Chroniques
Que cache l'avenir pour l'investisseur en Tunisie ?

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Par Mourad El Hattab*
Dans un espoir hypothétique pour l’amélioration de la situation vers un équilibre économique tant attendu avec ses extensions sociales, les investisseurs tunisiens, en suspens depuis trois ans déjà, ont commencé à vivre l’inquiétude et l’anxiété voyant le mouvement du «climat» des affaires évoluant vers l’inconnu et les pressions s’accentuant de toutes parts.
Les données révélées par la BCT fin novembre 2013 montrent une continuité dans la décélération des concours à l’économie par rapport aux dix premiers mois de l’année précédente soit 5,8% contre 7,8%, ceci provient, certes, d’une baisse des crédits à l’investissement vu que les crédits octroyés aux particuliers se sont accrus entre septembre 2012 et juin 2013 de 5,6% soit 809,6 millions de dinars.
A ce niveau, on n’a pas tenu compte de l’évolution des comptes débiteurs des ménages.
Ainsi l’investissement piétine, du moins eu égard à l’aspect de son financement. Les causes sont multiples mais le climat des affaires, qui est une composante importante de l’environnement institutionnel, largement disloqué dans lequel opèrent les entreprises et comprenant divers volets tels que la qualité des infrastructures, le cadre politique et légal et les marchés financiers et du travail, a été un facteur de taille pour la dégradation de l’investissement en Tunisie.
Le contexte d’investissement: réalités et perspectives
D’après les résultats d’une enquête sur la compétitivité menée en 2012 par l’Institut de la compétitivité et des études quantitatives, la perception du climat des affaires et de l’investissement était, largement, caractérisée par la corruption suivie par l’insécurité ce qui engendrait des contraintes pour la pérennité de l’exploitation des entreprises et de la réalisation de leurs investissements.
Et pour cause, les statistiques du Centre tunisien de veille et d’intelligence économique dévoilent des dégradations au niveau des indices des climats d’affaires sectoriels, au terme du troisième trimestre de l’année en cours, variant de -6,9% pour le bâtiment à -10,2% pour les services.
Toutefois, on vient d’adopter, dernièrement, au pays de «la révolution», un nouveau code d’investissement évidemment plein de promesses. D’ailleurs, d’après ses concepteurs, le code en question donnera plus de garanties aux investisseurs, permettra l’accès aux marchés mondiaux, octroiera des incitations fiscales et des avantages financiers et créera même, suprématie oblige, une instance supérieure de l’investissement.
Ce nouveau cadre n’a pas été épargné par les critiques des principaux acteurs de la vie économique et sociale à l’instar de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), L'Union tunisienne de l'industrie, duc et de l'artisanat (UTICA), même par le prestigieux Institut tunisien des études stratégiques relevant de la présidence de la République pourtant dirigé par Tarek Kahlaoui, mais aussi par les experts et certains promoteurs.
La controverse tourne autour de l’impact flou au niveau sectoriel et régional des incitations, de la vision de la dynamisation de la compétitivité, du manque d’une conception de développement adossée à des objectifs précis. On évoque aussi la confusion sur le rôle de l’Etat, son champ d’intervention et la menace qu’encourt la souveraineté nationale.
En outre, des inquiétudes ont été invoquées quant à l’importation du chômage, aux effets néfastes sur le système national de sécurité sociale, au manque de mesures de nature à encourager les acteurs de l’économie souterraine à rejoindre le secteur formel, et à l’éventualité de transformer le pays en plate-forme de blanchiment et d’escroquerie internationale.
Quant à l’Institut tunisien des études stratégiques et selon son approche profonde d’analyse, le nouveau code ne serait pas approprié aux objectifs de la révolution vu qu’il ne prend pas en compte le vrai problème de l’emploi et du renforcement de la croissance tout en garantissant des avantages aux investissements directs étrangers sans faire de bilan-devises pour chaque projet afin d'éviter les hémorragies en monnaies étrangères.
Et les investisseurs dans tout ça !
Compte tenu des éléments exposés, pratiquement aucune partie prenante au niveau du domaine de la dynamisation des affaires économiques et sociales n’a pu cerner les contours de la «philosophie» sur la base de laquelle a été conçu le code. Espérons que les confusions n’ont pas été transmises à nos partenaires stratégiques.
