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Tribunes
Tout commence et tout finit à l'école
07/01/2024 | 13:30
4 min
Tout commence et tout finit à l'école

 

Par Mohamed Salah Ben Ammar *


Sidi Makhlouf - Médenine le 06 janvier 2024 : cinq morts (pour le moment) et 45 personnes victimes d’intoxication suite à la consommation d’alcool frelaté et ce n’est pas fini d’autres victimes continuent à affluer à l’hôpital.

Ce drame ravive la douleur des familles des disparus en mer dans la triste nuit du 20 - 21 septembre 2022.

Des drames reflètent le désespoir d’une jeunesse sans horizons.

Le même spectacle s'offre au voyageur qui traverse le pays du nord au sud ou d’est en ouest, à toutes les heures de la journée, tous les jours de la semaine, dans tous les villages et toutes les villes de l'intérieur de la République, exclusivement des hommes, souvent jeunes, sont assis dans les terrasses des cafés. Ils fument ou jouent aux cartes et regardent avec insistance les voitures qui passent.

Ces scènes sont d'une violence inouïe. Un espace où les femmes sont exclues et où des hommes passent leurs journées à ruminer leur détresse. Elles disent tous nos échecs.

Et l’échec du système éducatif en est l’illustration la plus criante et la plus injuste. Pourtant ce n'était pas une fatalité. Il est la conséquence de l’abandon progressif et insidieux (pervers) par l’État de l’un des piliers de la Tunisie indépendante. L’éducation.

Ce n'est pas le seul secteur livré aux puissants. Le système de santé, les transports en commun, la culture, le sport...ont fait les frais de cette libéralisation sauvage.

 

La démission de l’État est à l'origine de ces drames. La marchandisation de pans entiers de ce qui, jadis, a fait la réussite du pays, des biens communs a été une faute grave, peut-être la plus grave de toutes.

Cette politique libérale a pu donner à certains l’illusion à des observateurs étrangers ou partisans un semblant de réussite durant les années de la dictature, en réalité ce n’était que la partie visible d’une pyramide qui était minée de l’intérieur.

S’il fallait illustrer les conséquences des injustices sociales par un seul indicateur, il suffirait de suivre année après année les résultats des taux de réussite au baccalauréat par région.

Parmi les ramifications profondes de l'absence de maisons de culture, de terrains de sport, de moyens de transport...se trouve l’incapacité de la société à assumer les inéluctables évolutions dans les mœurs et le mode de vie. Les jeunes des régions de l'intérieur font les frais de l'absence de ces lieux de vie où ils peuvent s'épanouir.

 

Une réelle schizophrénie sociale s'est installée. Dans la vie de tous les jours, la conduite affichée et les valeurs défendues bec et ongles en public et dans les médias, sont démenties à chaque instant dans la vraie vie.

A l’heure où chacun dispose d’un téléphone portable qui lui offre un accès quasi-illimité à ce que, les gens de ma génération n'arrivent même pas à imaginer, à l’heure où les jeunes du monde entier sont interconnectés, un discours totalement décalé par rapport à la réalité est tenu sur les valeurs ancestrales de notre société.

 

Un exemple illustre les incohérences de notre mode de vie. Un seul. La loi qui régit la vente de boissons alcoolisées est la parfaite illustration de cette hypocrisie sociale. Boire ou ne pas boire d'alcool est un choix personnel, le rôle de l'Etat doit se limiter à protéger les vulnérables et veiller à la sécurité des citoyens en interdisant par exemple de conduire un véhicule quand on est sous l'effet de l'alcool. Je connais des personnes qui vivent en Europe depuis 50 ans et qui n’ont jamais bu une goutte de vin, pourtant l’accès aux boissons alcoolisées est illimité. Seule la vente d’alcool aux mineurs est interdite. Ceux qui ont envie de boire le feront de toute façon, c’est ainsi dans toutes les cultures et sous tous les cieux depuis la nuit des temps. Les humains fabriquent et boivent des boissons alcoolisées.

