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Chroniques
Quelle culture pour le Tunisien ?
Par Synda Tajine
19/03/2024 | 18:00
4 min
Quelle culture pour le Tunisien ?

 

Le rapport du Tunisien à la culture est un vaste champ de paradoxes. Difficile à définir et à comprendre. La culture nous intéresse-elle vraiment ? Est-elle interdite au commun des mortels et réservée à une caste de bien nantis ? D’après les résultats d’un récent sondage, le rapport du Tunisien à la culture demeure à la fois timide, mais aussi contradictoire.

 

Selon le dernier sondage d’Emrhod Consulting (800 citoyens, de 18 ans et plus, toutes catégories sociodémographiques et régions), révélé le 18 mars sur Telvza Tv, les chiffres sont édifiants.

Presque 94% des Tunisiens ont indiqué ne pas être membres d’un club ou un groupe artistique ; 90% des Tunisiens ne se sont pas adonnés, durant les douze derniers mois, à une activité culturelle dans un espace dédié à cela ; 81% des Tunisiens n’ont pas assisté à un spectacle artistique durant les douze derniers mois ; et 78% ont indiqué ne pas avoir d'instrument de musique chez eux.

Des chiffres sidérants, surtout que, face à la question de savoir si exercer une activité culturelle est une chose importante pour eux, 76% ont répondu par l’affirmative.

Est-ce que le Tunisien est vraiment désintéressé de la culture ou est-ce tout simplement qu’il n’arrive pas à y accéder comme il le souhaiterait ?

Le Tunisien s’intéresse-t-il réellement à la musique, à la littérature, à la poésie, à la peinture, aux arts de la scène et autres ? D’après ce chiffre, le problème semble être plus un problème d’accès que celui d’intérêt. En effet, dans ce même sondage, les chiffres changent sensiblement en fonction des revenus du citoyen et restent donc intimement liés à son niveau de vie…mais, pas que.

 

Puisqu’un sondage en cache souvent un autre, ces chiffres nous rappellent ceux du sondage publié en mai dernier, sur la relation des Tunisiens avec les livres et leur attachement à la lecture, mais aussi le temps qu’ils accordent aux réseaux sociaux. Selon le sondage de mai 2023, seulement 17% des Tunisiens ont acheté au moins un livre cette année-là. Le même sondage donne une moyenne de quatre heures de lecture par mois, contre 82 heures par mois à Facebook, 66 heures à Instagram et 57 heures à TikTok. Là encore, le revenu influe directement et la catégorie des personnes dont le salaire mensuel dépasse les 2.000 dinars reste la plus grande consommatrice de livres.

Mais le salaire et le niveau de vie sont-ils la seule variable qui explique le rapport du Tunisien à la lecture et à la culture ? Non, même les chiffres ne sont pas aussi tranchés.

 

Pour mieux comprendre le rapport paradoxal qu’entretient le Tunisien avec la culture et la littérature, regardons ses débuts avec elle. L’école. À l’école, la « culture de la culture » n’est pas ancrée dans les petites générations. On n’apprend pas aux enfants qu’une activité culturelle, de quelle nature que ce soit, fait partie de son apprentissage de base et de la construction de sa personne. Apprentissage de la musique, perfectionnement des techniques de dessin et de peinture, des arts de la scène ou autres, ne font pas partie des « traditions » locales. On encense les bonnes notes à l’école, mais on n’encourage pas forcément à enrichir son esprit et son âme avec une activité « parallèle ». On axe sur les cours de rattrapage, mais très peu sur les clubs culturels dans les écoles, qu’elles soient publiques ou même privées.

De plus, les petits et les plus jeunes sont en manque de modèles locaux dont ils peuvent s’inspirer et d’appuis susceptibles de les encourager à se lancer. Ceci est d’autant accentué dans les régions les plus reculées du pays où, comme pour tant de choses encore, l’accès à ces clubs culturel reste malheureusement plus marginalisé.

 

Les choses ne s’arrangent pas forcément au passage à l’âge adulte. Les activités culturelles, en plus d’être réservées à une frange de la société aux revenus plus confortables, est loin d’être des plus fournies. Si les Tunisiens manifestent, selon le sondage Emrhod, un évident intérêt pour la culture, l’offre qui leur est proposée ne répond pas forcément à leurs besoins, goûts et attentes. Il n’est en effet pas rare de constater que certaines pièces de théâtres, productions musicales ou œuvres cinématographiques peinent à remplir les salles et à accueillir le public auxquels elles aspirent.

