Nous n’avons pas encore vu le plus gros de la crise du coronavirus. La Tunisie est en train de se battre, avec ses maigres moyens, contre l’aspect sanitaire de la crise du coronavirus. Toutefois, il est admis que cette crise aura également des conséquences économiques et sociales, et c’est sur cet aspect que l’on pêche.

L’expert économique et ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda, épaulé par une équipe d’experts, a estimé que le coronavirus provoquera une récession de 3,9% et créera 160 mille chômeurs. Ces prévisions rejoignent celles du FMI qui prévoit une récession de 4,3%. Pendant ce temps-là, les efforts des institutions de l’Etat sont inégaux devant la calamité que représente le coronavirus. Aujourd’hui, 22 avril et demain 23 avril, auront lieu deux séances plénières consacrées au dialogue avec le gouvernement. Six ministres vont ainsi se succéder devant l’ARP pour deux séances de bavardages inutiles que tiendra la « cellule de crise » de l’Assemblée. Cette institution a tout fait, sous l’égide de son président Rached Ghannouchi, pour tenter de se donner de l’importance durant cette crise sanitaire, pour prétendre être incontournable et donner l’illusion que les élus sont en train de suivre les évolutions de cette crise. Mais on est bien obligés de constater que cette institution n’apporte absolument rien dans cette lutte, pour ne pas dire qu’elle l’entrave.

A l’ARP, on est occupé à s’échanger des insultes. Abir Moussi dit avoir été traitée de prostituée par Iyadh Elloumi qui dément vigoureusement et promet de porter plainte. Ce serait amusant si ce n’était pas si pathétique et si déplacé en ces temps de crise sanitaire. Non pas que nous attendions grand-chose de nos élus et de notre assemblée dans la guerre contre ce virus, mais était-il démesuré d’espérer que l’usine à gaz qu’est notre ARP n’entrave pas, au moins, la lutte contre le coronavirus ? Apparemment oui, car cette institution n’est clairement pas au niveau des espérances ni au niveau de l’étape historique. La crise du coronavirus est venue s’abattre comme une gigantesque presse sur les institutions du pays. Certaines en sortent par le haut, comme l’ensemble du système de santé tunisien qui, avec de petits moyens, combat vigoureusement et surtout efficacement ce virus. Des hommes et des femmes qui ont montré une grande noblesse dans leur combat et ont prouvé, à ceux qui en doutaient encore, leur grande compétence. Nous leur devons des miracles malgré des moyens dérisoires.

L’Assemblée fait partie des institutions que cette crise a rabaissées. Elle ne sortira pas grandie de cette crise du coronavirus, exception faite des quelques députés qui tentent, tant bien que mal, de faire honnêtement leur travail. Les échos venant de l’exécutif évoquent même des députés qui tentent d’user de leur influence pour intervenir en faveur de contrebandiers et de commerçants véreux qui ont manipulé les prix et tenté de s’enrichir dans cette crise. Imaginons que ce soit un comportement individuel qui n’engage pas l’institution, mais quand on voit le rendement de toute l’ARP, particulièrement lors de la négociation de la fameuse dérogation en faveur du gouvernement, l’on est bien obligés de constater qu’elle ne sert pas à grand-chose en temps de crise.

Le caractère exceptionnel de cette crise est souvent évoqué comme une excuse pour l’incompétence. Nous avons tous entendu à plusieurs reprises l’explication selon laquelle le monde entier fait face à un précédent inédit. Ceci est vrai, mais cela ne devrait pas justifier tous les débattements et les gesticulations dont nous sommes témoins. Une autre constatation, bien plus vraie celle-là, est que cette crise peut être une opportunité pour plusieurs secteurs. C’est aussi une opportunité de réflexion sur le vrai rôle des institutions de l’Etat tunisien. Le caractère exceptionnel de cette crise ne le restera pas longtemps et l’on ne pourra pas continuer à l’évoquer durant des mois pour justifier l’inaction, l’inertie et la tétanie.

Lors de l’audition du ministre de l’Intérieur en cette matinée du 22 avril, les députés présents font des interrogations superflues et évoquent des séquences et des photos qu’ils ont vues sur les réseaux sociaux. Ils en profitent pour faire leur autopromotion et leur propre publicité. Au bout d’une longue journée d’interventions futiles, le ministre n’aura pas le temps de répondre à toutes les interrogations et reviendra grosso modo sur ce qui a été dit. Les députés eux-mêmes ne seront plus là pour écouter les réponses à leurs propres interrogations. Ce cirque s’est toujours déroulé de cette manière sans aucun apport et sans aucune valeur ajoutée. Malheureusement, cela est la caractéristique commune de plusieurs activités de l’ARP. Le coronavirus est une catastrophe sur tous les plans, mais c’est aussi une occasion pour s’arrêter, évaluer et changer. Encore faut-il en avoir le courage…