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Success Story - Mehdi Cherif : l’inspiration d’un jeune insoumis
28/01/2018 | 16:00
7 min
Success Story - Mehdi Cherif : l’inspiration d’un jeune insoumis

C’est des étoiles, mais aussi des projets, plein la tête, que Mehdi Cherif s’est confié à Business News. Celui qui, à 18 ans à peine, a rédigé un livre sur la réforme de l’éducation nationale, compte bien se consacrer à ce domaine. Loin des sentiers battus, des chemins balisés et des plans de carrière bien lisses,  Mehdi se décrit comme « un insoumis ». Un rebelle qui milite pour que les jeunes de son âge puissent devenir « maîtres de leur destinée » et réaliser « un véritable impact ».

 

Ceci n’est pas une Success Story comme les autres. Ceci est l’histoire d’une inspiration, d’une volonté de sortir des chemins classiques et de tout mettre en œuvre pour devenir un acteur du changement. « Toute ma vie, lorsque j’ai été confronté à des difficultés, on m’a dit de serrer les dents et de survivre. Je ne veux plus subir les choses, je pense qu’à tout âge, on peut apporter un changement et avoir un impact », nous a confié Mehdi Cherif.

Mehdi Cherif a 19 ans aujourd’hui mais ses projets ne ressemblent pas aux plans classiques d’un jeune de son âge. « Je ne me considère pas comme une Success Story. Je pourrais peut-être l’être, un jour, quand je serai devenu financièrement indépendant et que j’aurai atteint mes objectifs », nous confie-t-il. « J’ai eu de la chance », a-t-il répété tout au long de l’entretien que nous avons eu avec lui un mercredi 24 janvier 2018. Une chance qu’il ne prend pourtant pas pour acquise et qu’il a décidé de transformer en changement.

 

« Je pensais que le système éducatif français était la pire chose qui pouvait exister »

Fils de diplomate, Mehdi a eu l’occasion de vivre à l’étranger depuis son enfance. D’abord aux Etats-Unis ensuite en Suisse où il a passé une partie de sa scolarité. Il revient s’installer en Tunisie en 2011 pour terminer ses années collège et lycée au sein du système français.

« Lorsque je suis rentré en Tunisie, je pensais que le système éducatif français était la pire chose qui pouvait exister. J’étais loin du compte. J’ai eu l’occasion de discuter avec un cousin inscrit dans une école publique tunisienne qui m’a, un jour, dit que j’avais de la chance d’être dans le système français ». C’est là qu’il a eu un déclic. Mehdi Cherif a commencé à s’informer de très près sur la situation de l’enseignement en Tunisie afin de pouvoir, à son niveau, apporter sa pierre à l’édifice.

« J’ai fait des recherches  sur la pédagogie, le système scolaire, la réforme de l’éducation en Tunisie mais aussi dans le monde. J’ai contacté des enseignants, des parents d’élèves, des directeurs d’écoles, des élèves, des conseillers au sein du ministère de l’Education, des experts dans le domaine de l’Enseignement, etc. J’ai aussi suivi des cours en ligne sur la réforme de l’éducation et les sciences de l’éducation en général, la fondation de l’école en Tunisie et à l’international… C’est devenu une véritable passion ».

 

Engagé très jeune dans le milieu associatif

Mehdi a commencé à s’engager très tôt dans le milieu associatif, vers l’âge de 15 ans. Il intégrera des associations comme « le Modèle de l’Union africaine », le « Tunisia Africa Forward », le « Croissant Rouge », et autres. A 17 ans, il est invité à participer à des débats autour de la réforme de l’enseignement au sein de l’American Corner d’Amideast. Il a également été sélectionné pour participer aux « Spark Talk » de la Fondation Biat pour la Jeunesse et termine finaliste du programme « Andi Fekra » de Tunisie Telecom pour promouvoir les jeunes entrepreneurs, grâce à une invention, toujours dans le domaine de l’enseignement.

Il occupe par ailleurs le poste de porte-parole de l’association « Wallah We Can » et finit par être remarqué par le Think Tank « Tunisie Alternative ». Affecté au pôle Culture, et entouré d’une équipe d’experts, il continuera à travailler sur la réforme de l’enseignement. « Tout ce travail associatif m’a énormément appris et tout ça m’a permis d’avancer dans l’écriture de mon livre », dit-il.

 

 

« Réflexions d’un élève insoumis »

Avec son bac en poche, et major de sa promotion, Mehdi décide de prendre une année sabbatique et de se consacrer à la rédaction de son livre « Réflexions d’un élève insoumis : Ma contribution à la réforme de l’Education ». Sorti en août 2017, ce livre représente, selon son auteur, « un diagnostic et une analyse critique du système éducatif tunisien. Ma situation d’élève qui a étudié à l’étranger et évolué au sein du système français m’a donné un certain recul et une neutralité afin d’aborder ce sujet objectivement. Je voulais mettre sur papier l’avis d’un élève et sa vision de ce que pourrait être un meilleur système éducatif ».

