Depuis le 2 juin 2025, plusieurs pages Facebook ont partagé des publications affirmant que l’ancien président américain Joe Biden aurait déclaré dans une interview accordée au Washington Post : « Je n’ai jamais vu de président arabe comme Kaïs Saïed. Malgré toutes les offres et les milliards, il a choisi son peuple ».

D’autres publications vont plus loin, affirmant qu’un journal libanais aurait écrit : « Nous avons besoin d’un Kaïs Saïed au Liban pour lutter contre la corruption ».

Ces messages sont largement relayés, accompagnés de commentaires tels que : « Voilà pourquoi on l’aime, parce que c’est un homme qui a choisi son peuple au lieu de la mafia », ou encore : « Tout notre soutien, Monsieur le Président ».

Pour vérifier la véracité de ces propos, nous avons entrepris plusieurs démarches.
Nous avons d’abord consulté les archives de la Maison-Blanche (whitehouse.gov), ainsi que l’ensemble des déclarations officielles de Joe Biden. Aucune mention du président Kaïs Saïed ni de la Tunisie n’y figure, que ce soit dans les discours, les points de presse ou les déclarations publiques.

Nous avons également examiné les interviews accordées par Joe Biden à la presse américaine, notamment au Washington Post, au New York Times et à des chaînes de télévision. Là encore, aucune interview publiée récemment ne fait référence à Kaïs Saïed ni n’exprime un quelconque soutien à son égard.

La dernière déclaration officielle sur la Tunisie remonte à août 2021, lorsqu’une délégation de la Maison-Blanche avait été envoyée à Tunis après la suspension du Parlement par Kaïs Saïed. Dans un communiqué, l’administration Biden appelait alors à « un retour rapide à l’ordre constitutionnel et à un gouvernement démocratique en Tunisie ».

Depuis, aucune déclaration présidentielle directe sur Kaïs Saïed ou sur la Tunisie n’a été rendue publique. Les prises de position récentes concernant la Tunisie émanent principalement du Département d’État américain. Joe Biden ne s’est pas exprimé publiquement sur ce sujet, et aucune mesure directe n’a été annoncée.

Par ailleurs, aucune publication récente dans les grands journaux libanais — L’Orient-Le Jour, Al-Akhbar, An-Nahar — ne contient de phrase évoquant « le besoin d’un Kaïs Saïed pour lutter contre la corruption au Liban ».

Les messages diffusés sur les réseaux sociaux semblent donc être des fabrications. Ils exploitent une mise en scène émotionnelle et patriotique afin de susciter l’adhésion populaire autour du président tunisien, en s’appuyant sur une prétendue validation par une figure étrangère de premier plan.

Notons également que le ton et le style attribués à Joe Biden ne correspondent en rien à son registre diplomatique habituel. Aucun enregistrement, extrait vidéo, article de presse ou communiqué officiel ne vient étayer ces propos.

Les dernières déclarations publiques de Joe Biden portent sur la politique intérieure des États-Unis, la transition présidentielle et les risques liés à la concentration du pouvoir économique. Dans son discours d’adieu du 15 janvier 2025, il a exprimé ses inquiétudes quant à la montée d’une « oligarchie » aux États-Unis, sans faire aucune mention de la Tunisie ou de Kaïs Saïed.

Joe Biden n’a jamais déclaré que Kaïs Saïed avait « choisi son peuple malgré les milliards ».
Il n’a accordé aucune interview récente au Washington Post ni à un autre média, américain ou international, dans laquelle il aurait loué le président tunisien.

La citation qui lui est attribuée est sans fondement, absente de toute source officielle ou crédible.

R.A.