Chroniques
La chance d'Ennahdha d'avoir la meilleure opposition de l'Histoire

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Par Nizar BAHLOUL
En termes de mauvaise foi et de procès d’intention, la gauche tunisienne - et spécialement le Front du Salut – a battu des records ce week-end. Le quartet et huit autres partis prenant part au Dialogue national se sont, enfin, mis d’accord sur un candidat pour le poste de chef du gouvernement. Pourtant, le Front du Salut trouve à redire et à douter de l’indépendance et des qualifications de ce candidat, totalement inconnu au bataillon.
Le principal argument brandi est que Mehdi Jomâa appartient au gouvernement d’Ali Laârayedh et, qu’à ce titre, on ne pouvait pas accepter un candidat appartenant à un gouvernement ayant prouvé son échec.
Argument qu’on peut traiter d’au mieux fallacieux, car le Front du Salut a prouvé, par sa réaction, sa totale mauvaise foi, son esprit de mauvais perdant et son incapacité de mener un combat loyal avec un adversaire. Pire, il a prouvé qu’il ne sait même pas jouer uni dans son équipe.
Pour mener à bien ce combat, le Front du Salut devait partir en rangs serrés avec un mot d’ordre commun et un esprit collégial. On en était loin. Au Bardo, on voyait des militants d’El Jabha insulter des dirigeants de Nidaa. On a vu à Al Joumhouri des dissidents quitter le parti pour rejoindre Nidaa Tounes ou créer leur propre parti. On a vu des députés quitter Nidaa. On a vu Béji Caïd Essebsi jouer en solo et décider seul de ses rencontres à Paris ou de ses voyages à Alger. On a entendu des contrevérités chez les uns et les autres. Et pour boucler la boucle, la semaine dernière, on a assisté à une véritable bataille rangée en public entre Al Joumhouri et Nidaa.
Alors qu’ils avaient un adversaire commun à vaincre, les membres du Front du Salut étaient plutôt préoccupés par leurs guerres fratricides sans fin oubliant la « guerre principale » qu’ils étaient en train de mener en parallèle. L’essentiel pour eux était de sauver leur égo et de s’imposer au sein du groupe.
Après avoir constaté leur échec, samedi, ils ont commencé à crier au scandale. Mehdi Jomâa appartient au gouvernement sortant, disaient-ils. Pourtant, ce sont les mêmes qui ont proposé Habib Essid, Abdelkrim Zbidi ou Mustapha Kamel Nabli, tous les trois ayant appartenu (d’une manière ou d’une autre) au gouvernement de Hamadi Jebali. Ce ne sera pas la seule incohérence. Ils ne voulaient pas de l’octogénaire Ahmed Mestiri, sous prétexte qu’il ne pouvait pas travailler 20 heures par jour, mais ils acceptaient bien le nonagénaire Mustapha Filali !
Cette désunion de l’opposition et cette guerre d’égo et de leadership n’est pas nouvelle. C’est grâce à elle que Zine El Abidine Ben Ali a réussi à imposer le RCD dans le paysage politique tunisien.
Ennahdha réitère le même scénario et profite des fissures chez ses adversaires pour imposer son calendrier et ses choix.
Il se trouve que l’opposition n’a réussi ni le dialogue, ni la fin du dialogue, encore moins à présenter les acquis de ce dialogue.
Avec du recul, le résultat du dialogue national aboutit à un candidat qui n’a rien de nahdhaoui en apparence. Mehdi Jomâa a débarqué il y a à peine 8 mois en Tunisie et on ne peut pas lui imputer les mauvais résultats du gouvernement auquel il appartient. Les ministres nahdhaouis et les sinistres du CPR vont enfin quitter le pouvoir. Selon l’agenda qu’on lui a imposé, M. Jomâa va réviser toutes les nominations partisanes dans l’administration et les entreprises publiques et va veiller à ce qu’il y ait des élections libres et transparentes dans un délai raisonnable.
Que demandaient d’autre la gauche et l’opposition avant l’entame du dialogue ? Finalement, n’ont-elles pas obtenu tout ce qu’elles demandaient au départ ? Pourtant, paradoxalement, elles présentent ce succès comme un échec, alors qu’Ennahdha présente son départ humiliant du gouvernement comme un succès ! C’est d’un paradoxe inouï !
Il y a certes un problème de forme lors du sprint final du dialogue et cette candidature de dernière minute est contestable. Mais aussi contestable soit-elle, cette candidature a le mérite de nous proposer quelqu’un de « présentable ». Mehdi Jomâa est politiquement jeune, n’a pas d’antécédents judiciaires, n’a de contentieux avec personne et n’a pas d’accointances connues et prouvées avec un quelconque lobby.
Pourquoi donc le Front du Salut présente-t-il ce succès comme un échec ?
