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Tunisie âEUR" Cette université qui ne répond pas aux attentes des sociétés !

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Le chômage frappe durement les diplômés du supérieur en Tunisie. En parallèle, les entreprises n’arrivent pas à trouver les compétences qu’elles cherchent et cela touche plusieurs secteurs.
L’enjeu est crucial : comment mettre à profit cette relation entreprise-université au service de l’employabilité pour répondre aux défis qui nous attendent ?
L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a ouvert un débat, pour ne pas dire une véritable polémique, en organisant, mercredi 7 juillet 2010, une conférence sur la relation université-entreprise et, plus précisément, sur «la formation universitaire et les enjeux de la compétitivité».
Le thème est on ne peut plus délicat. Il est tentant de mettre toutes les parties prenantes autour de la table et les inciter à rechercher des solutions, qui, dans le cas présent, consistent à œuvrer coude à coude, afin de créer un pont pérenne entre le monde universitaire et le milieu professionnel.
De prime abord, Hassen Zargouni DG du bureau d’études «Sigma Conseil» a dressé l’état des lieux de la situation de l’embauche (ou du chômage) en Tunisie qu’il a intitulé : "Attentes des entreprises et la formation universitaire : approche qualitative".
M. Zargouni n’a pas mâché ses mots et n’a pas épargné l’audience d’une salve de résultats : 22% des offres d’emploi ne sont pas satisfaites et on s’attend à 70% de demande additionnelle en 2014. Sur la tranche d’âge des 23-29 ans, le taux de chômage des diplômés reste plus élevé chez les femmes (46%) que chez les hommes (33%). 19% des non diplômés sont des travailleurs indépendants, contre seulement 4,8% des diplômés. Enfin, l’écart entre l’offre et la demande de travailleurs détenant un diplôme universitaire est de près de 30 000. Et de conclure, dans un premier stade, qu’il n y a pas une seule famille tunisienne qui n'ait pas été touchée par ce fléau. Il en ressort que le défi est tellement important qu’une seule partie ne saurait le relever ces défis, sans l’appui des autres.
Par ailleurs, quelque 60 000 à 70 000 étudiants obtiennent chaque année un diplôme universitaire, soit 60% des nouveaux venus sur le marché de l’emploi.
Comment ces nouveaux venus sont-ils perçus par les chefs d’entreprises tunisiennes ?
Selon Hassen Zargouni, « les dirigeants voient mal la "qualité" des "produits" de l’université : des compétences transversales insuffisantes, une culture entrepreneuriale limitée, un manque de professionnalisation des formations, des profils mal adaptés, peu de valorisation de la formation professionnelle à l’Université, formateurs peu préparés à la professionnalisation. »
Pis encore, les chefs d’entreprises ont la même perception des universités. Leur gouvernance, selon les interviewés cités par M. Zargouni, est introvertie, sclérose et dépendante à laquelle s’ajoute un faible pilotage selon les besoins de l’économie et de l’employabilité.
Côté encadrement, il est perçu comme insuffisant et peu favorable à une insertion au monde professionnel, faibles moyens pour un travail de qualité (insuffisance d’équipement scientifique, etc.) et surtout un manque flagrant en formateurs, selon le profil approprié. De plus, toujours selon l’étude de Sigma, les universités ne savent pas communiquer et ses produits et ses recherches scientifiques sont, souvent, rangés sur les étagères des bibliothèques.
En l’absence d’un cadre juridique permettant un partenariat public-privé adéquat, les chefs d’entreprises tunisiennes interviewés par M. Zargouni, se sont montrés sceptiques quant au devenir de cette relation.
Toujours est-il que ces mêmes entreprises ont leur lot de torts dans cette situation embarrassante de " je t'aime, moi non plus". Qu’on le veuille ou pas, l’entreprise tunisienne est quasi-absente du monde universitaire : manque de prise en charge globale et citoyenne de la problématique de l’emploi, absence d’associations professionnelles et syndicats patronaux dans les institutions universitaires, absence de parrainage de promotions, pas d’ouverture sur les «études de cas d’entreprises tunisiennes», pas de présence de représentants de grandes entreprises dans les établissements… M. Zargouni note également l’absence de stratégies d’insertion de stagiaires ou de « Primo demandeurs d’emploi » au sein de directions des ressources humaines, souvent défaillantes ou inexistantes.
