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Chroniques
Quels droits pour les patients et les médecins ?
Par Synda Tajine
16/01/2024 | 16:59
4 min
Quels droits pour les patients et les médecins ?

 

Les citoyens ont la mémoire courte. Est-ce que vous vous rappelez des professionnels de la santé – médecin anesthésiste et technicien - condamnés en 2017 à six mois de prison avec sursis car accusés de faute médicale ? Cette affaire avait provoqué un véritable scandale dans le pays après que le jugement prononcé en première instance a été de six mois de prison ferme. Le jugement en appel a été plus clément, quoique…

En 2017, les deux professionnels de la santé avaient été accusés d’erreur médicale et soupçonnés d’avoir entrainé la mort accidentelle d’un patient à l’hôpital de Gabès.

À l’époque, ce verdict avait suscité un véritable débat. Si les journalistes, dans l’exercice de leur fonction, sont théoriquement (toujours en théorie) jugés selon le décret-loi 115, les médecins doivent-ils l’être uniquement selon le code pénal ?

 

Rappelez-vous en 2019, un projet de loi sur les droits des patients et la responsabilité médicale avait été déposé sur les bureaux des parlementaires. Ce projet de loi aurait dû être voté durant le mandat 2014-2019 mais a fini par être renvoyé en commission, ensuite en plénière et de nouveau en commission en 2021. Nous sommes en 2024 et ce projet de loi est revenu sur la table de la commission de la santé pour être de nouveau discuté avant d’être soumis au vote en plénière.

Ce projet de loi avait déchaîné les passions à l’époque mais n’avait visiblement pas suscité suffisamment d’intérêt pour finir par être voté. Il avait, en effet, été abandonné pendant des années, caché dans les tiroirs de l’ancien parlement dissous par Kaïs Saïed.

 

Ce projet de loi est censé – toujours en théorie – protéger aussi bien les patients que les médecins contre les aléas thérapeutiques et médicaux qu’ils peuvent subir chaque jour. Il est censé, entre autres, différencier entre erreur médicale, accident médical et faute grave. En termes plus simples, il permet de faire la différence entre un mauvais diagnostic, des complications post-chirurgicales ou un médecin opérant sous l’effet de l’alcool ou d’une drogue. Vous conviendrez qu’il ne s’agit pas du tout de la même chose. Dans cette logique, les lois appliquées ne devraient donc pas être les mêmes.

Dans les faits, les erreurs médicales – pêle-mêle – sont régies par le code pénal et peuvent donc conduire à des peines privatives de liberté. Toujours dans les faits, les fautes graves constituent un pourcentage minime comparées aux autres accidents ou éventuelles complications non-fautives. Quid des accidents dus à la précarité des installations et matériels sanitaires ? Quid des violences médicales qui peuvent être évitées lors d’un processus de soins ? Tout un océan de nuances et de questions auxquelles répondre.

 

En plus de protéger les médecins durant l’exercice de leur métier, il est important qu’une loi dote le patient des moyens nécessaires de connaitre ses droits et de les faire valoir. Le droit d’accéder à son dossier médical, le droit de donner son consentement pour tout acte médical pratiqué, le droit d’être consulté avant une prise de décision et le droit de faire recours et d’être indemnisé en cas de faute. Quels sont ses recours ? Dans quels cas pourra-t-il être indemnisé ? Comment faire reconnaitre une erreur, une négligence ou une faute grave ?

La nouvelle version de ce projet de loi, proposé depuis 2016, est soumise aujourd’hui à un nouveau parlement qui n’a pas participé aux premiers débats. Qu’en fera-t-il ? Comment décidera-t-on d’indemniser les erreurs médicales ? Quid de l’idée d’un fonds d’indemnisation des victimes ? Quelles conditions seront retenues par les sociétés d’assurances, frileuses à l’idée de devoir indemniser les accidents médicaux ? Ces interrogations capitales gagneraient à être clarifiées.

 

Malmené depuis des années, de commission en commission et de plénière en plénière, ce projet de loi est pourtant indispensable, mais pas dans n’importe quelle version. Il devra, sans ambiguïté, offrir un cadre légal permettant au praticien de ne pas se faire accuser, à tort, de faute médicale alors qu’il a suivi un protocole médical méticuleux et qu’il a accompli son travail en toute âme et conscience. Il devra aussi permettre d’offrir au patient la possibilité d’un recours légal dans un monde où on lui dit de subir sans broncher et dans ces salles d’hôpitaux dans lesquelles on le malmène, et garantir son droit d’être indemnisé correctement en cas de faute ou d’accident.

Cette loi pourrait – il est permis de rêver – ouvrir la porte à une véritable réforme du système de santé tunisien. Que médecins et patients ne soient pas non plus victimes d’établissements sanitaires précaires, au matériel désuet, aux conditions d’hygiène parfois quasi-inexistantes, au personnel insuffisant et, dans les cas les plus extrêmes, dépourvues du minimum même de sécurité.

En 2020, rappelez-vous, le jeune résident en médecine, Badreddine Aloui, a péri dans une chute d’un ascenseur en panne alors qu’il était de garde à l’hôpital de Jendouba. N’ayons pas la mémoire courte…

 

Par Synda Tajine
16/01/2024 | 16:59
4 min
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Commentaires
DHEJ
Il faut protéger notre corps médical
a posté le 16-01-2024 à 18:41
Mais qui va souffler au malade qu'il est victime d'une erreur médicale?


Un malade qui ne saît rien de son état de santé.

Tunisino
Tout est anarchique
a posté le 16-01-2024 à 18:18
Un exemple, un spécialiste touche jusqu'à 80 dinars par visite, dans un pays où le smig/smag est de l'ordre de 500 dinars! La recette de certains médecin peut atteindre 2000 dinars par jour, soit quatre fois le smig/smag et payent comme taxe un forfait annuel de 500 dinars! Ce n'est pas uniquement les médecins, mais aussi les avocats et les enseignants du secondaire, et certaines professions libres! La Tunisie est un pays culturel, elle est faible en calcul, ce qui explique tous les échecs en gestion/développement inclusif et durable, de l'indépendance jusqu'à présent.