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Chroniques
Hammam-Lif : passé glorieux, présent honteux
18/08/2008 | 1
min
Hammam-Lif : passé glorieux, présent honteux
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Par Nizar BAHLOUL

Il fut un temps où Hammam-Lif fut l’une des plus belles villes de Tunisie. Ville de résidence des Beys. Je ne sais plus à partir de quelle date sa déchéance a commencé, mais déchéance il y a et depuis qu’elle a commencé, elle ne s’est jamais arrêtée. J’insiste sur le mot déchéance en dépit des protestations officielles et officieuses que cette opinion (pas vraiment subjective) pourrait déclencher.
Poussière, saletés, routes crevassées, absence quasi-totale de verdure, pollution sonore et maintenant pollution maritime. Il n’est pas impossible qu’une source officielle nous dise qu’il n’existe de pollution que dans nos têtes, mais je préfère croire mes yeux que ce démenti, si démenti il y aura.

Rien qu’à voir la plage, il y a de quoi être dégouté avec cette mousse crasseuse jaunâtre et cette eau de couleur sombre. Très sombre. Comparée à la plage de Kélibia, de Korba ou de Bizerte avec leur sable blanc et leur eau limpide, d’une extraordinaire transparence, on dirait qu’on est sur deux continents différents. La différence est nette et visible à l’œil nu, même la nuit, lorsque l’eau sombre de la plage de Hammam-Lif prend des couleurs phosphorescentes. Un peu comme le caméléon. Ne cherchez surtout pas à la sentir, car c’est un parfum qui vous rappelle plutôt le petit coin et Jacob Delafon que le parfum marin auquel vous pourriez vous attendre. Oubliez donc totalement la signification du nom de la ville en arabe, "bain du nez" !
Officiellement, cette plage n’est pas impropre et on peut s’y baigner. Beaucoup s’y baignent, d’ailleurs. Les pauvres ! Beaucoup d’autres cependant, y compris parmi les riverains, préfèrent aller ailleurs. Très loin. N’est-il pas dramatique de parcourir des dizaines de kilomètres pour se baigner, alors qu’on habite en face de la plage ?

Mais il n’y a pas que la plage qui souffre à Hammam-Lif. Pas loin de là, il y a la corniche. Il fut un temps où l’accès n’était réservé qu’aux piétons. C’est le cas encore, mais par intermittence. Tout dépend du préposé chargé d’interdire l’accès. En fonction des jours, cet accès peut être ouvert ou fermé. Mais qu’elle soit fermée ou non aux automobilistes, la corniche de Hammam-Lif ne garde que le nom et a perdu tout son charme. Entre les belles bâtisses transformées par les résidents en commerces, les vendeurs à la sauvette (qui ne se sauvent plus puisque personne ne court derrière), les odeurs de friture et le bruit (appelé musique) craché par les baffles, vous avez le tableau. Et cette pollution sonore dure une bonne partie de la nuit. Toutes les nuits.

Plus loin, au centre-ville, on dirait que le temps s’est arrêté. Les nostalgiques trouveront les mêmes cafés, les mêmes gargotes, les mêmes épiciers, les mêmes glibettiers (échoppes de fruits secs), le même bruit du train de l’époque soviétique et les mêmes saletés. Ce n’est pas encore Naples et ses tonnes de poubelles et il ne faut pas que ça le devienne. Peut-être que la mairie fait son travail, mais je la plains, car en dépit de l’effort que son personnel fournit, le résultat ne se voit pas vraiment à l’œil nu du visiteur. Et c’est quelque part normal quand on connait son peu de moyens et le montant de ses dettes.

Plus loin encore, au coin de la rue de Salambo et de la RN1, se dresse une bâtisse qu’on appelle Hammam Essouri, faisant office de bain public. Il fut un temps, pas si lointain que cela, ce Hammam Essouri était une station thermale de référence. L’eau qui y coule était brûlante et venait directement de la montagne d’à côté.
Si on le réhabilite, et s’il est géré par un spécialiste selon les normes actuelles, ce bain public pourrait être une référence en Afrique du Nord, voire en Méditerranée. Il est en décrépitude ! Et l’hôtel qui se trouve dans la même bâtisse est fermé.
Il n’est pas le seul bâtiment en décrépitude. Le restaurant la Sirène l’est également. Idem pour le Casino du centre-ville, transformé en bar.
La bâtisse qui fait le plus mal au cœur est cependant La Maison du Bey. Habitée pendant un bon bout de temps par des squatteurs, devenue "oukala" ensuite, cette bâtisse est aujourd’hui fermée et se trouve à l’abandon.
Cette maison aurait pu être un musée. Imaginez un musée sous une montagne verdoyante et deux sources (Ain El Ariane et Ain El Bey, avec un très bon taux de chlorure de sodium), près d’une station thermale à quelques mètres de la plage. De quoi faire rêver n’importe quel voyagiste !
Avec moins d’atouts que ceux-là, des cités méditerranéennes sont devenues des stations touristiques de référence où l’on se bouscule et où l’on paie le prix fort pour y séjourner.

Avec tous ces atouts, pourtant, Hammam-Lif se permet des merveilles architecturales à l’abandon, des rues sales, une atmosphère polluée et une plage aux couleurs et odeurs agressant continuellement yeux, oreilles et narines.
Ça rappelle un peu ce qu’était la triste la Goulette il y a quelques années. La Goulette a été sauvée ou est en voie de l’être. Il est grand temps d’en faire de même avec Hammam-Lif. C’est de notre patrimoine qu’il s’agit. Nos aïeux nous l’ont légué et on se doit de le léguer tel quel, voire dans un meilleur état, à nos enfants, aux générations futures.
18/08/2008 | 1
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