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Tribunes
Politique fiction, Tunisie an III post 14 janvier
03/09/2013 | 1
min
Politique fiction, Tunisie an III post 14 janvier
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Par Hassen Zargouni

Le pays est sur les rails. Ennahdha et Nidaa Tounes sont au pouvoir. Le conservatisme libéral est en marche. Chaque parti "oublie" les contentieux qui l'animaient avant l’accès commun aux affaires de l'Etat.
Les uns passent l'éponge sur l'avant 14 janvier, les autres sur les affaires justiciables de l'après décembre 2011. Non, il ne s'agit pas d'une alliance. Il s'agit plutôt d'une cohabitation, d'un partenariat responsable où Ennahdha pourrait sauver la face après son échec étincelant à gérer les affaires publiques du pays, qui était au bord du gouffre financier et institutionnel. Une occasion pour apprendre comment gouverner plus efficacement. Nidaa Tounes, attaché au prestige de l'Etat insuffle la confiance à l'administration, jusque là en état de léthargie, et qui reprend le travail. L'image du pays à l'international s'améliore. La communauté internationale considère que la révolution a réussi en Tunisie. Le mode de vie à la tunisienne n'est finalement pas trop altéré.
Le milieu des affaires est soulagé. Le business reprend. Les bailleurs de fonds sont rassurés. L'Union Européenne avec la bénédiction des Etats-Unis renforcent leur collaboration avec la Tunisie. Le taux de croissance oscille entre 4,5 et 5%. Les organismes de notation affichent leur satisfecit. Les relations avec l'Algérie reprennent après un chahut qui n'a pas duré longtemps au final. Les échanges commerciaux entre les deux pays prospèrent dans le cadre de la complémentarité et des accords commerciaux privilégiés signés de part et d'autre. Des travaux d’infrastructures d'envergure sont lancés, la fameuse rocade X30 autour du Grand Tunis, la voie ferrée RFR, la route express diagonale vers l'ouest-sud, ... Les projets de rattrapage du gap numérique du pays sont mis en œuvre. La culture redevient un axe principal aux côtés de l'éducation nationale et la santé.
Une majorité de Tunisiens s’accommodent de cette coalition apaisante, qui paraissait il y a un an contre nature. Mais l es jeunes, notamment ceux issus des couches populaires, sont déçus. Ils pensent qu'on leur a confisqué leur "révolution". Leur droit à manifester leur désapprobation est garantie, mais leur mobilisation s'essouffle quelque peu. La société civile les prend en charge. L'assurance chômage pour les diplômés de l'enseignement supérieur qui n'arrivent pas à trouver un emploi finit par calmer leurs ardeurs "révolutionnaires". La gauche, déjà affaiblie lors des élections du 23 octobre 2011, sera marginalisée. Elle ne se reconnaîtra pas dans les partis, censés défendre la justice sociale, mais plutôt dans le travail syndical de l'UGTT. L’organisation des travailleurs voit ses relations avec le patronat nettement améliorées. Toutefois, les leaders de la gauche sont appelés à renforcer les rangs des premiers responsables du pays. Ceux qui s'y refusent seront peu nombreux. Ils représenteront au final une sorte de conscience morale, alerte et vigilante pour le pays. La stabilité sociale est au rendez-vous. Les conditions sociales et sécuritaires du pays permettent, désormais, d'entrevoir l'organisation d'élections locales, municipales et régionales, selon la nouvelle constitution entérinée par l'ANC dissoute.
Le rêve d'une Tunisie totalement démocratique et où les citoyens jouissent de toutes les libertés y compris celle de la conscience s'évanouit. Mais la liberté de la presse est garantie et la sécurité règne. L’éthique et sa préservation sera le cheval de bataille régulier des journalistes, tant les démons de l'avant 14 janvier sont encore vivaces. Les LPR sont limitées dans leurs actions sur le terrain et les membres des organisations déclarées terroristes sont pourchassés.

Cela durera cinq, peut-être dix ans, voire quinze ans, le temps de la stabilisation du processus politique et la fondation d'institutions démocratiques solides et pérennes. Le temps de mettre en place une justice indépendante, une police et une armée républicaines, une administration au service du citoyen, des médias régulés, un contrat social solidaire et un socle constitutionnel fort reflétant des valeurs communes partagées. Ces valeurs consacreront l'Etat civil et démocratique et où les citoyens sont libres et solidaires. La religion aura toute sa place dans le cœur et l'esprit des Tunisiens, comme ils l'ont toujours fait depuis plus de 1400 ans.
Une société tunisienne se scindera en deux grands groupes coexistant. Il y aura des rues, des quartiers, des écoles, des hôpitaux, des plages, des lieux de vie différents selon son ancrage identitaire pour lequel les gens seraient le plus attachés. Le conformisme identitaire arabo-musulman avec ses ostentations coexistera pacifiquement avec une modernité affichée et une quête de progrès et d'ouverture sur les autres civilisations. On appellera cela non plus le modèle libanais, mais la démocratie tunisienne, un cas d'école qu'on étudiera dans les instituts d'études politiques à travers le monde.

Enfin, tout ceci n'est qu'une fiction. Farfelue ? Réaliste ? Provocatrice ? Troublante ? Souhaitable ? Cynique ? Acceptable ? Les Tunisiens devront, en tout cas, trouver une solution, par eux-mêmes, au blocage dans lequel se trouve le pays. Ils doivent s'accepter avec leur différence. Il y va du sort du pays, de son existence-même avant de parler de son avenir...

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03/09/2013 | 1
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