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Chroniques
Les chiens aboient, la caravane passe
30/06/2008 | 1
min
Les chiens aboient, la caravane passe
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Par Nizar BAHLOUL

La scène se passe en 2008. Nous sommes dans une assemblée générale d’une entreprise cotée sur la Bourse de Tunis. Sont présents des actionnaires. Contrairement à énormément d’autres, les journalistes et observateurs ne sont pas les bienvenus à cette assemblée. Il fallait forcer pour entrer et l’un des journalistes força. Il a tout simplement acheté une dizaine d’actions ce qui lui permet, légalement, d’entrer dans cette assemblée et constater, de visu, ce qui s’y passe. Y a-t-il quelque chose à cacher ? Forcément, serait-on tenté de dire quand on voit des portes fermées.

L’assemblée commence et le PDG entame son discours. Le journaliste boursicoteur s’attendait, comme ses pairs actionnaires, à des chiffres et il eut droit, à des lamentations. On frisait la paranoïa, mais on a rapidement atteint le ridicule. Le PDG ne se lamentait pas de la flambée des prix pour justifier ses chiffres calamiteux et ses promesses de résultats non tenues. Plutôt que cela, et dès l’entame de l’AG, il s’interrogeait sur ces articles de presse qui le critiquaient. « Ce journaliste a sûrement une dent contre moi », a-t-il dit sur l’un. Quand au second, celui présent dans la salle, il eut droit à cette remarque : « les chiens aboient, la caravane passe ». Aux yeux de Monsieur le PDG, observateurs et journalistes sont donc devenus des chiens.
Je rappelle, au passage, que comme les caravanes ne courent plus vraiment les rues de Tunis, les chiens ont changé d’activité. Ils sont essentiellement là pour surveiller les maisons et dissuader les intrus (usage domestique) ou démasquer les suspects (usage policier). Et quand un chien aboie, il est fort à craindre qu’il y a danger et qu’on s’apprête à démasquer quelqu’un qui veut cacher quelque chose.

C’est un autre PDG d’une autre entreprise. Cotée en bourse elle aussi. Un actionnaire l’interroge sur les résultats qu’il juge décevants (le terme calamiteux ne sied pas). Le PDG n’apprécie pas. Forcément. Il n’est pas habitué à rendre des comptes. S’est-il interrogé si l’actionnaire a une dent contre lui ? Peut-être. Il ne lui dira pas « les chiens aboient, la caravane passe ». Lui, il préfère passer sans même que les chiens n’aboient : « si vous n’êtes pas satisfait, vendez vos actions », a-t-il déclaré au beau milieu de l’AG devant des actionnaires médusés.

C’est une autre entreprise. Elle est cotée en bourse elle aussi. Les critiques la concernant ont fusé, en off, de toutes parts. Des aboiements, dit-on aujourd’hui. C’est qu’il y a beaucoup à dire sur cette entreprise. Ailleurs, elle aurait fait la une du 20-Heures. Chez nous, l’affaire est tue, à l’exception de quelques articles se comptant sur les doigts de la main.
Les dirigeants de cette entreprise sont polis. Ils ne veulent traiter personne de chien. Il semblerait qu’ils sont amoureux des animaux puisqu’on les voit continuellement jouer aux autruches.
Ils ont trouvé la parade : pas d’assemblée ! Pas de questions à poser ! Pas de compte à rendre ! Et ça fait deux ans ou presque que ça dure.

Une dernière pour la route. C’est une entreprise. Celle-ci n’est pas cotée en bourse et, en théorie, elle n’a pas de compte à rendre. En théorie seulement, mais la directrice de l’entreprise l’ignore. C’est qu’elle s’est mise sous la loi des entreprises en difficulté, ce qui devrait l’obliger à communiquer, un tant soit peu. Un confrère eut vent de l’affaire et l’a publiée après avoir soigneusement réuni les preuves nécessaires. Pour lui, il fallait informer le public, et en particulier les fournisseurs de l’entreprise, pour qu’ils ne soient pas désabusés. Cela déplut à la dame. Elle dépose plainte au Tribunal Tunis. Elle a été déboutée. Elle dépose une autre plainte à l’Ariana. Pour elle, les chiens n’ont même pas à aboyer à son passage !
30/06/2008 | 1
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