Pendant que les deux coqs sont au poulailler…
A l’actualité cette semaine, le Front national en France qui réalise un record de voix aux élections régionales sans toutefois remporter une région, le meeting de Lazhar Akremi et Mohsen Marzouk à Hammamet devant 1500 femmes et la visite de Habib Essid à Sheikha Mooza à Doha.
L’autre actualité de la semaine (moins importante, celle-là ne regarde que le peuple), la condamnation de jeunes à douze mois de prison pour consommation de cannabis et la condamnation d’autres jeunes à 3 ans de prison pour homosexualité.
Dimanche 13 décembre, c’est la délivrance en France chez les autoproclamés républicains qui ont voté LR (Les Républicains, droite) et PS (Parti socialiste, gauche). Il y a eu ce qu’on appelle chez nous un « vote utile » pour faire barrage au Front National (extrême droite) avec ses deux vedettes Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal Le Pen.
Âgée de 26 ans seulement, Marion Maréchal Le Pen a trouvé le mot juste pour qualifier les résultats et l’ambiance régnant dans cette France, « pays démocratique des Droits de l’Homme ». « Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs ». « Au nom de la République ce soir, ils ont sabordé la démocratie ». « Tout aura été fait, calomnies, mensonges, clientélisme, communautarisme », a-t-elle déclaré.
Ce dimanche 13 décembre a un air de déjà vu. En 2002 déjà, il y a eu un « vote utile » en France pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen (père de Marine et grand-père de Marion) qui s’est soldé par la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle avec un score quasi-soviétique de 82,21%.
Mais l’air de déjà vu évoque également la Tunisie de 2014 où nous autres « autoproclamés républicains » avions fait barrage au projet islamiste d’Ennahdha/CPR.
Tout au long de la semaine dernière, en France, médias et politiques étaient unis contre le projet frontiste. Exactement comme en 2014 en Tunisie. Les Français ont beau nous donner des leçons de respect de la déontologie journalistique, de soi-disant neutralité et de démocratie, leurs médias et leurs politiques français se sont comportés exactement comme les nôtres en 2014.
Pensée aux officiels français qui, en 2014, soutenaient le projet islamo-CPRiste similaire (à nos yeux) à celui des Le Pen. Pensée également à Sihem Badi et Salim Ben Hamidène qui sont rentrés en France après leur défaite électorale de l’année dernière. Les deux anciens ministre CPR ont bien eu chaud hier et ils ont, sans doute aucun, soutenu le « vote utile ».
Retour en Tunisie. Pendant que les Français étaient aux urnes pour leur « vote utile », Mohsen Marzouk et Lazhar Akremi étaient à Hammamet pour sauver, disent-ils, le « vote utile ». Unis contre le projet de Béji Caïd Essebsi qui s’est ligué avec les islamistes au nom de la réconciliation, les deux dirigeants de Nidaa Tounes avaient rassemblé sous une grosse tente de l’hôtel Les Orangers, quelque 1500 femmes. Ils sont bien beaux les Marzouk et Akremi devant ce parterre de belles dames, coquettes, pimpantes, élégantes et gracieuses. Elles ont fait le déplacement jusqu’à Hammamet juste pour voir Mohsen et Lazhar. La chance ! 1500 femmes d’un coup ! De quoi faire réfléchir ceux qui se « suffisent » de 70 vierges.
Comme deux coqs, les deux dirigeants ne savaient plus où donner de la tête face à tant d’admiratrices. Notez le coté malin de Lazhar qui, sous la tente, chaussait ses lunettes noires en fonction de celles qui étaient face à lui. C’est bien pratique des lunettes noires, on ne voit pas ses yeux et on ne sait plus ce qu’il zieute : le haut, le bas, le milieu.
Peu importe ce qu’il regarde, ceci ne nous regarde pas finalement, quelle conclusion tirer de cette réunion dominicale avec 1500 femmes ? Rien ! Qu’ont gagné Mohsen et Lazhar avec leur meeting de Hammamet ? Rien ! Quand bien même ils auraient réussi quelque chose hier, leur victoire aurait été honteuse et, surtout, éphémère.
Ces deux ont oublié un détail primordial, c’est que les préoccupations des Tunisiens sont loin, bien loin, des regards admiratifs que leur portent 1500 femmes.
Pendant que ces deux dirigeants jouaient aux coqs à Hammamet, le Majlis Choura d’Ennahdha se réunissait (à Hammamet aussi) et rien des différends des islamistes n’a filtré dans les médias, comme d’habitude. Absolument rien ! Dieu sait pourtant combien ils ont de différends entre eux ! On aurait bien gagné à connaitre un chouia de ces différends pour pouvoir les combattre demain.
