alexametrics
mercredi 15 mai 2024
Heure de Tunis : 09:58
Chroniques
Un vote de confiance à tous les paradoxes
Par Houcine Ben Achour
09/01/2020 | 15:59
3 min
Un vote de confiance à tous les paradoxes

 

Si l’on est en droit de récuser ou d’émettre de fortes réserves au contenu du livre consacré à la Tunisie d’Antoine Sfeir, écrivain et journaliste franco-libanais, on le serait bien moins vis-à-vis du titre de l’ouvrage: Tunisie, terre de paradoxes, publié en 2006. Ce que vit le pays à travers les péripéties qui ont jalonné et jalonnent encore la formation du nouveau gouvernement n’en est-il pas l’exacte illustration ? Si ce n’est pas du paradoxe, c’est de l’incohérence ou du contresens. En tout cas, cela a fait perdre un temps précieux au pays pour lui éviter le pire. Car enfin, on observait bien qu’un gouvernement serait extrêmement difficile sinon impossible à former sur la base de cette mosaïque parlementaire issue des élections législatives de novembre 2019. Les positions de chaque parti vis-à-vis des autres durant  la campagne électorale préfigurait déjà le scénario d’un gouvernement introuvable.

 

Aujourd’hui, les irréconciliables se sont réconciliés et les mis au ban sont devenus de plus en plus séduisants. Ce renversement de situation permettra-t-il de dégager une majorité au sein du Parlement pouvant soutenir un gouvernement ? A moins d’un miracle, il est inimaginable, compte tenu des déclarations des uns et des autres que le gouvernement de Habib Jamli puisse obtenir la confiance d’une majorité de députés à l’Assemblée des représentants du peuple. Ce gouvernement est loin de satisfaire leurs attentes.

 

Mais revenons aux paradoxes.

 

Quel qualificatif doit-on donner à l’engagement solennel de Habib Jamli de remanier l’équipe gouvernementale qu’il a lui-même choisie pour peu que cette équipe obtienne la confiance d’une majorité de députés ? Si cela ne tient pas du paradoxe, cela relève d’un ridicule marché de dupes. Dans le même contexte, peut-on qualifier autrement que de paradoxal le fait qu’un député accorde sa confiance dans un gouvernement dont il sait à l’avance qu’il sera ensuite remanié ? Comment peut-on définir la position du mouvement Ennahdha de soutenir officiellement le gouvernement de son candidat à la Primature et d’émettre dans le même temps de sérieuses réserves sur la composition de son gouvernement ? N’est-ce pas là une position qui peut être considérée comme un signal aux députés de son bloc parlementaire suggérant à certains d’entre eux de jouer les snipers lors du vote de confiance à accorder au gouvernement?

 

Ah, ce gouvernement. C’est 100% de compétences, affirme Habib Jamli. Soit. Mais que valent les 100% de M. Jamli, compte tenu de ses propres compétences, de ses aptitudes et son expérience politique ? Ce pourcentage de compétence serait de 75% au mieux pour certains, pouvant aller jusqu’à presque rien du tout pour d’autres.

 

De quelle compétence, de quelle indépendance, de quels principes et de quelle éthique peut se prévaloir un gouvernement dont les membres, ministres et secrétaires d’Etat, se savent déjà sur un siège éjectable avant même leur prise de fonction et en dépit d’un vote de confiance majoritaire et de circonstance ? Comment peuvent-ils rester sans réaction alors qu’ils risquent d’être les victimes d’une infamie annoncée qui, pour plusieurs d’entre eux, est probablement injuste ? Si ce n’est pas là un paradoxe, c’est une absence totale de discernement et de lucidité qui les disqualifie objectivement d’être ministre ou secrétaire d’Etat.

 

Ce vendredi 10 janvier 2020 est le jour fixé pour le vote de confiance au gouvernement. Si la confiance est accordée au gouvernement, elle consacrera tous ces paradoxes. Si elle lui est refusée, elle les consacrera aussi.  

« Vouloir jouer aux échecs contre soi-même, est donc aussi paradoxal que de vouloir marcher sur son ombre », écrivait Stefan Zweig dans le Joueur d’échecs. Habib Jamli aurait gagné à méditer une telle réflexion avant de se lancer dans une entreprise dont l’aboutissement apparait clairement absurde, s’il n’est pas paradoxal.

 

Par Houcine Ben Achour
09/01/2020 | 15:59
3 min
Suivez-nous
Commentaires
Youssef kraiem
Savonnade bien méritée
a posté le 10-01-2020 à 09:08
Si mr Jemli se présente aujourd'hui devant les députés pour solliciter leur confiance il aura accompli dignement sa mission envers le peuple!!!!!! ignorant ou feignant d'ignorer que ce peuple l'a rejeté dès le départ. Je n'ai cessé de l'appeler à travers mes spots et commentaires à abandonner l'épreuve qui n'avait aucune chance d'aboutir, en vain,mr Jemli s' accrochant à une aubaine qu'il ne pouvait voire même en songe.Annahdha a cru qu'elle pouvait maîtriser la situation bien que reculant sensiblement aux suffrages en proposant un candidat dépourvu de toute aptitude et expérience politique.Le pouvoir ça use ça use et les ténors de ce mouvement doivent dresser leur bilan et revoir leurs comptes après la savonnade qui les attend aujourd'hui à l'hémicycle.
Nephentes
Excellente analyse
a posté le 10-01-2020 à 02:35
"Si ce nest pas un paradoxe c'est de l'incoherence ou un contresens"

Affirmation lourde de sens, precisement

Ce microcosme perd les pedales il est deboussole desempare hebete comme le reste du pays

Cest une crise globale une perte generale,meme au plus haut niveau de responsabilite, du sens commun.

Des valeurs et de la coherence et de la perennite de tout ce qui a structure l'identite tunisienne au cours des siecles

Un campement bedouin dans l'espace physique, et aussi - et surtout- dans les tetes

Et ce ne sont pas les milliards d erdogan qui vont ressusciter cette coherence et sens communs
Moi
Bravo Si Houcine, un article très intelligent!
a posté le 09-01-2020 à 18:14
un article très intelligent et logiquement très bien fondé... il est même trop fort pour les neurones de Mr. Jamli...
Alya
Excellent article
a posté le 09-01-2020 à 17:58
Mais que pourrait faire un député nahdhaoui demain sachant que son propre chef l a jeté dans ce bourbier,,
DHEJ
H. JEMLI...
a posté le 09-01-2020 à 17:13
Le génie tunisien...
Il a inventé un appareil de mesure de l'indépendance

Et un autre instrument de mesure de la compétence...

Il déposera ses brevets auprès du GOUROU de la secte...

Mais pour mesurer l'intensité du PARADOXE là c'est le père Noël qui sait la mesurer .