Pour mémoire, ces derniers temps, plusieurs projets de lois défient toute logique cartésienne de législation, il suffit de citer la réglementation fiscale en gestation au titre de l’année 2014, les lois des habous, celles relatives au sukuks islamiques, la Zakat et j’en passe.
Si on ne maîtrise pas les règles de gouvernance de l’investissement et les déterminants de son attractivité qu’il soit intérieur ou extérieur, mieux vaut renoncer à toute élaboration de code en la matière. Par conséquent, les promoteurs se trouvent livrés à leur propre sort avec le risque de faire perdre au pays son potentiel capitalistique et créateur de richesses.
La mise en place d’un code d’investissement ne peut, en aucun cas, être un simple exercice de brassage de textes dispersés ou la transposition d’expériences étrangères. La création d’un cadre adéquat pour promouvoir les affaires et l’investissement nécessite la parfaite perception des spécificités économiques, sociales et culturelles d’un pays par des équipes de travail issues de différents horizons.
Rappelons, pour les concepteurs de notre nouveau code, que les déterminants de l’attractivité des investissements se regroupent selon différents facteurs à savoir, le contexte concurrentiel, les avantages comparatifs et l’internationalisation des coûts de transaction.
Ces dernières années, d’autres facteurs se sont ajoutés, il s’agit du risque pays, du traitement de l’investissement, de la gouvernance démocratique et participative, de la qualité du service et de la réglementation publique, du faible niveau de corruption et de l’investissement dans le capital humain.
La stabilisation macroéconomique, l’existence d’un Etat de droit, l’assurance d’une stabilité du taux de change, du chômage, du taux d’investissement intérieur et de la consommation publique, constituent aussi des éléments cruciaux pour les institutions internationales qui évaluent les climats des affaires et de l’investissement à travers le monde.
Dans la débâcle que vit La Tunisie depuis belle lurette, parler d’une structuration autour des éléments cités me paraît dépourvu de tout sens et à partir de cela, je pense qu’évoquer l’avenir de l’investissement dans un pays où règne le chaos, dominent les sectes et les esprits hermétiques décalés de siècles entiers par rapport à la civilisation actuelle relève de l’hypocrisie et de la malhonnêteté intellectuelle et scientifique.
*Spécialiste en gestion des risques financiers
Dans un espoir hypothétique pour l’amélioration de la situation vers un équilibre économique tant attendu avec ses extensions sociales, les investisseurs tunisiens, en suspens depuis trois ans déjà, ont commencé à vivre l’inquiétude et l’anxiété voyant le mouvement du «climat» des affaires évoluant vers l’inconnu et les pressions s’accentuant de toutes parts.
Les données révélées par la BCT fin novembre 2013 montrent une continuité dans la décélération des concours à l’économie par rapport aux dix premiers mois de l’année précédente soit 5,8% contre 7,8%, ceci provient, certes, d’une baisse des crédits à l’investissement vu que les crédits octroyés aux particuliers se sont accrus entre septembre 2012 et juin 2013 de 5,6% soit 809,6 millions de dinars.
A ce niveau, on n’a pas tenu compte de l’évolution des comptes débiteurs des ménages.
Ainsi l’investissement piétine, du moins eu égard à l’aspect de son financement. Les causes sont multiples mais le climat des affaires, qui est une composante importante de l’environnement institutionnel, largement disloqué dans lequel opèrent les entreprises et comprenant divers volets tels que la qualité des infrastructures, le cadre politique et légal et les marchés financiers et du travail, a été un facteur de taille pour la dégradation de l’investissement en Tunisie.
Le contexte d’investissement: réalités et perspectives
D’après les résultats d’une enquête sur la compétitivité menée en 2012 par l’Institut de la compétitivité et des études quantitatives, la perception du climat des affaires et de l’investissement était, largement, caractérisée par la corruption suivie par l’insécurité ce qui engendrait des contraintes pour la pérennité de l’exploitation des entreprises et de la réalisation de leurs investissements.
Et pour cause, les statistiques du Centre tunisien de veille et d’intelligence économique dévoilent des dégradations au niveau des indices des climats d’affaires sectoriels, au terme du troisième trimestre de l’année en cours, variant de -6,9% pour le bâtiment à -10,2% pour les services.
