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BCE commence à céder au populisme
22/08/2011 | 1
min
BCE commence à céder au populisme
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Par Nizar BAHLOUL


Le dernier discours de Béji Caïd Essebsi n’a quasiment rien apporté de nouveau. Il a rappelé des évidences : son gouvernement est provisoire, il veut respecter l’indépendance de la justice et n’a pas à s’ingérer dans ses affaires, y compris celles des symboles de l’ancien régime, il faudrait une dizaine d’années pour résoudre l’épineux problème du chômage, il tient à respecter la date des élections, etc.
Mais voilà, celui qui croit diriger le meilleur gouvernement depuis l’indépendance, à une exception près, est fatigué. C’est lui qui le dit et il n’a pas tort. BCE est fatigué et sa mission historique l’empêche de quitter. On ne quitte pas un navire qui a pris l’eau. C’est au capitaine de colmater les brèches et non aux matelots. Il dit que c’est lui qui protège la révolution et là, non plus, il n’a pas tort. Hélas !, ce poste de protecteur de la révolution lui est disputé par une multitude de « révolutionnaires ». Quelques uns sont sincères et beaucoup jouent aux opportunistes et vierges effarouchées. Et ces derniers fatiguent BCE. Ils fatiguent BCE, le gouvernement, les hommes d’affaires, les médias, les magistrats, les avocats et une bonne partie de la population.

Et quand on est fatigué, on commence à céder à l’adversaire. Et c’est ce qu’a fait BCE en acceptant de voir le « machin » de Yadh Ben Achour composer des listes des symboles de l’ancien régime. Un « machin » vidé de ses véritables forces vives et dont le nombre de démissionnaires est supérieur à ceux qui s’y accrochent de toutes leurs forces.
Il fait de même avec l’Association tunisienne des magistrats et il en sera de même avec les journalistes et les avocats. Bientôt, ce sont les ingénieurs qui vont dresser des listes, puis les architectes qui ont obtenu des marchés publics et présidentiels, puis les experts comptables et commissaires aux comptes et peut-être même les épiciers qui ont vendu un pot de yaourt à un membre de la famille Ben Ali.
Dans le fond, l’idée de dresser une liste des personnes ayant collaboré avec Ben Ali est bonne. Seulement, il faut savoir qui va la dresser et à quelle fin.
Si c’est une fin vengeresse, autant l’abandonner, car on ne construit jamais une démocratie sur la base de la vengeance. Aucun pays n’a réussi une telle œuvre et aucun ne la réussira.
Quant à celui qui va la dresser, il y a un hic. Car ce sont ceux qui crient sur tous les toits qu’on doit dresser une liste de corrompus qui devraient être les premiers à y figurer. Je m’explique.

Une liste se concocte actuellement chez les avocats, chez les magistrats et chez les journalistes. Et, d’ores et déjà, on sait qu’il existe des « traineurs » de casseroles parmi les « dresseurs » de listes.
On imagine facilement la suite. Mohamed et Salah vont mettre Ali et Abdelkader sur la liste des corrompus. Réaction immédiate d’Ali et Abdelkader qui vont dresser, à leur tour, une 2ème liste sous 24 heures où l’on lira les noms de Mohamed et Salah. En 48 heures, on aura plusieurs listes comportant 100% des membres de la corporation.
Aucune corporation n’est propre, c’est tout le système qui est pourri. Et la majorité de ceux qui ont réussi, sous Ben Ali, ont profité ou composé, à des degrés divers, avec ce système. Il faudra donc un tiers certificateur.
La solution a été proposée par Ben Ali lui-même (étrangement) puis par Mohamed Ghannouchi avec la création de ces différents « machins » : haute instance, instance, commission, sous-commission, etc. Ils étaient supposés être neutres et totalement intègres.
Or ce que l’on voit dans ces « machins » est à la limite du honteux. Il ne se passe pas un jour sans que l’on entende une casserole. A la Haute instance, il ne reste que quelques tartempions qui se querellent comme des enfants à la cour de récréation. La commission de lutte contre la corruption fait l’objet de dizaines d’accusations. La dernière d’entre elles est celle de la liste des avocats qu’on a soigneusement cachée. A la commission de Kamel Laâbidi, on se moque carrément de la population. Le dernier exemple est cette interdiction de publicité politique alors que l’un des membres de cette commission en profite ouvertement dans son journal.

La Tunisie est, aujourd’hui, un laboratoire et les Tunisiens sont des cobayes. Les Américains regardent avec le plus grand intérêt ce qui se passe chez nous pour fixer leur politique internationale des 50 prochaines années. Quel que soit le comportement des Tunisiens et le sort de la Tunisie, ils tireront les conclusions nécessaires.
Les Européens, premiers partenaires, voudraient tant qu’on réussisse notre révolution pour pouvoir continuer à rester premiers partenaires.
Nos « frères » arabes voudraient tant qu’on échoue dans cette révolution pour que la contagion n’atteigne pas leurs pays.
En parallèle, et au lieu d’œuvrer à construire ce pays, nous sommes occupés par l’évasion de Saïda Agrebi, la libération de Béchir Tekkari et le sefsari de Jalila Trabelsi.
On veut une justice indépendante ? Laissons-la travailler ! On veut des médias libres ? Laissons-les travailler !
Toutes les corporations sont conscientes que la Tunisie a changé et que le peuple les surveille. Toutes les corporations sont conscientes que l’ère du clientélisme est finie et que seuls le sérieux et le professionnalisme paient.
Si l’on cherche à avancer, on doit regarder devant et jeter un coup d’œil au rétroviseur. Or, actuellement, certains « populistes » sont en train de regarder uniquement en arrière et imposer, par leurs cris et leur bruit assourdissant, au reste de la population de regarder avec eux en arrière.
Et BCE, lynché jusqu’à la fatigue, a fini par céder à ce populisme. Et il n’est pas le seul. Au lieu de travailler, tout le monde se trouve en train de se justifier.

Pendant ce temps-là, alors que l’on est occupé à se chamailler, certains sont en train de regarder en avant, sans se préoccuper du passé. Ils ont su tourner la page.
Les militants d’Ennahdha, tout d’abord. Ils ont été les principales victimes de la machine Ben Ali. Et pourtant, ils sortent rarement, ou presque jamais, pour exiger la condamnation des juges qui les ont mis en prison ou les médias qui les ont descendus et continuent encore à les descendre. Ils regardent vers l’avenir et préparent, à leur façon, la Tunisie de demain qu’ils souhaitent.
Les autres ? Les anciens du RCD qui maintiennent jusque là un quasi-silence et préparent leur retour. Avec toute leur expérience, toutes leurs connaissances, tout leur savoir-faire, toute leur discipline, ces deux pôles politiques, savent comment s’organiser, comment séduire les foules et comment convaincre les partenaires étrangers. Et je suis prêt à parier que c’est l’un d’eux qui va remporter la présidentielle.
Les autres, ils seront encore à la récré en train de se chamailler.

N.B. : Hommage à nos soldats morts le week-end dernier. Les uns s’amusent, certains essaient de travailler et d’autres se font tuer.
22/08/2011 | 1
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