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Tunisie – Blanchiment d'argent : filon noir pour argent sale
02/12/2013 | 1
min
Tunisie – Blanchiment d'argent : filon noir pour argent sale
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Trafic d’armes, corruption, financement du terrorisme et blanchiment d’argent. La Tunisie n’en est pas épargnée…et ne l’a jamais été. Mais avec la révolution du 14 janvier 2011, le pays est devenu un véritable filon pour l’argent sale à cause de la fragilité de sa situation sécuritaire conférant une certaine impunité. Un sujet certes hermétique mais dont les cas ont explosé après la révolution. 249 déclarations de suspicion sont parvenues à la commission tunisienne des analyses financières relevant de la Banque Centrale, cette année, dont les premiers responsables sont des personnalités politiquement exposées. La Tunisie, nouvelle niche pour le blanchiment d’argent, elle n’en est, en tout cas, pas bien loin…

Mille dossiers de corruption on été déposés depuis la révolution. Cette année, 249 déclarations de suspicion sont parvenues à la commission tunisienne des analyses financières, cellule de renseignements financiers présidée par le gouverneur de la Banque Centrale et comprenant des membres représentant les départements de la douane et de la police, et des magistrats. Parmi ces déclarations, 119 ont fait l’objet d’une transmission au procureur de la république et 58 ont donné lieu à un gel des avoirs des personnes impliquées.

Selon les explications de Habiba Ben Salem, représentante de la commission, intervenue en marge d’un séminaire sur la lutte contre le blanchiment d’argent en Tunisie, la loi tunisienne anti-blanchiment implique que toute détection d’une opération inhabituelle doit faire l’objet d’une déclaration de soupçon auprès de la commission, de la part de l’établissement bancaire, de la compagnie d’assurance ou de l’établissement financier non bancaire auprès duquel elle est réalisée.

La commission se chargera de l’appréciation du bien fondé et, le cas échéant, du transfert du dossier au procureur de la république pour déclencher les investigations utiles et soumettre le cas au tribunal compétent.

Les récents événements du Printemps Arabe ont boosté le blanchiment d’argent dans les pays qui l’ont vécu, dont notamment, la Tunisie. En effet, les transactions douteuses vont crescendo, en fonction des événements. La Tunisie se retrouve désormais parmi les pays les plus touchés par ce genre de pratiques auprès d’Etats tels que la Suisse ou la Belgique, où elle apparaît, respectivement, en deuxième et en cinquième place des pays d’où l’argent sale est transféré.

Le blanchiment d’argent, élément des techniques de la criminalité financière, consiste à dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale. Mais qui dit blanchiment, dit automatiquement trafic d’armes et de drogues, prostitution, contrebande, corruption, et bien sûr, financement du terrorisme.

D’importantes opérations sont planifiées par des groupes internationaux et régionaux terroristes, liés à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et de grandes sommes d’argent devraient leur parvenir via la Tunisie. Nasr Ben Soltana, président du Centre tunisien des études de la sécurité globale, affirme même que « l'introduction d'armes, de drogues et d'argent par les frontières vers la Tunisie sert à financer les opérations terroristes et à soutenir les groupes terroristes dont l'activité s'est intensifiée après la révolution».

La Tunisie est-elle en passe de devenir une niche pour le blanchiment d’argent étranger ? Il y a des risques en effet pour que cela puisse être le cas.

Le ministre auprès du chef du gouvernement chargé de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, Abderrahmane Ladgham, ne nie pas, de son côté, que de l’argent sale a servi au financement d’associations, voire de partis politiques, aux sources obscures et douteuses. En effet, certains organismes dépensent des sommes d’argent faramineuses lors de leurs campagnes, meetings et réunions de tout genre. Certaines associations, très controversées, ont des sources de financement encore inconnues, telles que les Ligues de protection de la révolution, pour ne citer que celles-ci.

Mais le blanchiment d’argent est une opération très complexe. Alors que les banques disposent de filtres anti-blanchiment vérifiant la provenance et l’identité de la personne qui se cache derrière toute entrée de devises, les opérations de blanchiment interne ou ne passant pas par le réseau bancaire échappent à tout contrôle.

La situation économique et financière, sérieusement compromise en Tunisie actuellement, peut se retrouver davantage entachée auprès des investisseurs étrangers face à la prolifération de telles pratiques. Par ailleurs, avec l’inflation galopante, l’entrée de devises étrangères, non comptabilisées à la Banque Centrale, ou alors les opérations de création de monnaie interne, non déclarées, peuvent énormément contribuer à augmenter cette inflation. Une opération qui peut également impacter la liquidité bancaire ou même engendrer la chute des prix des actions, lorsqu’il est transféré vers la bourse et retiré subitement.

Depuis des mois, on a assisté à des saisies d’armes, des quantités de drogues ainsi que de milliers d’euros dans nombreuses villes tunisiennes, dont certaines sont frontalières avec la Libye, ce qui explique l’origine des fonds. Mais il n’existe pas de réelle lutte contre le blanchiment d’argent sans combat contre ses sources de financement et les crimes qui y sont liés.

Pour éviter que la Tunisie ne devienne une niche pour les blanchisseurs d’argent, Nabil Abdellatif, président de l’Ordre des experts comptables, recommande la mise en place d’un observatoire spécifique dont la mission sera de suivre, contrôler et détecter ce genre de crimes.

Par ailleurs, des projets de loi sont actuellement en cours d’élaboration dans le but de protéger les dénonciateurs de la corruption, l'actualisation de la liste des crimes relatifs à la corruption, la criminalisation du gain illégal, et la réforme de la structure du contrôle. En attendant, l’économie accuse un coup dur et la solution semble être également politique, compte tenu des nombreux actes de corruptions qui prévalent dans le milieu politique.

 
Synda TAJINE
02/12/2013 | 1
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