La situation entre la Fédération Tunisienne des Agences de Voyages (FTAV) et la compagnie nationale Tunisair vis-à-vis de l’application du nouveau modèle économique (NME), est de plus en plus compliquée et floue.
Afif Kchouk, commissaire général du Marché Méditerranéen International du Tourisme (M.I.T 2008), a opté pour ce sujet de brûlante actualité pour organiser une conférence de presse qui s’est tenue le vendredi 9 mai au CIFCO la Charguia. Ont été invités à cette rencontre la FTAV et les différentes compagnies aériennes opérant en Tunisie. Tunisair, bien qu’invitée, a joué aux abonnés absents et n’a donc pas répondu aux multiples interrogations du public présent. Outre les représentants des compagnies et de Ridha Baccar, vice-président de la FTAV, il y avait aussi des agences de voyages et des journalistes. Le débat a été houleux.

Selon le directeur d’Air Europa en Tunisie, la compagnie nationale serait en train d’appliquer les frais de service au niveau de ses points de vente en Europe, alors qu’en Tunisie, le ministère de tutelle et la compagnie nationale qui n’arrivent toujours pas à accorder leurs violons bloquent la situation. Ils consacrent aussi les rumeurs et ne présentent aucune proposition d’alternative concrète.
Ridha Baccar est revenu d’emblée sur le feuilleton du NME, rappelant la série de reports depuis le 1er juillet, date internationale d’entrée en vigueur de ce nouveau régime de rémunération des agences de voyages. « Malheureusement, jusqu’à ce jour, il n’y a aucune nouvelle », a regretté le vice président de la FTAV, ajoutant que depuis un mois et demi, la fédération a été convoquée par le Conseil de la Concurrence qui lui reprochait l’entente avec les compagnies aériennes. Il s’avère en effet interdit d’adopter une seule grille de frais de services aussi bien du côté des transporteurs que du côté de la FTAV. Par conséquent, chaque agence de voyage est appelée à confectionner sa propre grille en se référant bien évidemment aux grilles des compagnies.
Récemment, la FTAV a sollicité l’intervention du ministre du Tourisme auprès de son homologue du Transport pour tenter de débloquer la situation. En vain et toutes les tentatives semblent avoir été vaines !

Pour sa part, le représentant de Lufthansa qui s’est aligné sur le NME depuis le 1er mai, a expliqué que d’une part, cette décision émanait du siège de la compagnie. D’une autre part, les contacts de Lufthansa avec des agences de voyages n’ont pas été dissuasifs. Et d’expliquer au sujet de l’affaire de la FTAV avec le Conseil de la Concurrence, que Lufthansa a été alertée par des agences de voyages quant au cumul des frais de services et de la commission 7% qui devait être générée par l’application du NME par la FTAV à partir du 1er avril. A ce titre, le représentant de la compagnie allemande n’a pas manifesté d’objection. D’ailleurs, l’argent du commissionnement qui ne sera plus valable avec le NME sera réinvesti par Lufthansa dans un système d’encouragement des agences de voyages. Les représentants de la compagnie allemande en Tunisie démontrent, donc, qu’il s’agit d’appliquer le NME tout en préservant les intérêts de leurs clients, qu’ils soient passagers ou agences et qu’elle ne compte nullement en mettre dans sa poche.
Alitalia a décidé aussi d’appliquer le nouveau régime de rémunération des agences de voyages à partir du 1er juin. Pourquoi cette décision aujourd’hui ? Le représentant de la compagnie italienne en Tunisie a répondu qu’initialement, cette décision avait été prise avec Tunisair. Mais comme cette dernière s’est rétractée à plusieurs reprises, le transporteur italien a choisi d’aller de l’avant. Pour ce faire, une grande campagne d’information et de sensibilisation a été menée en Italie afin de préparer le terrain.
« Oui c’est vrai que la communication est très importante. Et je pense qu’il faudrait aller aussi vers le public », a renchéri le représentant de Lufthansa.
Ridha Baccar a commenté cette question de communication. « Nous avons engagé un grand travail là-dessus, avec les médias et les agences de voyages. Mais nous avons arrêté il y a quelque temps, parce que Tunisair n’est pas de la partie », a souligné le vice-président de la FTAV.

Air France, dont l’application du NME à partir du 1er juillet 2007 n’a pas plu à tout le monde et provoqué certaines critiques, a assuré qu’elle va continuer à travailler avec ce modèle et que les changements porteront uniquement sur la grille des frais. « On n’a pas eu de problème avec la clientèle affaires qui a accueilli le NME sans soucis. On a eu en revanche des difficultés avec la clientèle loisirs qui s’est rabattue sur Tunisair », a expliqué le représentant de la compagnie française qui déclare avoir atteint les résultats souhaités. Air France ne précise pas, pour autant, si elle a fait bénéficier ses passagers du NME. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que sa clientèle loisirs l’a délaissée au profit de la compagnie nationale. Quand aux hommes d’affaires, et au vu du grand dynamisme de Lufthansa et de certaines compagnies arabes, dont nous témoignons, il n’est pas impossible de les voir également changer de cap.

Le représentant d’Air Europa a mis le doigt sur un autre problème qui concerne sa compagnie. Elle est partenaire d’Air France d’un côté dans le cadre du Sky Team et de Tunisair d’un autre côté. Ce qui complique davantage sa situation. En effet, et comme toutes les autres compagnies, Air Europa a assisté aux différents épisodes de ce feuilleton et ne voit pas le bout du tunnel. Et de dénoncer à ce juste titre le bradage des prix de la part de Tunisair. « Où est-ce qu’on va aller ? », se demande le représentant d’Air Europa.
De son côté, Qatar Airways n’a pas précisé la date d’application du NME. Mais cette mesure ne tardera pas et sera concrétisée dans les mois qui viennent. Le représentant du transporteur qatari était récemment en Egypte et a discuté cette question avec les responsables de la compagnie qui ont demandé d’activer les choses et de prendre une décision ferme. A cet effet, Qatar Airways est sur le point de s’aligner également sur le NME.
Et Emirates de faire de même aussi. Pour les deux compagnies du Golfe, ce n’est pas une question de décision mais de temps. Pour Emirates, la décision d’adopter le NME a été prise et validée. Toujours est-il que la date d’application de la décision n’a toujours pas été prise.

Concernant la carte du pouvoir d’achat brandie par les autorités de tutelle de Tunisair, Ridha Baccar, a affirmé que la grille des frais avait été déterminée et étudiée six mois durant par la FTAV et la compagnie nationale. « Qu’on ne vienne pas maintenant nous parler de choquer le consommateur ! », a conclu le vice président de la FTAV.
Afif Kchouk, le commissaire général du M.I.T, a souligné que cette situation n’était qu’une tempête dans un verre d’eau. Car le consommateur dont on parle ne représente qu’une minorité. En effet, les chiffres présentés par Afif Kchouk révèlent que le nombre de Tunisiens qui partent en voyage est de 1,6 million de personnes, dont 25% seulement prennent l’avion, c’est-à-dire 4% des Tunisiens seulement sont concernés par ce problème ! Le message destiné au ministère du Transport est on ne peut plus clair !