La réponse est que le Front du Salut cherchait à écarter toute personne approuvée par Ennahdha. Il cherchait à humilier le parti islamiste devant l’opinion publique. Il cherchait à lui faire payer les résultats catastrophiques et les assassinats politiques.
La logique de vouloir punir et humilier Ennahdha tient debout, mais il fallait adopter la politique adéquate pour cela. Il ne fallait pas, alors, recevoir Ghannouchi à Paris ou entamer un dialogue avec lui. Il ne fallait pas démobiliser le Bardo et il fallait faire feu de tout bois. Il fallait imposer dans les discussions la dissolution de l’ANC et le limogeage du président de la République.
Or, malgré toutes les casseroles, malgré tous les scandales d’Ennahdha et du CPR, le Front du Salut s’est montré discret. Sous d’autres cieux, le mensonge de Marzouki avec son livre noir aurait créé à lui seul une crise profonde au sein de l’Etat et imposé un impeachment immédiat.
Le Front du Salut a cependant choisi (et à raison) la voie du dialogue avec l’adversaire, faisant ainsi éviter à la Tunisie une véritable guerre civile. Dès lors que l’on a accepté de dialoguer avec l’adversaire, il faudrait arrêter de chercher à l’humilier, accepter les concessions et le résultat final. On dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’une bonne guerre. L’arrangement final n’est pas si mauvais que la gauche ne le prétend et la guerre est évitée. Que demande-t-on d’autre ?
Dans cette affaire, Ennahdha a présenté le résultat comme une victoire. Le Front du Salut aurait dû agir de même, à l’instar de l’Alliance démocratique et d’Afek, et dire que la nomination de Mehdi Jomâa est un acquis, mais qu’on reste quand même sur nos gardes et on continue le combat.
Ennahdha va quitter aujourd’hui le pouvoir, et c’était la principale revendication du Bardo, il faudrait maintenant passer à l’étape suivante. Imposer le départ de Moncef Marzouki pour qu’il ne continue pas à dilapider l’argent public et à l’utiliser pour sa propre campagne et aider Mehdi Jomâa à appliquer drastiquement la feuille de route. Et cette aide ne vient ni avec le dénigrement, ni les procès d’intention mais avec l’assistance, le conseil et la pression.
Pour le moment, la gauche tunisienne est occupée par ses guerres fratricides d’ego. L’unique gagnant sera Ennahdha. Le parti islamiste a gagné en 2011 grâce à cette division de la gauche, Ben Ali a gagné durant 20 ans grâce à cette division de la gauche, et cette gauche n’a toujours pas retenu la leçon !
En termes de mauvaise foi et de procès d’intention, la gauche tunisienne - et spécialement le Front du Salut – a battu des records ce week-end. Le quartet et huit autres partis prenant part au Dialogue national se sont, enfin, mis d’accord sur un candidat pour le poste de chef du gouvernement. Pourtant, le Front du Salut trouve à redire et à douter de l’indépendance et des qualifications de ce candidat, totalement inconnu au bataillon.
Le principal argument brandi est que Mehdi Jomâa appartient au gouvernement d’Ali Laârayedh et, qu’à ce titre, on ne pouvait pas accepter un candidat appartenant à un gouvernement ayant prouvé son échec.
Argument qu’on peut traiter d’au mieux fallacieux, car le Front du Salut a prouvé, par sa réaction, sa totale mauvaise foi, son esprit de mauvais perdant et son incapacité de mener un combat loyal avec un adversaire. Pire, il a prouvé qu’il ne sait même pas jouer uni dans son équipe.
Pour mener à bien ce combat, le Front du Salut devait partir en rangs serrés avec un mot d’ordre commun et un esprit collégial. On en était loin. Au Bardo, on voyait des militants d’El Jabha insulter des dirigeants de Nidaa. On a vu à Al Joumhouri des dissidents quitter le parti pour rejoindre Nidaa Tounes ou créer leur propre parti. On a vu des députés quitter Nidaa. On a vu Béji Caïd Essebsi jouer en solo et décider seul de ses rencontres à Paris ou de ses voyages à Alger. On a entendu des contrevérités chez les uns et les autres. Et pour boucler la boucle, la semaine dernière, on a assisté à une véritable bataille rangée en public entre Al Joumhouri et Nidaa.
Alors qu’ils avaient un adversaire commun à vaincre, les membres du Front du Salut étaient plutôt préoccupés par leurs guerres fratricides sans fin oubliant la « guerre principale » qu’ils étaient en train de mener en parallèle. L’essentiel pour eux était de sauver leur égo et de s’imposer au sein du groupe.
Après avoir constaté leur échec, samedi, ils ont commencé à crier au scandale. Mehdi Jomâa appartient au gouvernement sortant, disaient-ils. Pourtant, ce sont les mêmes qui ont proposé Habib Essid, Abdelkrim Zbidi ou Mustapha Kamel Nabli, tous les trois ayant appartenu (d’une manière ou d’une autre) au gouvernement de Hamadi Jebali. Ce ne sera pas la seule incohérence. Ils ne voulaient pas de l’octogénaire Ahmed Mestiri, sous prétexte qu’il ne pouvait pas travailler 20 heures par jour, mais ils acceptaient bien le nonagénaire Mustapha Filali !