Chez nous, en dehors des régions côtières et touristiques, ils le font dans une voiture, à la plage ou dans la forêt ou dans des tavernes glauques et insalubres. Ils se sentiront fautifs et coupables, ils le feront en excès et surtout ils s'exposent à des risques, comme les victimes de Sidi Makhlouf.

 

Il ne s'agit pas d'une opinion personnelle mais d'un fait incontestable. La prohibition n’a jamais fonctionné nulle part, elle offre simplement à ceux qui ont un quelconque pouvoir l'occasion de gagner de l'argent. C’est ce qui passe dans nos villes et villages où les points de vente clandestins de boissons alcoolisées sont connus de tous.

Sans vouloir heurter les âmes sensibles, mais il est possible de multiplier à l’infini les exemples sur d'autres sujets moins légers où les apparences sont préservées alors que les pratiques sont sources de névroses, de frustrations, de déviances et surtout de conduites à risque.

 

L’école, dans plusieurs pays, a été le lieu où les mentalités sur les sujets délicats, des sujets qu’on a du mal à aborder en famille à table, ont évolué. Une école épanouissante où la parole est libre et les échanges riches. Elle permet à chacun de s’exprimer dans un cadre surveillé. Pour cela, il faudrait que le corps enseignant retrouve sa place dans la société. Un corps enseignant progressiste, tolérant, cultivé, un corps enseignant qui prône la cohésion sociale et la liberté. Cela n'est possible que si ce corps enseignant a bénéficié d'une formation solide, de moyens, d'un salaire décent et d'une réelle reconnaissance sociétale.

 

 * ancien ministre de la Santé


07/01/2024 | 13:30
4 min
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Commentaires
Vladimir Guez
Les clichés du pret-a-bien-penser , en pagaille...
a posté le 08-01-2024 à 09:28
.., mis a toutes les sauces sans jamais être questionné. La culture de l'excuse, la faute au libéralisme, la faute a l'école ect ...
- On dédouane de la médiocrité par la culture de l'excuse et de l'irresponsabilite . Les oisifs qui traînent au café au lieu de se rendrent utiles, ce n'est pas de leur faute. Ils n'y sont pour rien . C'est de la faute de la société qui n'a pas créer un paradis pour que ces merveilleuses personnes puissent s'épanouir.
- Si le service public echoue c'est la faute du libéralisme alors qu'on vit l'une des société les plus dirigistes après la Corée du Nord. Ou les monopoles sont la règle et le marché l'exception et ou l'Etat fixe les prix d'un nombre incalculable de biens et services. Mais non ce n'est pas le sovietisme a la tunisienne qui échoue , c'est a cause du libéralisme que l'on a jamais expérimenté que l'on est nuls .
- Quand ce n'est pas la faute au libelralisme, c'est la faute a l'école. Comme si il était dans la mission de l'école de répondre aux conséquences de la faillite de parents débiles qui font des enfants mécaniquement alors qu'ils n'ont aucun avenir a leur donner et qui sont défaillants au point de ne même pas les eduquer un minimum pour qu'ils aient un comportement digne d'êtres humains.
ftouh
je confirme..
a posté le 07-01-2024 à 22:57
sans entrer dans les autres causes et raisons multiples de nos multiples echecs et faillites.
Je vais me borner a parler de la consommation d' alcool.

Tout ce qui est tabou est desire'.
Tout ce qui est interdit peur etre transgresse'.
Ainsi est fait l'etre humain...Les arguments moraux ou religieux sont vains.

Les gens devraient etre libres ..et s'il y a abus il y a la loi.

J'ai vecu en Iran..ou officiellement l' alcool et la prostitution sont interdits.
Mais on peut tout trouver..il faut simplement oser et surtout payer.
On peut se procurer de l' alcool et le reste au marche' noir et via les connaissances....tout en portant une barbe et en proclamant autre choses a la mosque' du coin. l'un n' empeche pas l' autre. L' hypocrisie demeurre un sport national..comme chez nous ..

