alexametrics
dimanche 28 avril 2024
Heure de Tunis : 22:34
A la Une
Tunisie - Le penchant anti-moderniste de Salem Labiadh alimente la polémique
11/03/2013 | 1
min
Tunisie - Le penchant anti-moderniste de Salem Labiadh alimente la polémique
{legende_image}
Si Ennahdha a laché son emprise directe sur les ministères de souveraineté avec la nomination de personnalités non-nahdhaouies à la tête de ces départements, plusieurs voix se sont déjà élevées pour contester la nomination de Salem Labiadh à la tête du ministère de l’Education. On lui reproche un anti-modernisme très poussé, voire haineux, que plusieurs franges de la société craignent de voir transposé dans les choix éducationnels du pays. Qu’en est-il ?

Avant même que le gouvernement Laâreyedh n’obtienne la confiance de l’Assemblée, de nombreuses voix se sont déjà élevées pour contester certains noms, notamment ceux des anciens ministres ayant déjà prouvé leur incapacité, notamment Abdelwahab Maâter, mais aussi Salem Labiadh, nommé à l’Education, dont une large frange de la classe politique a vu en sa nomination le parachutage d’un islamiste allié à Ennahdha dans un secteur censé être géré par un indépendant selon une vision consensuelle.

Plusieurs cadres du ministère de l’Education de diverses obédiences politiques ainsi que des membres actifs de la société civile font de multiples reproches au nouveau ministre.

‘A travers sa longue tournée des plateaux télévisés et des émissions radiophoniques dans la période post-révolution, ainsi que le long des articles de presse qu’il a écrits, le sociologue Salem Labiadh a fait preuve d’allégeance ouverte à la Troïka gouvernante, en essayant de lui trouver des justifications à un échec qui se perpétue et qu’il attribue à l’opposition qui ne laisse pas le gouvernement travailler’, lui reprochent-ils.

Le membre de l’Assemblée nationale constituante, Samir Taïeb, dit de lui qu’il ‘ne fait que calomnier continuellement l’opposition moderniste qualifiée d’orphelins de la France ou de déchets de la francophonie, ce qui ne le place nullement dans une position de ministrable, surtout pas au département de l’Education’.

A souligner que le nom de Salem Labiadh a gagné, tristement, en notoriété lorsque Béji Caïd Essebsi avait refusé sa présence sur le plateau télévisé de ‘Watania 2’ un certain 9 février 2012.

L’ex-premier ministre s’est abstenu de justifier sa position. Mais, ses justifications seraient en rapport avec le penchant nationaliste arabe à la limite de l’agressivité et de la haine de Salem Labiadh envers les Destouriens, au nom d’un yousséfisme que Salah Ben Youssef, lui-même, aurait renié.

Le sociologue, désormais ministre de l’Education, accuse les destouriens et les modernistes de tous les maux du pays. Il n’épargne pas l’UGTT car c’est Habib Achour qui a aidé Bourguiba dans la tenue du congrès de Sfax de 1955 du parti destourien, qui a scellé la victoire de l’aile de Bourguiba au sein du parti. Il avertit aujourd’hui l’UGTT afin qu’elle ne reprenne pas les erreurs du passé.

C’est de cet esprit rancunier que le camp de modernistes et autres destouriens a peur. Ledit camp conteste aujourd’hui la nomination de Salem Labiadh avant même qu’il ne débarque au ministère, ‘lui reprochant ce penchant de vengeance qui ne saurait être celui d’un ministre de l’Education, censé être tolérant et ouvert à tous’, précise Selma Khantèche, enseignante à Tunis. Mais, comment a-t-il été choisi ?

Le nom de Salem Labiadh à la tête du ministère de l’Education n’a été dévoilé qu’à la fin des tractations sur le nouveau gouvernement. Au départ, c’est le nom de Mohamed Goumani qui a été avancé.

Ce dernier a même quitté l’Alliance démocratique parce qu’Ennahdha lui a promis ce poste, alors que l’Alliance a refusé de rejoindre le gouvernement. Goumani a claqué la porte de sa pseudo-alliance politique pour ce poste ministériel. Ennahdha ne lui a pas rendu la monnaie en son espèce.

A la surprise générale, Ennahdha a lâché Goumani et choisi Salem Labiedh, l’ami des frères Ali et Ameur Laâreyedh. Labiadh a passé son année d’enrôlement forcé à l’armée avec Ameur Laâreyedh. Depuis, ils sont très proches.

En plus, politiquement parlant, M. Labiadh pourrait mieux servir les desseins d’Ennahdha que Goumani, plus aguerri aux débats politiques et pouvant faire preuve de plus d’indépendance de décision.

En effet, Salem Labiedh répond à l’évaluation qu’il fait lui-même du Tunisien : « il ne s’est pas encore débarrassé du syndrome du ‘parti providence’ et a tendance à s’aligner sur les positions du parti au pouvoir pour servir ses intérêts. Les partis au pouvoir ont pris conscience de cette donne comportementale et l’utilisent pour renflouer leur troupes », a-t-il dit.

Ennahdha a donc exploité le penchant anti-destourien et anti-moderniste de Salem Labiadh pour en faire son candidat idéal au ministère de l’Education, celui qui sert ses intérêts sans lui appartenir organisationnellement.
 
Les modernistes lèvent déjà les boucliers. Mais, les observateurs pensent que le secteur est très difficile, voire ingérable. Donc, ce n’est pas le passage de quelques mois, voire d’une année, de Salem Labiadh, qui va changer le cours des choses.

Côté syndicat, les structures attendent de pied ferme ce nouveau ministre. Le secrétaire général du Syndicat de l’enseignement secondaire, Lassaâd Yaâkoubi, préfère toutefois ne pas se prononcer tant qu’il n’a pas vu ce ministre à l’exercice.

‘Le monde de l’Education en Tunisie dispose de ses traditions de gestion participative, surtout après la révolution’, a-t-il néanmoins dit. ‘Nous avons travaillé avec plusieurs ministres sans que quiconque parmi eux ne soit parvenu à changer cette culture moderniste ancrée depuis plusieurs décennies. La révolution ne saurait que développer cet esprit dans une logique de valorisation des idées de liberté et de démocratie’, a-t-il ajouté.

Il est connu que les régimes islamistes tiennent toujours et, surtout, à s’approprier le ministère de l’Education, stratégique et névralgique pour inculquer les valeurs aux enfants et aux jeunes adolescents.

Et si les dés semblent être jetés concernant la nomination de Salem Labiadh, parachuté au dernier moment par le parti d’Ennahdha, la dynamique sociale créée en Tunisie après la révolution, notamment au niveau de la société civile, est en mesure de faire échouer tous les projets rétrogrades que M. Labiadh serait tenté d’imposer.
 
11/03/2013 | 1
min
Suivez-nous