Les solutions de Néji Jalloul au décrochage scolaire
Le cabinet du ministère de l’Éducation a récemment communiqué les résultats du projet de réintégration des élèves dans les écoles, entamé le 11 novembre 2015. Sur 360 000 élèves en décrochage scolaire, seulement 12 687 ont retrouvé le chemin de l’école. Etat des lieux d’un phénomène pas si rare en Tunisie.
L’analphabétisme frappe la Tunisie de plein fouet, pour engendrer 1,7 million d’analphabètes, soit 15,2 % de la population, où 67,8 % seraient des filles. Le ministère de l’Education dresse le bilan sombre de la situation, chiffrant à 360 000 le nombre d’élèves, âgés entre 6 et 18 ans, ayant abandonné l’école et engendrant, ainsi, une perte de 36 % du budget accordé audit ministère.
En dehors des 40 % d’élèves renvoyés, les 60 % en décrochage scolaire « volontaire » choisissent de quitter leurs établissements scolaires à cause de la précarité et des conditions socio-économiques déplorables, dans leurs régions enclavées. Ce fléau demeure globalement massif chez les jeunes filles et particulièrement élevé en milieu rural, notamment dans les gouvernorats de Kasserine, Kairouan, Jendouba et Sidi Bouzid.
Pour réduire l’abandon scolaire précoce, le ministère de l’Éducation a établi la liste des enfants lésés pour dégager les causes de ce fléau. Ces enquêtes ont été menées en partenariat avec des acteurs externes au ministère de l’Education (entités économiques autonomes, associations et ONG, parents d’élèves).
Manque de moyen, insuffisance matérielle, défaillance pédagogique, défaut d’encadrement, absence d’assistance psychologique, cumul des échecs scolaires, difficultés d’accès à l’école (distance, dangers), inexistence de moyens de transport… éloignent la jeunesse du chemin de l’école et la laissent en proie à l’extrémisme, sous toutes ses formes.
L’émission « yaoumeyet mouaten », présentée par Sami Bennour et diffusée samedi 2 avril 2016, s’est penchée sur la souffrance quotidienne des écoliers de la délégation de Ghazela, du gouvernorat de Bizerte à accéder à l’établissement scolaire.
20 km de forêt et de piste accidentée distancent leur village de l’école. Outre la fatigue, ces enfants sont exposés aux intempéries et aux attaques d’animaux sauvages (loups et sangliers).
La pauvreté pousse certains parents à retirer leurs enfants de l’école, ils les jettent prématurément dans le monde du travail pour les pousser à subvenir aux besoins de la famille. Un échantillon représentatif de la communauté rurale et qui reflète la dimension colossale du chantier éducatif.
Disposant d’une marge de manœuvre limitée, le ministère de l’Éducation choisit de ne pas dépendre du trésor public et de recourir aux composantes de la société civile.
Plusieurs associations, agissant dans le milieu rural depuis plus de cinq ans, se sont mobilisées pour fournir les bases élémentaires de dignité pour permettre aux enfants de poursuivre leur scolarité.
Des actions à l’instar de « instruire c’est construire », menée par l’association Afreecan, consiste à prendre en charge des élèves des régions défavorisées et à créer des micro-projets pour les familles démunies pour réduire, voire éliminer, le travail chez les enfants. Est aussi à applaudir l’action "La Charrette Ecol'Eau" lancée par l’association un sourire pour tous, qui a construit une charrette rustique, tractée par un mulet, pour le ramassage scolaire et pour approvisionner, en eau, ces villages enclavés.

Pour conforter le projet de remettre les écoliers sur la voie de l’instruction, le ministère de l’Éducation a lancé, jeudi 31 mars 2016, une campagne de sensibilisation, en diffusant une courte vidéo sous le slogan : « l’école réintègre ses enfants » pour réveiller les consciences et attiser davantage d’appui.
M. Jelloul a annoncé l’élaboration du projet de loi, rendant obligatoire jusqu’à l’âge de 20 ans, la poursuite de son apprentissage dans un établissement scolaire étatique ou privé, sinon dans une institution de formation professionnelle.
Quelques autres démarches ont été envisagées et mises en place par les parties concernées, pour palier ces lacunes, telles les tentatives de convaincre les parents d’accorder une chance supplémentaire à leurs enfants, en leur permettant de retourner à l'école.
Seulement, la réintégration n’est pas une solution définitive, parce que certains enfants seront enclins de nouveau à quitter l’école si les causes principales de leurs abandons persistent.
Le ministère de l’Éducation a, de ce fait, développé la thèse de l’enseignement personnalisé et spécifique, pour exposer les formations et les recyclages dispensés au corps enseignant et à l’organisme psychologique chargés d’accompagner les écoliers et d’établir leurs revendications, au cas par cas.
Dans un contexte de mise-en-garde contre les endoctrinements dangereux, le ministère de l’Éducation multiplie les actions ponctuelles, comme la proposition de nouvelles disciplines sportives et culturelles dans les établissements scolaires et les annexes culturels. Cependant, la diffusion de la vision extrémiste chez les jeunes n’est pas, exclusivement, tributaire de l’éducation, cela nécessite l’engagement d’autres ministères, principalement le ministère de l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, le ministère de la Jeunesse et du Sport, ainsi que le ministère de la Culture.
Comparée à ses voisins magrébins, l’Algérie, la Lybie ou le Maroc, pourvus d’une manne pétrolière qui lui fait défaut, la Tunisie a toujours érigé son essor économique sur le développement intellectuel de son capital humain.
Aujourd’hui, il est temps de repenser l’éducation, non pas comme une exclusivité du ministère de l’Éducation, elle sollicite l’intervention des composantes de la société, toutes réunies, à l’écart de tout différend politique. C’est un investissement à long terme sur le potentiel humain et un rempart contre les maux sociaux, y compris la délinquance, le chômage et l’extrémisme.
Aziza Boussen