Cette désunion de l’opposition et cette guerre d’égo et de leadership n’est pas nouvelle. C’est grâce à elle que Zine El Abidine Ben Ali a réussi à imposer le RCD dans le paysage politique tunisien.
Ennahdha réitère le même scénario et profite des fissures chez ses adversaires pour imposer son calendrier et ses choix.
Il se trouve que l’opposition n’a réussi ni le dialogue, ni la fin du dialogue, encore moins à présenter les acquis de ce dialogue.
Avec du recul, le résultat du dialogue national aboutit à un candidat qui n’a rien de nahdhaoui en apparence. Mehdi Jomâa a débarqué il y a à peine 8 mois en Tunisie et on ne peut pas lui imputer les mauvais résultats du gouvernement auquel il appartient. Les ministres nahdhaouis et les sinistres du CPR vont enfin quitter le pouvoir. Selon l’agenda qu’on lui a imposé, M. Jomâa va réviser toutes les nominations partisanes dans l’administration et les entreprises publiques et va veiller à ce qu’il y ait des élections libres et transparentes dans un délai raisonnable.
Que demandaient d’autre la gauche et l’opposition avant l’entame du dialogue ? Finalement, n’ont-elles pas obtenu tout ce qu’elles demandaient au départ ? Pourtant, paradoxalement, elles présentent ce succès comme un échec, alors qu’Ennahdha présente son départ humiliant du gouvernement comme un succès ! C’est d’un paradoxe inouï !
Il y a certes un problème de forme lors du sprint final du dialogue et cette candidature de dernière minute est contestable. Mais aussi contestable soit-elle, cette candidature a le mérite de nous proposer quelqu’un de « présentable ». Mehdi Jomâa est politiquement jeune, n’a pas d’antécédents judiciaires, n’a de contentieux avec personne et n’a pas d’accointances connues et prouvées avec un quelconque lobby.
Pourquoi donc le Front du Salut présente-t-il ce succès comme un échec ?
La réponse est que le Front du Salut cherchait à écarter toute personne approuvée par Ennahdha. Il cherchait à humilier le parti islamiste devant l’opinion publique. Il cherchait à lui faire payer les résultats catastrophiques et les assassinats politiques.
La logique de vouloir punir et humilier Ennahdha tient debout, mais il fallait adopter la politique adéquate pour cela. Il ne fallait pas, alors, recevoir Ghannouchi à Paris ou entamer un dialogue avec lui. Il ne fallait pas démobiliser le Bardo et il fallait faire feu de tout bois. Il fallait imposer dans les discussions la dissolution de l’ANC et le limogeage du président de la République.
Or, malgré toutes les casseroles, malgré tous les scandales d’Ennahdha et du CPR, le Front du Salut s’est montré discret. Sous d’autres cieux, le mensonge de Marzouki avec son livre noir aurait créé à lui seul une crise profonde au sein de l’Etat et imposé un impeachment immédiat.
Le Front du Salut a cependant choisi (et à raison) la voie du dialogue avec l’adversaire, faisant ainsi éviter à la Tunisie une véritable guerre civile. Dès lors que l’on a accepté de dialoguer avec l’adversaire, il faudrait arrêter de chercher à l’humilier, accepter les concessions et le résultat final. On dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’une bonne guerre. L’arrangement final n’est pas si mauvais que la gauche ne le prétend et la guerre est évitée. Que demande-t-on d’autre ?
Dans cette affaire, Ennahdha a présenté le résultat comme une victoire. Le Front du Salut aurait dû agir de même, à l’instar de l’Alliance démocratique et d’Afek, et dire que la nomination de Mehdi Jomâa est un acquis, mais qu’on reste quand même sur nos gardes et on continue le combat.
Ennahdha va quitter aujourd’hui le pouvoir, et c’était la principale revendication du Bardo, il faudrait maintenant passer à l’étape suivante. Imposer le départ de Moncef Marzouki pour qu’il ne continue pas à dilapider l’argent public et à l’utiliser pour sa propre campagne et aider Mehdi Jomâa à appliquer drastiquement la feuille de route. Et cette aide ne vient ni avec le dénigrement, ni les procès d’intention mais avec l’assistance, le conseil et la pression.
Pour le moment, la gauche tunisienne est occupée par ses guerres fratricides d’ego. L’unique gagnant sera Ennahdha. Le parti islamiste a gagné en 2011 grâce à cette division de la gauche, Ben Ali a gagné durant 20 ans grâce à cette division de la gauche, et cette gauche n’a toujours pas retenu la leçon !
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