 

En plus d’être une activité « de luxe » qui ne fait pas forcément partie des priorités du Tunisien ordinaire, la culture gagnerait à avoir une meilleure place dans les habitudes des Tunisiens mais, surtout, dans les politiques publiques. Là où elle reste la grande absente. Il en faudra bien plus pour arriver à rendre accessible mais aussi à « vendre » la culture à ces Tunisiens qui courent tous les jours derrière leur transport, leur farine, leur sucre et leurs besoins vitaux…

 

 

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Par Synda Tajine
19/03/2024 | 18:00
4 min
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Commentaires
Tounsi Tounsi
Boubaker El Mouldi le disait en 1970... la culture en Tunisie est monopolisée par une bande de complexés et de médiocres qui sapent la démocratisation et l'encouragement.
a posté le 24-03-2024 à 07:08
Boubaker El Mouldi : Il y a un manque flagrant d'encouragement

Boubaker El Mouldi est connu pour être un détecteur de talent. Un « geiger » en quelque sorte. Cette réputation est justifiée car, de tout temps, Boubaker a présenté une pléiade de jeunes des deux sexes au sein de sa troupe. La troupe musicale de la Jeunesse qu'il a créée voici onze ans.

Boubaker apprit à jouer du violon grâce à Cheikh Jemail en 1949 et, en faisant de très rapides progrès il fut recruté à la radio l'année d'aprèes. Il étudia parallèlement le solfège chez les professeurs Bounnoura, Orlando et Lestrino.
Dès 1951 il compose deux morceaux de musique : Layali Tunis et Layali Soudan. Ce dernier surtout lui vaut un gentil succès. Puis ayant une bonne base en solfège il compose des chansons pour Tijani el Bech, Fathia Khayri, Hassiba Rochdi, Hana Rached etc'?' Et c'est les tournées qui le mènent un peu partout à travers les pays du Maghreb et d'Europe. Son dernier voyage remonte au 1er mai dernier lorsqu'il emmena avec lui à Annaba Zouhira Salem, Noura Soltane, Choukry, Mohamed Azouz et un ballet folklorique dans le cadre des échanges culturels entre la Tunisie et l'Algérie. Ceci sans parler des voyages qu'il fit avec l'orchestre de la radio.

Boubaker a des idées bien précises sur la chanson Tunisienne et il ne s'en cache pas : « La musique tunisienne est dix fois plus appréciée à l'étranger qu'en Tunisie. Au Millénaire du Caire, nos responsables s'en sont rendus compte. Heureusement d'ailleurs car ils ont le complexe de l'importé et ignorent le goût du public. Notre musique est valable quoi qu'en dise le responsable du service musical de la radio qui n'a aucune formation musicale. L'encouragement est banni (c'est un mot qu'on retrouve sur toutes les bouches). Ils ne savent même pas jauger les qualités d'une chanson. Et c'est dommage. »

Abordant le sujet du lancement de jeunes talents, Boubaker m'a affirmé que depuis 1959 il n'a cessé d'encourager les jeunes susceptibles de s'affirmer par la suite sans aide financière aucune. De Kamel Raouf à Narimane, en passant par Ilham et Salamat en 1959 puis la série : Shiraz, Awatef, Achwek , Mongi Soussi, Choukry, Badr et Hamdi, tous lui sont redevables. « Il y a des voix qui méritent d'être travaillées d'abord, encouragées ensuite. Encore faut-il que les responsables prenne la peine de leur accorder tant soit peu d'attention. En 1967, lors de l'inauguration du local de ma troupe, si Salah El Mehdi m'a encouragé et a enregistré par écrit sur le livre d'or qu'il allait nous accorder une aide financière et morale mais c'est tout à fait le contraire qui s'est produit. Au début de 1970 j'ai sollicité une émission hebdomadaire de une heure à la T.V. consacrée aux jeunes de Larbi Ben Abderrazak ex directeur de la programmation. Nous sommes tombés sur un accord de trente minutes à la radio et de une heure par quinzaine à la TV.
Malheureusement il fut muté à l'information, et on en resta là avec M. Hamadi Essid. Que dire de plus? »

Journal L'Action, 9 juillet 1970, par Abdessatar Latrech
Tounsi Tounsi
Le grand compositeur Boubaker El Mouldi disait la même chose en 1970, et a été licencié de la RTT pour l'avoir dit dans la presse (avant d'être réintégré plusieurs années après)
a posté le 24-03-2024 à 03:27
Au cours de sa carrière, Boubaker El Mouldi a aidé les jeunes talents à se révéler au grand public. Il a dénoncé le fait que la culture et la musique tunisienne ait été monopolisée par une caste, dirigée par salah el mehdi, qui n'encourage pas les jeunes talents ni les troupes autres que celles de la Radio Télévision Tunisienne, donc des fonctionnaires.
Les maux que vous énumérez à juste titre entrent en résonance avec ce que disait ce monsieur.

Voici un article du Journal tunisien « L'Action » du Jeudi 9 juillet 1970, rédigé par Abd-Essattar LATRECH au sujet de l'engagement de Boubaker El Mouldi pour le développement de la vie artistique tunisienne.
Cet article, au cours duquel il critique ouvertement certains responsables artistiques tunisiens pour leur inaction, leur incompétence, lui a valu cinq années d'exil forcé en France et dans les pays du Golfe puisqu'il a été écarté de la Maison de la Radio Tunisienne de 1970 à 1975.
Cela lui vaut encore l'animosité et l'antipathie de certaines personnes n'ayant pas compris que la musique tunisienne appartient au peuple tunisien. En effet ces derniers ne mentionnent pas le nom de Boubaker El Mouldi lorsqu'il s'agit de parler de sa contribution importante à l'histoire du patrimoine culturel tunisien.

