et inédit relevant les gros salaires des banquiers et autres hommes d’affaires est encore dans les mémoires. Cela nous a coûté quelques annulations de commandes publicitaires des banques, mais un gros crédit auprès de notre lectorat.
Quand on a dénoncé le mutisme des instances de régulation chargées de donner la véritable santé d’un secteur (tels la Cour des Comptes, le Conseil du marché financier ou l’Instance des Télécommunications), on n’a récolté que le mépris de ces instances, mais un grand crédit auprès de notre lectorat.
Quand on parle d’une entreprise ou d’une affaire de tel businessman, cela déplait souvent à l’intéressé (contrairement aux apparences) qui aurait aimé travailler en catimini. Un des gros annonceurs publicitaires n’a pas hésité à annuler quatre campagnes, question de nous « punir » d’avoir publié des informations vérifiées sur son entreprise. Un de nos confrères a été poursuivi en justice, au moins trois fois pour des informations vérifiées (et publiques !) sur des entreprises tunisiennes.
Le courage d’informer ou de « dénoncer » ne veut pas dire écrire n’importe quoi et n’importe quand. Quand il y a un trouble dans une bourgade ou dans une région, on ne peut pas conclure à une émeute dans un pays qui vit, en même temps, ses fêtes de fin d’année et ne rate jamais ses matches de foot. Quitte à aller à l’encontre des attentes de nos lecteurs qui - nous comptons sur leur intelligence - connaissent nos moyens et nos limites. Bon à rappeler, nos revenus proviennent exclusivement de la publicité.
Nous ne sommes pas plus patriotes que nos lecteurs et ils ne le sont pas plus que nous. Nulle personne, dans ce pays, ne peut prétendre qu’il est plus patriote qu’un autre. Nous aimons tous cette Tunisie et nous essayons, tous, de la hisser au meilleur niveau. Partant, chacun avec ses moyens, ses connaissances et sa culture, essaie de contribuer au développement de ce pays. Chacun essaie de le défendre, avec ses moyens du bord, contre les attaques extérieures et les informations tendancieuses.
Au risque de me répéter, chaque pays a ses problèmes et nous en avons notre lot.
Et parmi nos problèmes, cette « liberté d’expression ». On ne s’en cache pas. On en souffre au quotidien ; tout comme nos lecteurs, d’ailleurs. On ne compte pas sur leur clémence, mais sur leur compréhension du fonctionnement de tout le système d’information dans notre pays…
Preuve que nous croyons fortement à cette liberté d’expression, nous avons publié tous les commentaires virulents de nos lecteurs à l’exception de ceux insultants ou diffamatoires.
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