Concrètement, Mehdi espère, à travers son livre, permettre aux jeunes « d’avoir le choix ». « Durant tout leur cursus, les élèves ne choisissent rien du tout. Au lieu de décider de ce qu’ils aimeraient faire, ils ne font que subir. Ceux qui ont de bonnes moyennes sont orientés vers les filiales scientifiques et finissent, à terme, par faire médecine, ingénierie ou autre, à cause justement, de la pression sociale et de la mauvaise réputation de certaines branches comme la littérature par exemple »

Tout ceci contribue, selon Mehdi Cherif, à créer des jeunes « complètement, passifs, démotivés et désengagés de leur scolarité, qui ne se sentent pas à leur place et qui ont l’habitude que tout soit choisi pour eux ». « Ils ne seront jamais satisfaits ni de leur vie, ni de leur carrière », ajoute-t-il.

« Ceci perpétue la mentalité selon laquelle on doit quelque chose à ces diplômés car ils auront consenti à travailler et à passer du temps à s’instruire. C’est quelque chose que je considère comme négative pour les générations futures et donc pour l’avenir du pays ».

 

Si son livre n’a pas encore apporté «l’impact » souhaité, Mehdi ne démord pas.  « Nous avons un réel problème au niveau du ministère de l’Education. Le nombre important d’acteurs impliqués – entre professeurs, inspecteurs, syndicats, élèves, parents, organisations internationales, experts et autres – rend la tâche très compliquée. Chacun a son propre agenda et ses propres intérêts et chacun guette le moindre changement pour s’attaquer au ministère ».

« Ce livre a permis de me donner une certaine crédibilité. Crédibilité que je continue de travailler aujourd’hui pour qu’un jour je puisse personnellement, mettre quelque chose en place. Je suis en train de travailler sur moi-même et sur ma personne. A terme, je voudrais m’établir en tant qu’expert dans l’éducation ». Voilà qui est dit !

Pour y arriver, il ne lésine pas sur les moyens. « Je suis en train d’étudier de près la réforme de l’éducation, d’écrire des articles et de communiquer par tous les moyens ma vision et mes idées ». Pour ce faire, il décide de créer sa page web et aura bientôt sa propre chaîne Youtube. « Je veux que le débat sorte de la sphère politisée et qu’on puisse, enfin, rentrer dans ses spécificités ».

Mehdi veut relancer le débat, non seulement sur la réforme de l’enseignement et de l’éducation mais aussi sur une « vision alternative du succès ».

 

Les chemins du succès sont multiples

 « Je suis réfractaire à cette idée qu’il existe un seul modèle de réussite. Que la seule solution est le parcours classique – études, diplômes, embauche - suivi par les étudiants. Ceci peut arranger certaines personnes mais pas moi ».

Celui qui avait fait, il y a quelques années, de l’intégration d’universités prestigieuses comme Harvard, sa priorité, change de trajectoire aujourd’hui. « Je pense que les diplômes sont importants pour la réussite mais je pense aussi qu’il est possible de réussir autrement ».

«Après avoir postulé dans de nombreuses facultés internationales très prestigieuses, j’ai décidé de changer de trajectoire et j’ai pris conscience qu’il était temps que je commence enfin à faire ce qui me plaisait vraiment. J’ai donc décidé de transformer cet échec en succès et de concrétiser cette ambition ». Mehdi décide alors de faire bénéficier son pays de sa flamme et de ne pas quitter la Tunisie à l’heure actuelle.  

 

En attendant de parvenir à devenir un expert dans le domaine, Mehdi Cherif frappe à toutes les portes. Il essaye de faire de la radio, sans grand succès. Il tente aussi le milieu de l’entrepreneuriat, mais les deux start-ups qu’il lance, dans le domaine de l’enseignement, ne sont pas un franc succès.

« Mes choix de carrière n’ont, évidemment, pas plu à mes parents. J’ai donc décidé de quitter la maison et de m’installer chez des membres de la famille ».

Tout en projetant de s’inscrire dans une université en Tunisie « ou de suivre des cours en ligne », Mehdi cherche actuellement du travail « histoire de devenir financièrement indépendant » et de pouvoir se consacrer à ce qu’il aime vraiment : réformer l’enseignement tunisien.  « Je ne suis pas encore sorti de la zone de danger aujourd’hui. Je me bats tous les jours et je me tue au travail  pour gagner en crédibilité ».

 

Comment se voit-il dans 10 ans ? Mehdi ambitionne de devenir un expert reconnu et respecté dans le domaine de l’enseignement, d’être, encore, engagé dans le milieu associatif et de devenir présent sur la scène publique tunisienne. Il travaille également sur un deuxième livre, toujours dans la même vision.

A seulement 19 ans aujourd’hui, Mehdi Cherif est encore à la croisée des chemins. S’il y a, cependant, un message qu’il veut faire passer aux jeunes de son âge c’est « de ne plus subir mais de décider eux-mêmes de leurs destinées et de travailler à changer les choses ».

 

Synda TAJINE

28/01/2018 | 16:00
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