Question légitime : quelles sont les portées concrètes des discours sur le partenariat entre le monde universitaire et le monde professionnel, qu’on entend depuis des années ? N’est-ce pas une "poudre de perlimpinpin", une solution souvent présentée comme miraculeuse, mais qui ne sert, pratiquement, à rien tant l’écart se creuse chaque jour entre les deux mondes ? Qu’est-ce qui ne marche pas ?
Ahmed Ben Hamouda, universitaire et ancien directeur de l’Institut Supérieur de Gestion, a avoué que les étudiants tunisiens sont en mal de référents pratiques et ça revient à un problème d’ingérence. En ce sens que tant que l’université est submergée et dominée par l’autorité de tutelle, elle ne peut parvenir à jouer son rôle de canalisateur de compétences. "On est vraiment accolé par les contrôleurs de gestion, une sorte de fonctionnaire appartenant à une caste qu’on ne saurait qualifier. Chaque initiative ambitionnant à valoriser nos compétences, chaque conférence, chaque déplacement nécessitant une mobilisation de fonds, sont souvent étouffés dans l’œuf tant qu’on n’a pas été autorisé par la hiérarchie. Et c’est souvent le cas. Même le ministère de tutelle est enchaîné, tout comme nous, par ces fonctionnaires. Résultat, notre champ d’action est limité", a-t-il précisé.
Boubaker Mehri, DGA du Groupe Délice et ancien universitaire, n’a pas hésité à « déshabiller » les établissements universitaires, repliés sur eux-mêmes, condamnant les étudiants à une formation à mille lieues des attentes des professionnels.
Les étudiants manquent lourdement d’informations sur le monde de l’entreprise et de son environnement. Et la faute revient à une université cloisonnée et sourde aux appels de l’ouverture.
Fayçal Derbel, l’expert-comptable et auditeur de renom, n’a pas épargné l’université, lui non plus. Il signale le manque d’équipements, la vétusté des salles et autres grands manquements d’ordre logistique et matériel, ce qui influe inévitablement sur la qualité des cours dispensés. Son constat est affligeant : « Il fut un temps où les Marocains venaient dans nos universités pour étudier. Aujourd’hui, c’est l’inverse. »
Les réflexions avancées et développées, lors de cette conférence, trouveraient-elles un écho ? Par delà le malaise qu’on a pu, malheureusement, ressentir dans les interventions, on sort avec un constat : à quoi servent les réformes, et les « réformes des réformes » de l’enseignement supérieur si on a atterrit dans cette zone de « crise »? A qui la faute ? Et surtout comment rattraper le coup ?
L’enjeu est crucial : comment mettre à profit cette relation entreprise-université au service de l’employabilité pour répondre aux défis qui nous attendent ?
L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a ouvert un débat, pour ne pas dire une véritable polémique, en organisant, mercredi 7 juillet 2010, une conférence sur la relation université-entreprise et, plus précisément, sur «la formation universitaire et les enjeux de la compétitivité».
Le thème est on ne peut plus délicat. Il est tentant de mettre toutes les parties prenantes autour de la table et les inciter à rechercher des solutions, qui, dans le cas présent, consistent à œuvrer coude à coude, afin de créer un pont pérenne entre le monde universitaire et le milieu professionnel.
De prime abord, Hassen Zargouni DG du bureau d’études «Sigma Conseil» a dressé l’état des lieux de la situation de l’embauche (ou du chômage) en Tunisie qu’il a intitulé : "Attentes des entreprises et la formation universitaire : approche qualitative".
M. Zargouni n’a pas mâché ses mots et n’a pas épargné l’audience d’une salve de résultats : 22% des offres d’emploi ne sont pas satisfaites et on s’attend à 70% de demande additionnelle en 2014. Sur la tranche d’âge des 23-29 ans, le taux de chômage des diplômés reste plus élevé chez les femmes (46%) que chez les hommes (33%). 19% des non diplômés sont des travailleurs indépendants, contre seulement 4,8% des diplômés. Enfin, l’écart entre l’offre et la demande de travailleurs détenant un diplôme universitaire est de près de 30 000. Et de conclure, dans un premier stade, qu’il n y a pas une seule famille tunisienne qui n'ait pas été touchée par ce fléau. Il en ressort que le défi est tellement important qu’une seule partie ne saurait le relever ces défis, sans l’appui des autres.

Comment ces nouveaux venus sont-ils perçus par les chefs d’entreprises tunisiennes ?
