1. Il parait évident que la 'Tunisie Digitale'* ne peut être bâtie sur un modèle de contrôle par l'état** ni sur un modèle de partenariat public / privé ciblant un club fermé d'entreprises, nous sommes en 2016 pas en 1956 ou en 1976, et la majorité (pas la totalité) des grandes et moyennes entreprises tunisiennes n'ont ni le savoir faire , ni l'agilité, ni l'incitation économique nécéssaires pour une 'Tunisie Digitale' efficiente. Ce constat permet d'identifier les entités qui vont opposer la plus forte résistance à la véritable 'Tunisie Digitale'
2. Les petits opérateurs privés - et les citoyens - doivent être les bâtisseurs de la 'Tunisie Digitale' , car elle nécessite des créativités et des énergies vastes et diverses (i.e. préférer 1000 projets dont 100 vont moyennement réussir et 20 bien réussir en lieu de 4 projets dont 4 vont arriver bien trop tard sans aucune certitude sur leur succès)
3. Le rôle de l'état serait dans un premier temps et avant tout d'assurer les pré-requis à l'émergence d'une 'Tunisie Digitale' : Cadre Législatif, Infrastructure, Investissement, Formation, Incitations. Ces pré-requis progressent trop lentement aujourd'hui par rapport à l'objectif, plus alarmant certains regressent.
I. Cadre Legislatif : les démarches administratives ,les régulations et mécanismes doivent être simplifiés à l'extrême et entièrement digitalisés (E-Administration ça en est ou ?) et être orientés vers l'octroi/accord par défaut et contrôle à posteriori (contrairement à 1956 l'entrepreneur tunisien sait lire, donc n'est censé ignorer la loi) ... car tant qu'il sera 10 fois plus long de créer un service ou une société dans le domaine digital en Tunisie que dans d'autres pays, celles-ci auront un handicap fatal. Surtout, le secteur digital présente une opportunité de simplification législative exemplaire facile à saisir par le législateur
II. Infrastructure : elle englobe des accès à trés bas couts aux équipements et aux réseaux, un accès à grande échelle à des espaces physiques quasi gratuits pour l'établissement de jeunes sociétés innovantes, un accès grandement facilité aux canaux de distribution et de commercialisation
III. Investissement : les meilleurs stratégies consistent sans doute à rediriger une partie de l'épargne publique en investissements dans la 'Tunisie Digitale', à créer de très fortes incitations aux institutions financières dans la prise de risque sur des sociétés digitales (par exemple, comme fait dans de nombreux pays, garantie jusqu'à 75% des investissements par des organismes publics; quitte à faire des cadeaux aux banques...) à inciter davantage des investissements experts du secteur (étrangers notamment) qui sont plus exigeants sur la qualité des projets et leur rentabilité
IV. Formations : bcp à déjà été dit sur le sujet, quelques notes issues de mes propres recherches : une grande part des formations d'ingénieurs et de techniciens du secteur ont plus de 5 ans de retard sur les pays avancés , 5 ans c'est énorme dans le domaine digital, un tel retard réduit à la fois la productivité et l'univers du possible (le calcul distribué à trés haute performance, l'intelligence artificielle, ... et tout ce qui était de la SF il y a 5-10 ans fait aujourd'hui partie intégrante des systèmes digitaux)
V. Incitations : les formes d'incitations possibles est vaste, la seule limite c'est la capacité des décideurs à étudier sérieusement ce qui se fait dans le monde et à faire preuve de créativité pour les adapter au contexte social et économique. Le bénéfice est avant tout psychologique : montrer aux jeunes tunisiens que leur pays leur fait confiance pour construire la 'Tunisie Digitale', au lieu de leur préférer entreprises internationales 'de renom' (certes choisies et financées par la banque mondiale...), ça permettra peut être de retenir les meilleurs d'entre eux , qui aujourd'hui sont littéralement contraints de proposer leurs services dans d'autres pays.
* pas trés 'Tunisie Créative' comme nom :-)
** Ce qui est loin d'être incompatible avec la contribution de l'état et des organismes publics et privés