
Par Sadok Rouai*
Le projet de loi visant à amender les statuts de la Banque centrale de Tunisie (BCT) suscite un débat crucial. Il est à espérer que les auteurs du projet prêteront attention aux remarques et suggestions exprimées par diverses voix. Selon les initiateurs de ce projet et plusieurs observateurs, la BCT est indépendante de l'État, se tenant à l'écart de la politique gouvernementale. Ils considèrent que le texte actuel contribue à l'aggravation de l’endettement interne et externe de la Tunisie. Dans l'exposé des motifs (page 2), les auteurs du projet estiment que « le renversement de la tendance à la hausse de la dette et l’élimination complète du risque de faillite du pays » ne serait possible qu’à travers un amendement
Il est intéressant de constater que la question de l’indépendance de la BCT n'est véritablement soulevée qu'en période de crise. Malgré ses 66 ans d'existence, ce débat n'a pris de l'ampleur qu'à partir de 2020, notamment pour contester la politique monétaire restrictive de la BCT. Cette politique, en phase avec celle d’autres banques centrales, vise à maîtriser les pressions inflationnistes induites par la pandémie et les particularités de l’économie tunisienne. Par la suite, l’indépendance de la BCT est devenue un argument pour justifier la nécessité pour la BCT de financer le Trésor, face à l'impossibilité pour ce dernier d'accéder aux marchés financiers internationaux et à d’autres sources de financement extérieur.
Comme dans tout débat, certains intervenants s'appuient sur des idées préconçues, tandis que d'autres fondent leurs analyses sur des faits souvent éloignés de la réalité. Il est donc essentiel de revisiter certains mythes entourant ce sujet et de fournir les clarifications nécessaires.
Il convient de souligner que le débat actuel repose sur les textes organiques de la BCT, à savoir la loi n°2016-35 du 25 avril 2016. Dans un article précédent[1], j’avais démontré que l’approche purement juridique ne permet pas de saisir certaines pratiques qui ne peuvent être exposées que par une analyse fonctionnelle de facto. J'y montrais que, bien que la BCT jouisse officiellement d’une indépendance, elle demeure vulnérable aux pressions politiques, la conduisant parfois à réaliser des opérations favorisant le gouvernement, non seulement au détriment de son indépendance, mais également à l’encontre des lois mises en place par le législateur.
À titre d'exemple, dès sa création, la BCT a fonctionné dans le cadre d'un soutien limité au Trésor, tel que défini par l’article 50 de la loi n°58-90 du 19 septembre 1958.
« En vue de permettre le fonctionnement régulier de la Trésorerie de l'État et l'exécution normale des dépenses publiques, la Banque Centrale peut, dans la limite d'un montant maximum égal à 5 % des recettes ordinaires de l'État constatées au cours de l'année budgétaire écoulée, consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours, consécutifs ou non, au cours d'une année de calendrier. »
Malgré ces restrictions, le ministère des Finances a demandé à la BCT, dans les années 1980, de réaliser plusieurs opérations pour le compte du Trésor, visant à fournir des financements dissimulés en dehors du cadre budgétaire approuvé par le Parlement. Ces transactions représentaient ainsi 5,8 % du PIB en 1983 :
- Entre 1982 et 1987, la BCT a alloué 174,5 millions de dinars, à la demande de l’État, pour investir dans le capital de nouvelles banques de développement telles que la STUSID, la BTKD, la BTQI, la BTEI et la BTLD. Elle a également investi dans des institutions existantes comme la BDET, la COFITOUR, la COTUNACE, la Compagnie Sfax Gafsa et l’Union Tunisienne de Banques à Paris. Le ministre des Finances a même demandé à la BCT de prendre une participation dans une banque étrangère privée, la Best Bank.
- De plus, des cadres supérieurs de la BCT ont été nommés membres des conseils d'administration de ces banques et entreprises publiques, une pratique contraire aux standards internationaux et à l’éthique professionnelle. Cette situation les a impliqués directement dans la gestion de banques qu’ils étaient pourtant censés superviser, et d’entreprises publiques jugées « non bancables » pour l’octroi de crédits additionnels.
- En 1983, le ministère des Finances a sollicité une avance de 100 millions de dinars auprès de la BCT. Pour satisfaire cette demande, le gouverneur a procédé en août 1983 à une réévaluation des avoirs en devises, en modifiant les taux de conversion en dinars des réserves de change libellées en devises étrangères. Cette opération a fait doubler les avoirs en devises, passant de 121 millions de dinars en juillet à 267 millions en août. Le gain de réévaluation, soit 147 millions de dinars, a été transféré au Trésor.
- En 1986, le Premier ministre Mzali a demandé une seconde avance de 100 millions de dinars. Le gouverneur, en expliquant qu'une réévaluation n'était pas une opération courante, a tenté de s'opposer à cette demande, mais a finalement été remplacé par Mzali.
- Les ingérences politiques dans la gestion de la BCT ont également affecté sa gouvernance, en provoquant des changements fréquents de gouverneurs. Depuis sa création en 1958 jusqu’aux années 1980, la BCT avait connu une stabilité remarquable avec seulement trois gouverneurs en 22 ans, tous ayant mené leurs mandats à terme. Cependant, depuis les années 1980, 7 des 11 gouverneurs nommés ont été démis de leurs fonctions avant la fin de leur premier mandat, souvent pour des raisons strictement politiques.
