
Sofiene Ben Hamida
À la longue, ce dossier de complot contre l’État et surtout la manière de le gérer par les autorités publiques tourne au ridicule.
Deux avocates, Islam Hamza et Dalila Ben Mbarek Msaddek ont été traduites devant l’instruction à la fin de cette semaine pour imputation de faits non avérés à un fonctionnaire public. Elles auraient déclaré à propos de l’affaire du complot, que le comité de défense des prisonniers a demandé, par requête officielle, que l’instruction s’élargisse aux diplomates étrangers supposés être les interlocuteurs des supposés comploteurs contre l’État. Il s’agirait de l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, des ambassadeurs de France, d’Italie, d’Espagne, ainsi que l’ambassadeur des États unis et quelques fonctionnaires de son ambassade.
Les avocats de la défense expliquent le bien-fondé de leur requête par le fait que ces diplomates étrangers ne sont pas poursuivis dans le cadre de ce dossier. Le ministère des Affaires étrangères les a même dédouanés assurant que ces diplomates étrangers agissent légalement dans le cadre de leurs missions diplomatiques. Seulement, les rejets des demandes de libération de leurs clients sont constamment argumentés par les rapports des détenus avec ces mêmes diplomates étrangers.
Avouons que le comité de défense, par cette manœuvre, a marqué un point dans le camp de l’instruction et de l’autorité politique. En effet, les rapports avec des parties étrangères, dans le sens d’une intelligence et d’une préparation d’un complot contre l’État, ne deviennent un délit que si les deux parties, nationales et étrangères, sont incriminées au même titre, même si on pourrait admettre un traitement particulier pour les parties étrangères en raison de leur statut diplomatique.
C’est sur ce point cardinal que bute l’instruction depuis plus de sept mois. Elle est incapable de faire avancer correctement son enquête sans entendre les différents intervenants, d’où ses tergiversations et la détention, forcément arbitraire, des détenus dans ce dossier.
Dans l’accusation portée contre les deux avocates, le ministère public n’a même pas été capable d’invoquer la décision du procureur d’interdire le traitement médiatique du dossier du complot. Cette mesure liberticide était censée museler tout monde : les avocats, les familles des victimes et les médias. Elle a été contournée magistralement par les deux avocates : vous nous imposez arbitrairement de ne pas parler du dossier de l’instruction, mais vous ne pouvez pas nous interdire d’informer de notre démarche et de nos activités. Cela a contraint l’instruction de les accuser d’imputation de faits non avérés à un fonctionnaire public et d’invoquer le tristement célèbre article 128 du code pénal.
Bien entendu, ces accusations ont peu de chances d’aboutir pour plusieurs raisons. Connaissant l’itinéraire des deux avocates, on les voit mal intimidées par de telles manœuvres. En plus, elles ont le soutien de l’ensemble du comité de défense qui a annoncé dans un communiqué que les déclarations des deux avocates expriment les positions solidaires et unanimes de tous les membres du comité de défense.
En clair, ou bien vous retirez ces accusations contre Islam Hamza et Dalila Ben Mbarek, ou bien vous accusez tous les membres du comité de défense. Enfin, elles ont le soutien d’une large frange de la société civile qui est sans cesse la cible des campagnes de dénigrement mais dont l’influence ne peut être ignorée.
Reste le barreau qui est un peu en hibernation ces derniers mois, mais qui ne saura tarder à s’exprimer et de soutenir deux avocates tunisiennes affiliées au barreau tunisien et accusées pour des faits entrant directement dans l’exercice de leur mission.
En conclusion, l’accusation portée contre Me Islam Hamza et Me Dalila Ben Mbarek Msaddek n’est autre qu’une fuite en avant, un signe supplémentaire de panique et d’enlisement du pouvoir dans un dossier qui n’a jamais dû exister.