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Chroniques
Ennasr, la cité interdite
16/06/2008 | 1
min
Ennasr, la cité interdite
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Par Nizar BAHLOUL

C’est une cité au nord de Tunis. Une cité champignon comme on en voit un peu trop ces dernières années en Tunisie. Sa particularité est qu’elle est faite pour les riches. Au vu du prix du mètre carré qui s’y pratique, cette cité ne fait pas dans le social.
Elle s’appelle Ennasr (victoire) et elle a commencé par avoir raison des bourses faibles et moyennes.
Au fil des années, elle a fini par avoir raison du civisme et de la loi.
Dans cette cité, il n’y a pas de construction anarchique. Les rues sont bien faites et les buildings sont correctement dessinés. Il n’y a point de prouesse architecturale, loin de là, mais les architectes ont fait de sérieux efforts pour que la Cité Ennasr n’ait pas d’âme et qu’elle ressemble à toute autre cité champignon d’une quelconque contrée.
Ses habitants et ses commerçants, ne l’entendant pas de cette oreille, ils ont alors décidé de donner un cachet tunisien à cette cité sans âme. Il fallait tunisifier le produit pour qu’on devine au premier coup d’œil que la Cité Ennasr est bel et bien une cité tunisienne.

Une cité tunisienne digne de ce nom se reconnait à ses cafés. On a donc construit des cafés. Beaucoup de cafés qu’on a appelés salons de thé.
Ces salons de thé ont décidé de pratiquer la vente conditionnée et les prix élevés. Face à un contrôle débordé ou ne sévissant pas assez (les amendes étant moins élevées que le surplus facturé aux clients), les cafetiers se sont trouvés encouragés à pousser encore plus le bouchon.
Ils ont alors investi les terrasses qui servaient de trottoirs. Trottoirs grignotés déjà par les places de parking. Les cafetiers n’ont pas squatté le trottoir avec des chaises et des tables, mais en aménageant des palissades en métal, en bois, en verre…

Les urbanistes d’Ennasr avaient imaginé des allées piétonnes sous les arcades des builndigs. Sur plan, c’était joli. Mais les cafetiers de la cité n’ont pas trouvé ces allées à leur goût et ont également décidé de les investir. Rebelote avec les mêmes palissades en structures légères.
Du coup, avec ces palissades un peu partout, il est devenu impossible pour tout piéton de marcher normalement. On l’oblige à emprunter la chaussée. Chaussée elle-même envahie par des chauffards testant au quotidien leurs prouesses au volant et prenant la 4-5 cv de papa-maman pour une Porsche ou une Ferrari sur circuit.

Allez, dans ces conditions, apprendre à votre enfant à marcher correctement sur le trottoir. Allez lui apprendre à traverser la chaussée sur passage clouté. Il n’y en a d’ailleurs aucun dans toute la cité. S’il ne tient pas la main d’un adulte, aucun enfant ne peut se permettre de faire la moindre gambette sans courir de gros risques.
Aucun bébé en poussette, aucune personne en chaise roulante, aucune personne âgée, aucun non-voyant ne peut se permettre de profiter de quelques instants de répit.

La cité manque déjà d’espaces verts, d’espaces culturels, de terrains de jeu et d’espaces de loisirs. A l’origine, ce n’était pas beau et il ne faisait pas vraiment bon y vivre. Avec ces invasions par les cafés et restos de parcelles de terrains et cette violation quotidienne de la réglementation et de la loi, ce qui n’était pas beau devient moche et ce qui était moche devient atroce.
La conséquence est facile à deviner : la dévalorisation et la décote de la cité. Toute âme bien pensante (il en existe encore, je suppose) cherchera à quitter les lieux pour des endroits où il fait mieux vivre au quotidien. Où l’on peut pratiquer ses loisirs, où l’on peut respirer, où l’on peut se reposer et où l’on peut marcher sur un trottoir.

Avec le non-respect du plan d’aménagement et urbanistique initial, avec le mépris de la réglementation en vigueur, les commerçants se tirent une balle dans le pied et font du calcul à très court terme. Une cité décotée est une perte pour tout le monde.
A remarquer que la Cité Ennasr est loin d’être la seule dans le pays à voir ses trottoirs envahis et les lois bafouées. Ce qui est tout à fait normal, puisqu’il fallait tunisifier ces cités et pour qu’elles soient bien tunisifiées, les plans d’aménagement se doivent d’aller aux poubelles. Si poubelles il y a !
16/06/2008 | 1
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