Les gens qui ne peuvent pas casquer pour se procurer ces produits illicites, rares et chers au marche' noir distillent eux meme leur boisson...et au besoin ils achetent chez des distillateurs clandestins en catamini. Eux aussi ont des problemes d' alcool frelate' ..et on entend beaucoup sur des cas de gens qui ont perdu la vue a cause des mixitures pas orthodoxes ( genre glycol dans la boisson).

De meme en Arabie..ils ont ont un alcool local que les locaux appellent "sadiki",,

En fait interdire ne sert a rien: l' etat perd au niveau fiscal, depensent en soins excessifs (causes par les frelats incontroles ) et souvent pour des maladies irreversibles.

Interdire la prostitution augmente le cas de maladies sexuellemt transmissbles et surtout hors controles. Il faut voir les hordes de moyens orientaux (males) quand il voyagent en Thailande , ou meme en Egypte...etc.
L' hypocrisie et la repression ne servent a rien.

Rappelons nous aussi de la periode de Prohibition aux USA ...c' est celle ou la maffia s' est renforcee' et celle ou les trafics ont exploses.

Tolerer....et controler...et puis eduquer = c' est les clefs
Hammadi
Hypocrisie
a posté le 07-01-2024 à 21:19
Ce n est pas une question de lois, dans une societe hypocrite et sans valeurs on ne peut s attendre qu a ça.
Zarzoumia
Oui
a posté le 07-01-2024 à 19:03
Effectivement, la schizophrénie sociale est à l'origine de beaucoup de drames. La conscience collective s'accroche à un modèle archaïque, du moins sur le plan du discours, au lieu de s'atteler à réfléchir et à accompagner les transformations sociales. Un modèle archaïque, une espèce d'hybride entre une certaine conception de la religion et des règles sociales qu'on englobe dans le mot "tradition". Un modèle rarement bousculé et questionné avec lequel on compose en essayant d'étouffer toutes les frustrations et les déviances....
Le meilleur exemple est celui de la chanteuse qui a déclaré vouloir se repentir (ettoube) en abandonnant le chant. Un exemple qui vient valider cet espèce de "high level" de "moralité" avec lequel on s'arrange. Il n'y a pas plus dangereux.
Il faut ouvrir le débat sur ces questions de société, créer l'émulation pour bousculer les mentalités et pousser les pouvoirs publics à agir. L'école est un levier important qu'il faudra remettre au centre du village.
Jilani
De quelle reconnaissance sociétale
a posté le 07-01-2024 à 17:52
Les dits enseignants n'ont de métier que le nom. Souvent des barbus et des femmes voilées soit disant des pieux mais sans aucune culture et morale, un enseignant arrive à gagner plus de 40000 dt/mois en obligeant ses élèves à suivre les cours particuliers. Les élèves de parents pauvres n'ont plus le droit à la réussite. Ils font pire que les Israéliens avec les palestiniens. Pour l'alcool, c'est une autre histoire, le jour où le tunisien pourra prendre une bière sur la terrasse d'un café dans l'avenue Habib Bourguiba, là on peut dire que le pays s'est développé.
Alya
Pas tout à faitd accord
a posté le 07-01-2024 à 17:17
L ecole du temps de Bourguiba et de Benali , à permis à certains jeunes d émerger. L ecole publique continue à exercer son rôle, même si l acsenceur social ne fonctionne plus comme avant . Les tunisiens ont changé. Les valeurs morales disparaissent . Plus personne ne veut travailler la terre . Les parents n assurent plus leur responsabilité
La délinquance est banalisée. Les parents aident leurs enfants à émigrer clandestinement
Non l état n est responsable . Les charognars vendeurs de drogues alcool frelaté et kaoures sont partout . Non c est la tunisie qui a change
Wael
Quel établissement scolaire a été privatisé?
a posté le 07-01-2024 à 14:32
Aidez-nous s'il vous plait, à comprendre le lien entre la politique liberal et l'état de nos écoles et hopitaux? quel hopital/école a été vendu?
Merci.