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Baccalauréat 2016 : quand les disparités régionales touchent les résultats
19/06/2016 | 16:00
6 min
Baccalauréat 2016 :  quand les disparités régionales touchent les résultats

33.12 % est le taux de réussite au baccalauréat en session principale pour cette session 2016. Soit 42.587 candidats qui ont passé l'examen du bac et l'ont obtenu avec brio du premier coup, selon les chiffres annoncés par le ministère de l'Education. A la lumière de ces résultats annoncés par SMS aux candidats, le ministère de l’Education publie les taux de réussite par gouvernorat. Des chiffres qui  montrent la progression évidente du taux de réussite au bac mais qui sont, aussi, le reflet d'une réalité  tenace en Tunisie : celle des disparités régionales en terme de développement et d’égalité des chances.

 

Dans un communiqué rendu public vendredi 16 juin 2016, le ministre de l’Education annonce les résultats du Baccalauréat pour cette année 2016. On y apprend que sur les 135.612 candidats inscrits à l'examen du bac ,41.172 d'entre eux passeront la session de contrôle qui débutera le 21 juin jusqu'au 24 juin 2016, soit un taux d'ajournement de 32.02 %. Le taux de redoublement au bac s'élève, quant à lui, à 34.07 % soit 44.617 candidats recalés. On notera que tous les prétendants au certificat validant la fin des études secondaires ont eu droit aux 20 % de rajout dans la moyenne de l'épreuve, l'annulation de cette mesure, annoncée par Néji Jelloul, n'entrant en vigueur qu'à partir de 2017.

 

La session principale de l'examen du bac qui s'est déroulée du 5 au 12 juin dernier a été décrite par Néji Jaloul comme étant "une session exceptionnelle qui a permis de redorer le blason de ce diplôme et de lui redonner son rayonnement dans le système éducatif". Le ministre de l'Education a ajouté, lors d'une conférence de presse organisée au siège même du ministère, hier samedi 18 juin 2016, que la réforme éducative mise en place grâce au Livre Blanc (qui a fait couler beaucoup d'encre) a commencé à porter ses fruits pointant du doigt la hausse de 6 % du taux de réussite au bac par rapport à 2015.

Néji Jelloul a justifié les raisons de la réussite de cette session par la mise en place du système de contrôle continu et la règlementation des cours particuliers. Il a également salué les « efforts déployés par le Syndicat général de l'Enseignement Supérieur » ainsi que « l'esprit de discipline dont les candidats ont fait preuve ». Pourtant les taux de réussite par gouvernorat soulèvent aussi d'autres réalités bien plus pernicieuses.

 

Les chiffres de la session principale, annoncés par le ministre de l'Education au chef du gouvernement vendredi 16 juin au palais de la Kasbah, illustrent et confirment les inégalités régionales persistantes entre les gouvernorats tunisiens même si une nette amélioration du taux de réussite est perceptible sur tout le territoire de la République.

Ainsi Kasserine affiche un taux de réussite de 21.94 % cette année contre 11 % en 2015. A ce propos, le commissaire régional de l'Education à Kasserine a déclaré : "C'est un véritable exploit même si la région est classée dernière au niveau du nombre des candidats admis à cette session à l’échelle nationale". En effet, Kasserine a quasiment doublé son taux de réussite mais demeure en fin de peloton.

De son coté Sfax maintient son titre de ville placée au premier rang. En effet, les commissariats régionaux à l’Education Sfax 2 et 1 se sont classés, respectivement, au premier et au deuxième rang national pour la session principale du bac 2016. Sfax 2 a réalisé un taux de 55,23% et Sfax 1 un taux de 54,96%, contre un taux national de 33,12%.... Au troisième rang, le gouvernorat de l'Ariana affiche 47.94 % de taux de réussite. En effet, le lycée Pilote de l'Ariana a enregistré le troisième taux de réussite le plus élevé. Selon le responsable des examens scolaires à l'Ariana, Omar Nouioui, le lycée de l'Ariana a enregistré un taux de 98.71 % de réussite au bac en 2016. Le lycée pilote d'El Menzah VIII a enregistré quant à lui 98.28 % de réussite au bac en session principale.

C'est donc sans surprise que le gouvernorat de Tunis fait figure de région privilégiée. La délégation a compté 44.15% de réussite au bac contre 23.81 à Gafsa et 27.74 % à Sidi Bouzid par exemple.

