C’est quoi un lobby ? C’est simplement, ou dangereusement selon le cas, un regroupement d’individus représentant des intérêts spécifiques, matériels ou autres, qui exercent des pressions, directes ou indirectes, sur les structures de l’Etat, pour défendre ces intérêts. En Tunisie, il existe peu de lobbys faute d’intérêts colossaux qui expliqueraient ce type de regroupement. Par contre, il existe quelques lobbyistes qui ne sont en définitive que de pâles copies du lobbyiste authentique et qui ne doivent leur existence qu’à l’amollissement de l’Etat au cours des dernières années. Toutefois, même si le succès de leurs entreprises est tout relatif, le pouvoir de nuisance de ces lobbyistes peut être désastreux pour le pays tant ils agissent dans un climat d’impunité et hors toute grille de valeurs.

Trois grandes caractéristiques permettent de reconnaitre un lobby. La première est l’existence d’une structure dans le cadre de laquelle s’expriment les intérêts du lobby et où sont rassemblées ses revendications. C’est ainsi qu’on parle du lobby des armes, du tabac, contre l’avortement, etc. Dans un système comme le notre qui repose sur les personnes, le lobby, sa structure, sa représentation et même son appellation collent à une seule personne. Au lieu de parler d’un lobby en rapport avec ses intérêts, on parle du lobby d’un tel ou autre.

La seconde caractéristique est relative à l’étendue des intérêts défendus par un lobby. Ces intérêts ne sont pas en effet uniquement matériels. Ils peuvent être aussi politiques, idéologiques ou reposer sur des considérations éthiques ou morales. Cela rend extrêmement difficile tout travail typologique concernant les lobbys et leurs activités. Cela élargit le champ de leur action et leur permet de s’intégrer facilement dans l’espace public. Souvent même, et en l’absence de cadres juridiques ou éthiques, ces lobbys se faufilent au sein de la société civile et se présentent comme des mouvements sociaux. Dans le contexte tunisien, compte tenu de la réduction à l’extrême du lobby pour n’épouser les contours que du seul lobbyiste, le statut de couverture idéal pour les lobbyistes pour investir l’espace public est le statut d’homme d’affaires. Ce statut leur permet de migrer aisément entre les groupes sociaux et d’approcher avec une bonne couverture les sphères politiques et de pouvoir.

Quant à la dernière caractéristique, elle concerne l’obligation de résultat qui lie le lobby aux membres qui composent son assise idéologique et financière. En effet, il ne suffit pas qu’un lobby exerce une pression sur les pouvoirs publics. Il est de son devoir que ses pressions aboutissent à des résultats qui servent ses intérêts. Tout échec à ce niveau entraine le discrédit du lobby auprès de ses membres qui peuvent être tentés de s’en séparer pour s’orienter vers un autre lobby plus efficace ou supposé l’être. Seulement, dans le cadre du lobby uninominal, cette règle d’efficacité, aussi importante soit-elle, ne pèse pas lourd dans l’évaluation de l’action du lobby. Malgré les déboires successifs des lobbyistes locaux et leurs succès relatifs et mitigés, ils continuent d’occuper l’espace public sans que leur influence ne soit malmenée par leurs échecs.

Aux Etats Unis, les lobbys sont reconnus et exercent dans un cadre institutionnalisé en toute transparence. En cela ils constituent une exception ou presque, car partout ailleurs, les lobbys sont suspectés et associés à toutes les formes d’opacités, de magouilles et de malversations. C’est pour cela que les lobbyistes, même américains, agissent dans la discrétion, l’anonymat presque. C’est pour cela aussi que le comportement ostentatoire des lobbyistes locaux est difficilement compréhensible dans la mesure où ils se soumettent à une surexposition médiatique et donnent même l’impression d’être à la recherche des moindres occasions pour occuper les devants de la scène. Le climat d’impunité, les carences intellectuelles et l’incompétence pourraient donner les premiers éléments d’explication de cette excentricité toute tunisienne.

** Dis-moi c’est quoi un lobby est une leçon, gratuite, pour les nuls, mais surtout une réflexion que je propose à ceux qui ne le sont pas pour une meilleure compréhension du phénomène lobbyiste et pour un échange d’idées constructif.