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Chroniques
Ode à Jed Henchiri et aux autres…
Par Synda Tajine
02/04/2024 | 15:59
3 min
Ode à Jed Henchiri et aux autres…

 

La génération des jeunes fauteurs de troubles, des empêcheurs de tourner en rond, de ceux qui ont un rêve et un message et qui se battent pour le réaliser a encore vu un soldat tomber à terre. Notre génération, celle de ces trentenaires qui sont assez vieux pour avoir vécu sous la dictature mais assez jeunes pour espérer finir leurs vieux jours dans des conditions meilleures. Celle qui a cru aux coups de pied dans la fourmilière, aux grands changements, à la révolution. La révolution démocratique, mais aussi législative, celle des libertés et celle de la santé.

 

« Je fais partie de ceux que le système n’a pas encore englouti. C’est un système très puissant, s’il ne vous engloutit pas, il vous détruit » avait déclaré Jed Henchiri dans une ancienne interview.

Ce genre de phrases faisait partie des déclarations de ce jeune homme qui avait donné de son temps et de sa santé afin que les hôpitaux tunisiens cessent de tuer leurs patients et d’enterrer leurs médecins. Il avait réussi à briser le mur du silence, à faire entendre sa voix et, à travers elle, celle de nombreux jeunes médecins qui ne pensaient pas qu’un jour on pouvait les entendre et leur donner raison dans ce système qui n’a fait que les broyer.

 

Jed Henchiri fait partie de ceux qui ont essayé de tout donner à leur pays, qui ont vu les choses en grand et ne se sont pas avoués vaincus face à l’ampleur de la montagne à laquelle ils ont essayé de s’attaquer. Jed a réussi à faire vaciller cette montagne, en laissant à ceux après lui le souffle nécessaire pour tenter de la faire tomber. On a réussi à parler des patients qui meurent dans les hôpitaux, des rats qui infestent les salles de blocs, des internes et résidents agressés par des citoyens injustement traités, des jeunes médecins qui quittent leur pays, excédés par une situation qu’ils ne peuvent contenir, de cette santé à laquelle les plus pauvres n’ont pas accès, de ce secteur gangréné, comme tant d’autres, par la corruption.

Le détournement de malades, les pots-de-vin, le manque de médicaments et de matériel, l’impunité dont jouissent certains grands praticiens, le délabrement sanitaire des hôpitaux publics, les salaires dérisoires des médecins dans les hôpitaux, les heures de garde à rallonge… Le lot quotidien des hôpitaux publics auquel de nombreux jeunes médecins se sont habitués et même résignés et auquel Jed, et toute l’armée de militants à ses côtés, s’étaient attaqués.

 

Mais, Jed n’était pas seul. Il a été porte-voix des jeunes médecins dans un contexte de crise, mais il n’a pas été seul. Nombreux autres avant et après lui s’époumonent à dénoncer depuis des années.

Jed avec sa grandeur n’était qu’une goutte dans l’océan des médecins, jeunes et moins jeunes, qui ont bataillé, bataillent aujourd’hui et batailleront encore pour que la santé tunisienne ne soit jamais perdue. Il n’est qu’une goutte dans l’océan des jeunes porteurs d’espoirs et de rêves pour leur pays. Il n’est qu’une goutte dans l’océan des Tunisiens de tous les bords qui continuent aujourd’hui encore de servir leur pays, qu’ils y restent ou qu’ils choisissent de le quitter.

 

Jed Henchiri nous rappelle un autre soldat de la même génération, mort au combat. Si Jed était le médecin des pauvres, Lina Ben Mhenni, elle, était l’avocate de tous les Tunisiens. Tout comme Jed était le porte-voix d’une génération de jeunes médecins exploités et en manque de reconnaissance et de droits, Lina était celui de jeunes désabusés mais optimistes, de jeunes dégoûtés mais pleins d’espoir dont les combats méritaient d’être menés.

 

Les gens comme Jed, comme Lina – paix à leurs âmes - comme beaucoup d’autres aux noms célèbres ou qui vous sembleraient inconnus mais qui ne sont pas moins méritants, ne meurent jamais. Avec eux, avec leur mémoire, le pays restera vivant…

 

 

Par Synda Tajine
02/04/2024 | 15:59
3 min
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Commentaires
cesarios
l'hôpital public est en chute libre, les cliniques ne sont pas à la portée.......
a posté le 03-04-2024 à 11:49
Il y a une catégorie de vieux et d'anciens médecins qui ont remplis leurs comptes en banque, dans leurs oreillers, ou dans leurs caves, une visite médicale chez un spécialiste coûte 70 dinars qui ne dure même pas 10 minutes, un rendez-vous à l'hôpital public sera fixé dans les environs de six mois, effectuer une IRM ou un scanner s'l y en a , il faut attendre une date alèatoire et incertaine, c'est un parcours d'un combattant, une opération chirurgicale coûte dans les environs de 2000 à 5000 DINARS? voilà où en est arrivé actuellement la stratégie médicale visionnaire de BOURGUIBA allah arhmou ..... De nos jours, tu payes, tu t'endettes, tu vends tout ce que tu possédes ou la cimetière t'attend dans les pires conditions ..... Enfin , allah arham JED , LINA et tous ceux et celles qui défendent bec et ongles une politique sanitaire, médicale populaire , humaniste qui tient compte des réalités et des conditions vitales dune majorité d'un peuple anéanti, infortuné et fauché
Lecteur
Just a Bad Luck?
a posté le 03-04-2024 à 10:36
Sunday, excellent article.
Cependant, le dilemme reste entier. Pourquoi le pays sombre chaque fois une lueur d'espoir pointe à l'horizon malgré les potentialités énormes du pays (Situation géographique merveilleuse, Ressources Humaines compétentes, cohésion sociale, histoire riche qui solidifie une forte identité, etc.).
Pourquoi Jed, Lina et beaucoup avant eux n'ont pas réalisé leur rêve de vivre la vie de ceux qui sont juste à une heure de vol de Tunis Carthage?
Pourquoi on est condamné à courir pour rester au même endroit? Pourquoi? Pourquoi?
Just a bad luck? Je ne crois pas.
Et pourtant on connaît tous le monstre qui nous enferme et nous pousse à sauter un à un dans la marmite sous un feu très doux.
Le Fouineur
Le 2 Avril.
a posté le 02-04-2024 à 18:42
Madame S T, je ne pensais pas que vous allez passer à coté de l'évènement du jour. Nous sommes le 2 Avril et le 2 avril est la journée mondiale de l'autisme. Voici un passage tiré de la publication du psychologue Peter Vermeulen, comprendre les personnes autistes de haut niveau : Le syndrome d'Asperger à l'épreuve de la clinique. « La richesse de leur vocabulaire, leurs excellentes performances dans des domaines spécifiques, leur promptitude à engager la conversation, leur fantaisie trompent. Car derrière la façade d'une connaissance quasi encyclopédique et une éloquence charmante, se trouve un individu en souffrance pour qui le monde est un spectacle désordonné et incompréhensible ».