Chroniques
L'homme est un rat pour l'homme

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Par Marouen Achouri
Au cours d’une conférence donnée à Tunis le 18 décembre passé, Robert Badinter, l’un des pères de l’abolition de la peine de mort en France a prononcé cette phrase : « Il n’existe que deux espèces dans le monde qui sont capables de s’entretuer juste pour tuer, l’Homme et le rat ». C’était au cours d’un débat organisé à la faculté de droit de l’Ariana en présence d’Iyadh Ben Achour, Samy Ghorbal et Ahmed Ounaïes.
Une conférence organisée autour du thème de l’abolition de la peine de mort en Tunisie. Iyadh Ben Achour a montré que le fondement même de la peine de mort est vacillant et Samy Ghorbal a présenté l’historique de la peine de mort en Tunisie. Il s’est attaché ensuite à expliciter le cas Maher Manaï. La honte de ce pays avec la condamnation de Jabeur Mejri.
Les premiers détracteurs de ce débat sont ceux qui disent : « On a d’autres chats à fouetter pour l’instant, ce n’est pas une priorité ». C’est ce que l’on appelle se cacher derrière son petit doigt. Quand une injustice se poursuit dans l’indifférence générale, elle devient une priorité. Les efforts que l’on peut faire sur d’autres plans sont ébranlés par la possibilité d’une injustice, elle-même renforcée par l’existence de cas révoltants comme celui justement de Maher Manaï. Incarcéré à tort, jugé à la va-vite, condamné à la peine de mort, Maher Manaï représente toutes ces personnes qui paient le prix de ne pas appartenir à une classe aisée.
Le pire, sans doute, c’est qu’aujourd’hui, l’Etat sait qu’il est innocent et que chaque jour de plus qu’il passe en prison est un jour volé à la vie de ce jeune trentenaire. Pourtant, rien n’y fait. Le cynisme est poussé à son extrême quand le ministère de la Justice s’oppose au fait que Maher Manaï soit gracié. C’est vrai qu’il n’a tué personne, lui…
Concernant la peine de mort, beaucoup d’ouvrages, de livres et de discours ont été faits sur la nécessité de l’abolir. Une nécessité morale avant tout, légale ensuite. La nécessité de rompre avec une punition définitive qui ne laisse aucune place à la révision. Une peine qui abaisse toute une société car, en appliquant la peine de mort, la société s’autorise tout ce qu’elle pense condamner.
La révolution tunisienne aurait été une fabuleuse occasion pour abolir la peine de mort et rejoindre ainsi le rang des nations qui ont eu ce courage. Cela nous aurait soulagés du moratoire de fait observé depuis des années en Tunisie et qui relève d’une hypocrisie, bien tunisienne elle aussi. Mais cette occasion a été ratée même si les peines ont été commuées en prison à vie…
Les condamnés à mort sont considérés comme des sous-hommes, des énergumènes, des rebus de la société. Cette dernière s’est acharnée sur eux en leur infligeant des traitements inhumains, en plus de leur condamnation. Ils ont été également maltraités en regardant les débats sur l’abolition de la peine de mort au sein de l’Assemblée. Quel dépit ils ont dû ressentir en voyant leur destin entre les mains d’élus qui ont prôné qu’on coupe celles d’autres Tunisiens !
La tragédie de Maher Manaï, à elle seule, peut être le plus solide des arguments contre la peine de mort. Il aurait pu être exécuté tout en étant innocent si la peine avait été appliquée. Selon une doctrine bien connue : « Un coupable en liberté vaut mieux qu’un innocent en prison ». Dans le cas de Maher Manaï, le coupable est en liberté Et l’innocent est en prison. Un comble pour un pays qui a fait une révolution revendiquant les droits élémentaires des personnes. Apparemment, le droit à la vie ne figure pas dans cette liste. Aujourd’hui dans le dernier projet de Constitution, il est dit que le droit à la vie est garanti sauf dans certains cas prévus par la loi. Autant dire que rien n’a été fait sur le sujet. Pire encore, il ne semble même pas être sujet à débat entre les élus. Comme s’il existait un accord tacite pour éviter cette question.
L’intolérable injustice dont est victime Maher Manaï et le maintien de la peine absurde qu’est la peine de mort font partie des hontes que traîne la révolution tunisienne sur son front. L’abolition de la peine de mort en France en 1981 n’était pas une décision populaire. Pourtant, la France a trouvé en certains de ses dirigeants de l’époque le courage nécessaire pour l’imposer. Aura-t-on un jour des dirigeants de cette trempe ? Allons-nous nous élever au point que l’abolition de la peine de mort devienne une demande populaire ou resterons-nous encore des rats ?
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