Selon Hassen Zargouni, « les dirigeants voient mal la "qualité" des "produits" de l’université : des compétences transversales insuffisantes, une culture entrepreneuriale limitée, un manque de professionnalisation des formations, des profils mal adaptés, peu de valorisation de la formation professionnelle à l’Université, formateurs peu préparés à la professionnalisation. »
Pis encore, les chefs d’entreprises ont la même perception des universités. Leur gouvernance, selon les interviewés cités par M. Zargouni, est introvertie, sclérose et dépendante à laquelle s’ajoute un faible pilotage selon les besoins de l’économie et de l’employabilité.
Côté encadrement, il est perçu comme insuffisant et peu favorable à une insertion au monde professionnel, faibles moyens pour un travail de qualité (insuffisance d’équipement scientifique, etc.) et surtout un manque flagrant en formateurs, selon le profil approprié. De plus, toujours selon l’étude de Sigma, les universités ne savent pas communiquer et ses produits et ses recherches scientifiques sont, souvent, rangés sur les étagères des bibliothèques.
En l’absence d’un cadre juridique permettant un partenariat public-privé adéquat, les chefs d’entreprises tunisiennes interviewés par M. Zargouni, se sont montrés sceptiques quant au devenir de cette relation.
Toujours est-il que ces mêmes entreprises ont leur lot de torts dans cette situation embarrassante de " je t'aime, moi non plus". Qu’on le veuille ou pas, l’entreprise tunisienne est quasi-absente du monde universitaire : manque de prise en charge globale et citoyenne de la problématique de l’emploi, absence d’associations professionnelles et syndicats patronaux dans les institutions universitaires, absence de parrainage de promotions, pas d’ouverture sur les «études de cas d’entreprises tunisiennes», pas de présence de représentants de grandes entreprises dans les établissements… M. Zargouni note également l’absence de stratégies d’insertion de stagiaires ou de « Primo demandeurs d’emploi » au sein de directions des ressources humaines, souvent défaillantes ou inexistantes.
Question légitime : quelles sont les portées concrètes des discours sur le partenariat entre le monde universitaire et le monde professionnel, qu’on entend depuis des années ? N’est-ce pas une "poudre de perlimpinpin", une solution souvent présentée comme miraculeuse, mais qui ne sert, pratiquement, à rien tant l’écart se creuse chaque jour entre les deux mondes ? Qu’est-ce qui ne marche pas ?
Ahmed Ben Hamouda, universitaire et ancien directeur de l’Institut Supérieur de Gestion, a avoué que les étudiants tunisiens sont en mal de référents pratiques et ça revient à un problème d’ingérence. En ce sens que tant que l’université est submergée et dominée par l’autorité de tutelle, elle ne peut parvenir à jouer son rôle de canalisateur de compétences. "On est vraiment accolé par les contrôleurs de gestion, une sorte de fonctionnaire appartenant à une caste qu’on ne saurait qualifier. Chaque initiative ambitionnant à valoriser nos compétences, chaque conférence, chaque déplacement nécessitant une mobilisation de fonds, sont souvent étouffés dans l’œuf tant qu’on n’a pas été autorisé par la hiérarchie. Et c’est souvent le cas. Même le ministère de tutelle est enchaîné, tout comme nous, par ces fonctionnaires. Résultat, notre champ d’action est limité", a-t-il précisé.
Boubaker Mehri, DGA du Groupe Délice et ancien universitaire, n’a pas hésité à « déshabiller » les établissements universitaires, repliés sur eux-mêmes, condamnant les étudiants à une formation à mille lieues des attentes des professionnels.
Les étudiants manquent lourdement d’informations sur le monde de l’entreprise et de son environnement. Et la faute revient à une université cloisonnée et sourde aux appels de l’ouverture.
Fayçal Derbel, l’expert-comptable et auditeur de renom, n’a pas épargné l’université, lui non plus. Il signale le manque d’équipements, la vétusté des salles et autres grands manquements d’ordre logistique et matériel, ce qui influe inévitablement sur la qualité des cours dispensés. Son constat est affligeant : « Il fut un temps où les Marocains venaient dans nos universités pour étudier. Aujourd’hui, c’est l’inverse. »
Les réflexions avancées et développées, lors de cette conférence, trouveraient-elles un écho ? Par delà le malaise qu’on a pu, malheureusement, ressentir dans les interventions, on sort avec un constat : à quoi servent les réformes, et les « réformes des réformes » de l’enseignement supérieur si on a atterrit dans cette zone de « crise »? A qui la faute ? Et surtout comment rattraper le coup ?
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