Et pendant que ces deux dirigeants se préparaient pour jouer aux coqs, le chef du gouvernement était au Golfe. Durant sa tournée, Habib Essid est allé rencontrer Cheikha Mooza dans ses bureaux à Doha. Il est même allé la voir avant toute rencontre officielle avec les dirigeants qataris. Le protocole ? On s’en balance ! Du temps de la troïka, Lazhar Akremi aurait fait tous les plateaux télé pour dénoncer une telle violation du protocole et du prestige de l’Etat par le chef du gouvernement et le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Touhami Abdouli. Ce même Touhami Abdouli qui, il n’y a pas si longtemps, jurait ses grands dieux de réduire la représentativité diplomatique tunisienne à Doha et n’avait pas de mots assez durs à l’encontre des dirigeants qataris. C’est ce même Abdouli, accompagné par son supérieur Habib Essid, qui sont allés voir à son bureau Cheïkha Mooza qui n’a absolument aucun titre officiel. Elle n’est même plus la première dame du pays.
Mais il y a pire dans cette visite de Doha. C’est ce protocole d’accord de coopération sécuritaire convenu entre la Tunisie et le Qatar. Il parait que le Qatar va moderniser les moyens de communication de notre ministère de l’Intérieur et de son dispositif en matière de lutte contre le terrorisme. Oui, vous avez bien lu ! C’est le pays de la chaîne Al Jazeera, propagandiste et blanchisseur principal du terrorisme, qui va aider la Tunisie à moderniser son système de communication dans la lutte contre le terrorisme. En clair, les équipements technologiques du ministère de l’Intérieur seront fournis par le Qatar si on a bien compris. On ne prend même plus la peine de vous envoyer des barbouzes ou d’acheter vos hommes politiques et vos médias, maintenant on vous donne des équipements et on se renseigne sur vous sans bouger de chez soi!
Même sous la troïka, on n’a pas vu ça ! On croyait avoir atteint le fond après l’émir qatari qui allait apprendre à se tenir et à s’habiller à l’ancien président Moncef Marzouki ! Souriez, maintenant si vous êtes flâchés à 130km/h sur l’autoroute, il y a des chances que Mooza le sache depuis sa résidence à Doha avant même que l’on vous envoie votre PV.
Pendant ce temps-là, il y a 1500 femmes qui flâchent pour deux coqs à Hammamet.
Plus au sud, à Kairouan précisément, la police a attrapé de jeunes gens du même sexe qui forniquaient ensemble. Elle n’a rien d’autre à faire la police de Kairouan visiblement. Traduits devant la justice, ils ont écopé de cinq ans de prison pour homosexualité. La preuve ? On leur a fait subir un test anal. De quel droit ? Dans ce poulailler, tout un chacun peut s’accorder le droit qu’il veut.
Plus au nord, à Tunis, d’autres policiers ont attrapé d’autres jeunes gens, connus par leur militantisme gauchiste. Traduits devant la justice, Adnène Meddeb et Amine Mabrouk ont écopé d’un an de prison pour consommation de stupéfiants. La preuve ? Ils avaient du papier à rouler et puis, ils avaient refusé de subir l’analyse. Y a-t-il là une preuve suffisante pour inculper deux jeunes talents du cinéma et deux jeunes promesses politiques ? Dans ce poulailler, le papier à rouler et le refus d’analyse sont suffisants pour vous envoyer un an derrière les barreaux.
Quand un terroriste est arrêté par la police, vous trouvez un tas d’organisations et d’avocats qui montent au créneau pour exiger des preuves de culpabilité. La lutte contre le terrorisme ne signifie pas la violation des droits des terroristes, nous disent-ils.
On t’attrape avec un hélicoptère dans le jardin et des livres extrémistes et takfiris chez toi ? Et alors ! C’est de l’invention, ce n’est même pas l’once d’une preuve ! Où est le génie de jouer aux Lego chez soi avec un tas de ferraille pour monter un hélico en plein état d’urgence et en pleine guerre contre le terrorisme ? Qu’aurait fait de cet hélico le père d’un djiahdiste mort en Syrie ? On balaie toutes ces questions d’un trait, on évoque le droit et les preuves et on libère le bonhomme. Malgré les risques ? Malgré les risques !
En résumé, dans cette Tunisie démocratique et respectueuse des droits de l’Homme, flirtez avec le terrorisme, envahissez même l’ambassade américaine, la justice exige des preuves pour vous inculper. Mais gare à vous si vous flirtez avec une personne du même sexe ou si l’on vous attrape avec du papier à rouler, c’est la prison directement.
Il faut que cela change, il est impératif que cela change pour que nos lois soient conformes à la nouvelle constitution, conformes aux aspirations des jeunes et à l’époque, entend-on timidement. C’est évident que cela doit changer et c’est aux hommes politiques de les changer, comme ils l’ont promis durant la campagne électorale. Mais il se trouve que nos hommes politiques préfèrent jouer aux coqs avec des femmes et aller boire un thé avec Mooza. Quant aux terroristes, nos « amis » qataris s’en chargeront avec leurs équipements…