 

Des chiffres qui montrent l'ampleur des disparités par région lorsque l’on voit que 9 gouvernorats ne dépassent pas les 30 % de réussite. Autre réalité frappante, la cartographie des résultats du bac en session principale coïncide avec la cartographie du développement régional en Tunisie. Ce qui prouve que les candidats n'ont pas accès au même type d'enseignement. Dans certains lycées comme à Jendouba par exemple, les candidats ne disposent  pas d'eau potable ni de couverture internet. Dans certaines zones intérieures, il existe encore  des difficultés de transports pour accéder aux établissements scolaires.

Anouar Ben Gadour, secrétaire général adjoint de l'UGTT, a indiqué dans un article rédigé sur ce thème dans le Maghreb que les conditions de vie des candidats influent directement sur leur capacité de réussite au bac. Il écrit : "comment voulez-vous qu'un candidat passe convenablement son bac lorsqu'il fait 40° au mois de Mai ou lorsqu'en hiver les températures sont négatives? " Il ajoute que l'Education nationale doit revoir le rôle qu'elle joue à la lumière de la montée de l’endoctrinement terroriste.

Le cabinet Targa Consult a indiqué, à ce propos, que les gouvernorats littoraux ont tous un taux de réussite supérieur à 35% à celui des gouvernorats de l'intérieur du pays qui ne dépasse pas les 33,5%.

 

 

Mais lorsque l’on sait que le baccalauréat est le sésame pour l’accès à l’enseignement supérieur, il y a lieu de poser une autre question, celle de l’après-bac. Il est à noter que le taux de réussite dans les différentes sections montre que la filière des Mathématiques est toujours aussi prisée puisque 59.14 % des bacheliers proviennent de cette filière contre 16.59% dans la section littéraire.

Aux cotés des bacheliers lambda, 5 prodiges tunisiens ont réussi l'exploit d'avoir leur bac avec les meilleures moyennes du pays. Il s'agit de Adam khachnaoui du Lycée Pilote de Nabeul qui a obtenu la moyenne de 19.77, Sirine Ben Slama du même lycée et qui a obtenu la moyenne de 19.54. Suivi de Haifa Tabii avec 17.62 de moyenne au bac et issu du Lycée de Menzel Jmil. Karim Rejeb du lycée Alia qui a obtenu la moyenne de 17.69 et Ahlem Rabhi de Akouda qui a obtenu la moyenne de 16.55.  Ces 5 lauréats, futurs boursiers de l'Etat tunisien, ont tous indiqué au micro de Shems Fm vouloir « poursuivre leurs études dans l'espace francophone ».

 

La problématique de la fuite des cerveaux souligne bien cette tendance tunisienne d'expatriation des hauts potentiels locaux. Ce flux d'intelligence vers l'étranger ou « fuite de matière grise » impacte l'économie tunisienne surtout dans le contexte de crise économique et de chute progressive de la valeur du dinar.

L'étude du taux de réussite au bac révèle l'importance du développement du capital humain et celle de son harmonisation sur tout le territoire tunisien. Il apparait que la réforme de l'Education doit passer par la voie de l'égalité régionale. Sans cela, le bac perdrait son rôle d'ascenseur social pour n'être que le lieu privilégié de la reproduction des inégalités et le futur vivier du terrorisme.

  

Crédit photo : Targa Consult


19/06/2016 | 16:00
6 min
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Commentaires (15)

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Hamadi
| 23-06-2016 09:37
Tout d'abord, j'espère que Monsieur le Ministre de l'éducation informera les citoyens de la formule de la potion magique qui a fait doubler,à Kasserine, le taux de réussite au bac par rapport à l'année dernière d'une part et d'autre part, le Bac est le fruit d'un parcours scolaire de 13 ans ou plus pendant lequel tout ou presque se joue en classe comme l'ont démontré les recherches anglo.saxonnes ou francophones récentes. Au delà du niveau socio-culturel des parents ,qui,eux aussi ont pour la plupart une histoire douleureuse avec l'école. le ministère ferait mieux dans un esprit d'équité ,pas d'égalité, de prendre ses responsabilités et donner plus à ceux qui en ont moins au niveau de la prise en charge des élèves qui ont des difficultés d'apprentissage, au niveau de la stabilité et de la formation des équipes d'enseignants et de direction avec des bonifications pour les motiver à rester dans ces regions ou n'y vont que les stagiaires, les remplacants et autres ou la plupart du temps ,ils ne s'investissent pas dans leur travail, ils s'absentent pour des motifs futiles et ne pensent qu'à obtenir leur mutation. Dans cet environnement éducatif néfaste, rien de positif ne peut se faire.