Nul n'est prophète en son pays...

BOUBAKER EL MOULDI : IL Y A UN MANQUE FLAGRANT D'ENCOURAGEMENT

Boubaker El Mouldi est connu pour être un détecteur de talent. Un « geiger » en quelque sorte. Cette réputation est justifiée car, de tout temps, Boubaker a présenté une pléiade de jeunes des deux sexes au sein de sa troupe. La troupe musicale de la Jeunesse qu'il a créée voici onze ans.

Boubaker apprit à jouer du violon grâce à Cheikh Jemail en 1949 et, en faisant de très rapides progrès il fut recruté à la radio l'année d'aprèes. Il étudia parallèlement le solfège chez les professeurs Bounnoura, Orlando et Lestrino.
Dès 1951 il compose deux morceaux de musique : Layali Tunis et Layali Soudan. Ce dernier surtout lui vaut un gentil succès. Puis ayant une bonne base en solfège il compose des chansons pour Tijani el Bech, Fathia Khayri, Hassiba Rochdi, Hana Rached etc'?' Et c'est les tournées qui le mènent un peu partout à travers les pays du Maghreb et d'Europe. Son dernier voyage remonte au 1er mai dernier lorsqu'il emmena avec lui à Annaba Zouhira Salem, Noura Soltane, Choukry, Mohamed Azouz et un ballet folklorique dans le cadre des échanges culturels entre la Tunisie et l'Algérie. Ceci sans parler des voyages qu'il fit avec l'orchestre de la radio.

Boubaker a des idées bien précises sur la chanson Tunisienne et il ne s'en cache pas : « La musique tunisienne est dix fois plus appréciée à l'étranger qu'en Tunisie. Au Millénaire du Caire, nos responsables s'en sont rendus compte. Heureusement d'ailleurs car ils ont le complexe de l'importé et ignorent le goût du public. Notre musique est valable quoi qu'en dise le responsable du service musical de la radio qui n'a aucune formation musicale. L'encouragement est banni (c'est un mot qu'on retrouve sur toutes les bouches). Ils ne savent même pas jauger les qualités d'une chanson. Et c'est dommage. »

Abordant le sujet du lancement de jeunes talents, Boubaker m'a affirmé que depuis 1959 il n'a cessé d'encourager les jeunes susceptibles de s'affirmer par la suite sans aide financière aucune. De Kamel Raouf à Narimane, en passant par Ilham et Salamat en 1959 puis la série : Shiraz, Awatef, Achwek , Mongi Soussi, Choukry, Badr et Hamdi, tous lui sont redevables. « Il y a des voix qui méritent d'être travaillées d'abord, encouragées ensuite. Encore faut-il que les responsables prenne la peine de leur accorder tant soit peu d'attention. En 1967, lors de l'inauguration du local de ma troupe, si Salah El Mehdi m'a encouragé et a enregistré par écrit sur le livre d'or qu'il allait nous accorder une aide financière et morale mais c'est tout à fait le contraire qui s'est produit. Au début de 1970 j'ai sollicité une émission hebdomadaire de une heure à la T.V. consacrée aux jeunes de Larbi Ben Abderrazak ex directeur de la programmation. Nous sommes tombés sur un accord de trente minutes à la radio et de une heure par quinzaine à la TV.
Malheureusement il fut muté à l'information, et on en resta là avec M. Hamadi Essid. Que dire de plus? »

Article original du journal tunisien "L'Action" du jeudi 9 juillet 1970, par Abdessatar Latrech
Ramzi35
toujours et encore les littéraires
a posté le 20-03-2024 à 11:47
La culture ne se résume pas à la musique , danse, etc, or c'est cela que les littéraires ne cessent de répéter. On a besoin d'une culture scientifique, donc yizziou mel7kayet el fargha
Tounsi Tounsi
'? méditer
a posté le à 03:30
'Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"
Tunisino
Réponse
a posté le 20-03-2024 à 11:02
Quelle culture pour le Tunisien: La culture des sciences, des technologies, du travail, de la discipline, de la planification, des bonnes valeurs, de l'excellence, et du développement durable. Tout viendra avec le progrès, y compris des industries culturelle et sportive pour créer de l'emploi et entretenir la population.
BOUSS KHOUK
YA. MADAME
a posté le 20-03-2024 à 10:09
La culture et l 'education d'avant YA MADAME ! WOU SEYIB ALIKOUM ERWAYIK EL FARIGH . vous êtes tous devenus ( MOI JE ) IKIB SAAD EL WAKT .