Toutefois, on vient d’adopter, dernièrement, au pays de «la révolution», un nouveau code d’investissement évidemment plein de promesses. D’ailleurs, d’après ses concepteurs, le code en question donnera plus de garanties aux investisseurs, permettra l’accès aux marchés mondiaux, octroiera des incitations fiscales et des avantages financiers et créera même, suprématie oblige, une instance supérieure de l’investissement.
Ce nouveau cadre n’a pas été épargné par les critiques des principaux acteurs de la vie économique et sociale à l’instar de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), L'Union tunisienne de l'industrie, duc et de l'artisanat (UTICA), même par le prestigieux Institut tunisien des études stratégiques relevant de la présidence de la République pourtant dirigé par Tarek Kahlaoui, mais aussi par les experts et certains promoteurs.
La controverse tourne autour de l’impact flou au niveau sectoriel et régional des incitations, de la vision de la dynamisation de la compétitivité, du manque d’une conception de développement adossée à des objectifs précis. On évoque aussi la confusion sur le rôle de l’Etat, son champ d’intervention et la menace qu’encourt la souveraineté nationale.
En outre, des inquiétudes ont été invoquées quant à l’importation du chômage, aux effets néfastes sur le système national de sécurité sociale, au manque de mesures de nature à encourager les acteurs de l’économie souterraine à rejoindre le secteur formel, et à l’éventualité de transformer le pays en plate-forme de blanchiment et d’escroquerie internationale.
Quant à l’Institut tunisien des études stratégiques et selon son approche profonde d’analyse, le nouveau code ne serait pas approprié aux objectifs de la révolution vu qu’il ne prend pas en compte le vrai problème de l’emploi et du renforcement de la croissance tout en garantissant des avantages aux investissements directs étrangers sans faire de bilan-devises pour chaque projet afin d'éviter les hémorragies en monnaies étrangères.
Et les investisseurs dans tout ça !
Compte tenu des éléments exposés, pratiquement aucune partie prenante au niveau du domaine de la dynamisation des affaires économiques et sociales n’a pu cerner les contours de la «philosophie» sur la base de laquelle a été conçu le code. Espérons que les confusions n’ont pas été transmises à nos partenaires stratégiques.
Pour mémoire, ces derniers temps, plusieurs projets de lois défient toute logique cartésienne de législation, il suffit de citer la réglementation fiscale en gestation au titre de l’année 2014, les lois des habous, celles relatives au sukuks islamiques, la Zakat et j’en passe.
Si on ne maîtrise pas les règles de gouvernance de l’investissement et les déterminants de son attractivité qu’il soit intérieur ou extérieur, mieux vaut renoncer à toute élaboration de code en la matière. Par conséquent, les promoteurs se trouvent livrés à leur propre sort avec le risque de faire perdre au pays son potentiel capitalistique et créateur de richesses.
La mise en place d’un code d’investissement ne peut, en aucun cas, être un simple exercice de brassage de textes dispersés ou la transposition d’expériences étrangères. La création d’un cadre adéquat pour promouvoir les affaires et l’investissement nécessite la parfaite perception des spécificités économiques, sociales et culturelles d’un pays par des équipes de travail issues de différents horizons.
Rappelons, pour les concepteurs de notre nouveau code, que les déterminants de l’attractivité des investissements se regroupent selon différents facteurs à savoir, le contexte concurrentiel, les avantages comparatifs et l’internationalisation des coûts de transaction.
Ces dernières années, d’autres facteurs se sont ajoutés, il s’agit du risque pays, du traitement de l’investissement, de la gouvernance démocratique et participative, de la qualité du service et de la réglementation publique, du faible niveau de corruption et de l’investissement dans le capital humain.
La stabilisation macroéconomique, l’existence d’un Etat de droit, l’assurance d’une stabilité du taux de change, du chômage, du taux d’investissement intérieur et de la consommation publique, constituent aussi des éléments cruciaux pour les institutions internationales qui évaluent les climats des affaires et de l’investissement à travers le monde.
Dans la débâcle que vit La Tunisie depuis belle lurette, parler d’une structuration autour des éléments cités me paraît dépourvu de tout sens et à partir de cela, je pense qu’évoquer l’avenir de l’investissement dans un pays où règne le chaos, dominent les sectes et les esprits hermétiques décalés de siècles entiers par rapport à la civilisation actuelle relève de l’hypocrisie et de la malhonnêteté intellectuelle et scientifique.
*Spécialiste en gestion des risques financiers
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