poisson du jour
| 20-06-2016 18:05
L'article résume bien la situation, mais dans l'absolut mm si le bac représente le minimum syndical requit dans notre société moderne , ce diplôme est un " faux positif " en tant qu'ascenseur social , je pense qu'en vue de ces résultats du baccalauréat, il faut reconsidérer notre système éducatif et pensé a intégré les " métiers " et les formations qui ne nécessitent pas de baccalauréat nous ne sommes pas tous doué pour les études ou nous n'avons pas tous les moyens d'en faire mais on peut apprendre un métier aka " san3a "

Sumesh
| 20-06-2016 13:05
Tres bien Ecrit! I believe results should not match and mark a students aptitude. I makes unresolved hopes and wants from life. How do we move away from this post colonial obsession with mathematical results.

Nephentes
| 20-06-2016 10:18
Ces disparités sont obscènes et ignobles.

il n' y a de richesses que d'esprit.

Sous le colonialisme Maktahr, Gafsa et Thala étaient pourvues de bibliothèques municipales auxquelles pouvaient accéder les indigènes.

De nombreuses activités de théâtre en plein air, pour enfants, de contes et d'animation culturelles et récréatives (films en plein air , initiation à la peinture et au dessin ..) étaient organisées par les instituteurs et la mairie.

Une vie culturelle et artistique aussi importante que celle des régions du littoral existait à Gafsa, Makhtar, Metlaoui et Thala.

Gafsa notamment était un centre culturel de première importance d'études islamiques : des cours religieux et juridiques étaient dispensés à la Grande Mosquée; de nombreux érudits furent ainsi formés dès le XVI siècle (famille BEN ABDELKADER)

Après l'indépendance, la vie culturelle s'est effondrée : bibliothèque dévalisée de plusieurs milliers d'ouvrages , plus de théâtre en plein air, piscine municipale réservée à quelques privilégiés, plus de projection de films et 'uvres artistiques etc...


Tout le Nord-ouest et le Centre-ouest allaient s'enfoncer dans une longue nuit...

Le résultat , vous l'observez aujourd'hui....

404
| 20-06-2016 09:33
BRAVO Monsieur le Ministre, une hausse de 6% Bravo applaudissez applaudissez

tous les monde est contant, il a redorer le blason du dîplome houra houra à notre Ministre qui sauve le BAC Tunisien

lagon
| 20-06-2016 08:42
Arrêtez de parler d'égalité des chances. Tout est dans la cervelle. Les sfaxiens sont réputés par le travail et l'abnégation(je ne suis pas sfaxien) le nord ouest et le sud- Est allez cherchez...Ce n'est même pas la faute à Ben Ali.

St Just!
| 20-06-2016 08:34
L'Etat ne peut pas abandonner les régions de l'intérieur à ces résultats ... Il est urgent de réduire cet écart entre les tunisiens... C'est malheureux que rien ne soit fait pour faciliter l'intégration de ces jeunes dans des vrais parcours de réussite.

momo
| 20-06-2016 08:31
En 1975 le taux de réussite au bac était de 15% ,4 élèves avec mention passable pour une classe de 25 ,la sélection était impitoyable ,avoir 13 ou 14/20 était une gage d'excellence ,alors que aujourd'hui 19 ,même 20/20 me parait surréaliste .
Ceux qui nous compare à la France ne connaissent rien au système français ,ni à la qualité, le suivi de l'enseignement et des enseignants .
Pour nous, enseigner est un boulot comme un autre ,pour le plus part d'entre eux ,est un métier,une vocation ,toute la différence est là .

mouaten
| 20-06-2016 03:45
Messieurs
il y'a beaucoup de paramètres et critères qui peuvent expliquer les différences dans les résultats:
- Le degré de la conscience des parents
- Le degré d'importance de l'enseignement dans les esprits
- le niveau socio-culturel
- ...
Article superficiel, et conclusion non fondée, à approfondir votre étude tenant compte de tout.

Kafteji bio
| 20-06-2016 02:31
Le poids du déterminisme social sur la réussite scolaire et même universitaire est mathématiques....c'est du lourd et mm très lourd ! Pourtant Neji Jaloul ne cesse de se lancer des fleurs et parle de session exceptionnelle ! En quoi cette session 2016 est elle exceptionnelle Mr le ministre?? Dites le nous