Maintenant les auteurs du projet d’amendement ont réintroduit, dans l’article 25 modifié, les restrictions initialement imposées en 1958 :
« La banque centrale peut accorder au Trésor public des facilités sous forme d'avances ou de prêts, à condition que leur montant total ne dépasse pas 5% des recettes de l'année écoulée et que leur durée de remboursement ne dépasse pas 240 jours. Un taux d'intérêt annuel de 1% leur est appliqué. »
Cependant, comme évoqué précédemment, rien n’empêche un gouvernement de contourner ces restrictions et de solliciter des financements indirects auprès de la BCT.
[1] L'indépendance de la Banque centrale de Tunisie – un faux débat
1. Le dernier prix Nobel a été attribue a des économistes qui ont montre le role important ses institutions dans le développement d'un pays. La BCT est une institution et les pressions qu'elle subit n'est pas un hasard. Regardez l'etat des autres instituions.
2. Les banques centrales sont des prêteurs de dernier ressort pour les banques (refinancement) et pour l'Etat a titre exceptionnel (Covid).
3. Les exemples de dérapages cités pour 1980 n'avaient rien d'une impasse budgétaire. Elles avaient été régularisées en 1992 par une loi d'assainissement. Leur impact demeure a fe jour. Hier l'ARP a approuve une soutien financier se 50 MD a la TSB qui est l'ex STUDID citée dans l'article.
4. L'édifice de l'argumentation de tous ceux qui appellent a l'amendement des statuts de la BCT repose sur une grande erreur a savor 2016 et le FMI. Details dans un prochain article
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de ce fait, l'indépendance de notre BCT est / était une bonne blague:)
--> - Si on définit des règles et des lois, il faut les respecter. --> ça me fait penser à notre loi électorale...
@Consultant, je vous cite "[l'obligation de financements] d'impasses budgétaires [de l'Etat tunisien] sur des périodes généralement plus courtes qu'une année [n'est pas en contradiction avec l'indépendance de notre BCT]" --> voilà ce que j'appelle une déformation élastique des lois et des règles...
- Le problème n'est pas celui que notre BCT est indépendante ou non. Pour moi, le seul problème est l'hypocrisie de la définir comme indépendante et nous dire après de différencier entre "financement d'une Impasse budgétaire et financement d'un déficit budgétaire. "
Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger
C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique / -économique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.
b) un fait: La dépénalisation récente par notre gouvernement de la détention d'une somme supérieure à cinq mille dinars en liquide d'origine inconnue. --> c.à.d que la contrebande pourrait convertir sans soucis des millions de dinars acquis illégalement en une source légitime:)
c) un fait: Alors que la Présidence de la République nous parle de la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent
d) un fait: récemment un Tunisien a été arrêté pour blanchiment d'argent ( --> en contradiction avec la dépénalisation du point b.)
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Fazit: Franchement, je ne sais pas quoi dire face à cette Charabia.
Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger
C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique / -économique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.
Le premier est une insuffisance momentanée des recettes de l Etat par rapport à ses dépenses qui sont plus régulières que ses recettes . Il porte sur des périodes généralement plus courtes qu une année. Ce sont les multiples exemples des années 1980 évoqués par l auteur.
Le déficit budgétaire est l insuffisance définitive des recettes de l Etat par rapport à ses dépenses pour un exercice donne
C est une problématique fort différente qui nécessite des mécanismes de financement fort différents.
Enfin, je rappelle que l indépendance de la BCT n est inscrite ni dans le Coran ni dans la Bible et qu elle a été introduite par le législateur de 2016. Si on part du principe que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, un autre législateur peut changer cette loi puisque ses résultats se sont avérés catastrophiques pour le pays. En effet, par sa politique monétaire restrictive basée sur des augmentations continues du taux directeur qui est actuellement de 8%, la BCT a contribué à bloquer les investissements et la récession économique et à aggraver le chômage.
C est une évidence que tout un chacun peut vérifier par les chiffres officiels
Pour les détails de mon analyse, voir mon article publié sur ce sujet dans Kapitalis
Les taux élevés , le dinar surévalué tuent la compétitivité, la croissance et l'emploi.
Pour atténuer le choc l'état se ruine en emploi publics et en dépenses sociales.
Et son endettement aggrave les choses un peu plus.
Il faut sortir de cercle vicieu.
A priori pour vous le zimbabwe des annees 2000 , l argentine de la meme periode, venezuela , urss, la turquie sont des reussites , faites vous plaisir.
le seul moyen c est de virer 500 000 fonctionnaire ou leur non remplacement mais KS prefere partager la misere avec les 10 millions de tunisiens
Le second est le financement du déficit budgétaire qui est l insuffisance definive des recettes annuelles d un exercice par rapport à ses dépenses definives.
C est une problématique fort deffirente qui nécessite des mécanismes de fonctionnement fort différents
Enfin je rappelle que l indépendance de la BCT n est inscrite ni dans le Coran ni dans la Bible et que le législateur qui l a introduite dans la loi de 2016 peut aussi bien la supprimer par un amendement de cette loi à partir du moment où la politique monétaire restrictive basée sur l augmentation continue du taux directeur appliquee par la BCT depuis son indépendance a complètement échoué à maîtriser l inflation qui demeure élevée maïs a contribué à asphyxier les investissements et aggravér la récession économique et le chômage.
C est une triste réalité que que tout un chacun peut vérifier par les chiffres officiels.
Si on part du principe que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, l interret supérieur du pays implique de changer cette loi de 2016 qui a donné lieu à des résultats catastrophiques
Pour le détails de mon analyse voir mon article publié sur ce sujet dans Kapitalis