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Mort de Khemaïes Chammari : la Tunisie perd l'une de ses grandes figures
03/01/2024 | 14:20
3 min
Mort de Khemaïes Chammari : la Tunisie perd l'une de ses grandes figures

 

Le militant et homme politique, Khemaïes Chammari a tiré sa révérence à l’âge de 81 ans. Décédé le 1er janvier 2024, le fervent défenseur des droits humains et militant démocrate, a été inhumé le lendemain, en présence de nombreuses personnalités et amis qui lui ont rendu de vibrants hommages.

 

Figure emblématique de la gauche tunisienne, Khemaïes Chammari était un ancien député de l'opposition démocratique tunisienne, le parti d’opposition « légal » de l’ère Ben Ali. Il a dédié son parcours à défendre les libertés pendant les régimes autocratiques de Bourguiba puis de Ben Ali, un combat qui lui a valu d’être persécuté, emprisonné puis contraint à l’exil volontaire en 1997. Il ne regagnera la Tunisie qu’en 2004.

Diplômé en sciences économiques et en sociologie, Khemaïes Chammari, a depuis la fin des années 60 choisi son combat, celui qui l’oppose à la tyrannie. Il intègre le mouvement « Perspectives » puis le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) qu’il représentera, deux ans durant, au Parlement, à partir de 1994.

Avant cela, Khemaïes Chammari s’est engagé pour les droits de l’Homme au sein de nombreuses associations. Il a notamment été secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), puis son vice-président, puis vice-président de la Fédération  internationale des Ligues des droits de l’Homme et a co-fondé l’Institut Arabe des droits de l’Homme en 1989.

 

Sa forte personnalité, que lui reconnaissent tous ses camarades de lutte, en ont très vite fait une personnalité incontournable de l’oppostion et, par conséquent, la cible du pouvoir. S’il a un temps fait partie de l’aile radicale de la gauche il a su réviser ses positions et faire preuve de flexibilité pour s’engager sur la voie de la défense des droits, des libertés et du pluralisme. Il déclarait en 2004 sur les colonnes du journal « Le Monde » : « la lutte contre la répression et la torture, ainsi que la défense des droits de l'Homme ou d'une amnistie générale, doivent se faire sans exclusion, elles doivent englober tout le monde, y compris les islamistes ».

C’est dans cet esprit qu’il a rallié le collectif du 18 octobre 2005, qui avait rassemblé huit cadres de partis politiques et d’associations tunisiennes de différentes obédiences pour dénoncer les bavures benaliennes sur l’ensemble des sphères du pays. Il était alors celui qui était à l’origine de l’idée d’entamer une grève illimitée de la faim, qui a été, alors, largement médiatisée par la presse internationale.

 

Khemaïes Chammari a aussi exercé en tant qu’expert et consultant et a été nommé à l’aube de la révolution de 2011 ambassadeur de Tunisie auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture à Paris (Unesco) où il a passé deux ans.

En février 2014, il est candidat à la présidence de l’Instance Vérité et Dignité (IVD). Il était alors soutenu par les progressistes, mais s’est incliné devant la candidate des islamistes, Sihem Ben Sedrine à cause de l’éparpillement des progressistes. Il sera membre de l'instance, mais démissionnera de l’IVD au mois de juin de la même année.

Lauréat de plusieurs prix, dont le Prix 1990 international de la commission consultative française, puis, en 1997, de la ville de Nuremberg, Khemaïes Chammari a également co-écrit de nombreux ouvrages collectifs, animé plusieurs séminaires et mené bon nombre de missions pour le compte d’ONG internationales. Il a été décoré de la deuxième catégorie de l'Ordre national du mérite de la République tunisienne par l’ancien président Béji Caïd Essebsi, en 2018.

 

L’actuelle présidence du gouvernement s’est, elle, contenté d’un bref communiqué de condoléances présentées à la famille de Khemaïes Chammari sur sa page facebook. Aucun ministre n’était hier présent aux funérailles de celui qui a consacré sa vie à défendre la démocratie et les libertés. 

 

Myriam Ben Zineb 

 

 

 

 

 

03/01/2024 | 14:20
3 min
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Commentaires
Hammadi Achour
Requiem pour un camarade
a posté le 03-01-2024 à 18:30
La première fois que je l´ai vu c t en octobre 1964. Je venais de m´inscrire en Droit à la Faculté avenue du 9 Avril. Dans le hall il y avait une AG et Khmaies du haut de l´escalier harranguait les étudiants (je ne me rappelle pas a quel sujet) Il conspuait le parti unique au pouvoir. Lui répondait un destourien soussien, aficiando du régime Tawfik Ezzaanouni (qui plus tard sera avocat , et homme d´affaires). Moi sidéré regardait ce monde nouveau... Jusqu´a sa mort KM aura milité pour les droits de l´Homme...60ans!!!!
NOUREDDINE Ali
Hommage au grand disparu
a posté le 03-01-2024 à 18:30
Comme tant d'autres Tunisiens, j'ai connu Khemaïs Chamari à Paris dans les années 1970. Il collaborait à Afrique-Asie, dont le directeur était Simon Malley. J'ai été également recruté par ce journal de 1977 à 1980, mais sans avoir ni le rang ni le titre de journaliste professionnel. Khemaïs Chamari signait rarement de son vrai nom, mais il avait adopté le pseudonyme de Mahdi Yakdhan. Nous n'étions pas du même bord, politiquement parlant, mais j'avais beaucoup d'estime pour lui. Il a été et restera une figure emblématique du groupe Perspectives, véritable laboratoire de réflexion et de prosition, avant d'être happé par le maoïsme. Khemaïs Chamari sera jugé et condamné à plusieurs reprises, sous Bourguiba, et sous Ben Ali.
Il est vrai que le personnage était de tous les combats : il était présent dans tous les meetings de la gauche tunisienne. Son combat pour les libertés et les droits de l'homme est connu de tous. Il avait su, à temps, effectuer le virage qui lui avait fait prendre ses distances avec l'ultra-gauche, à l'époque très puissante, pour rejoindre le camp des démocrates. Certains de ses camarades lui avaient reproché de se rapprocher de ce qu'ils qualifiaient de « bourgeoisie réactionnaire ».
Nous avons été nombreux à nous demander pourquoi il ne s'était pas manifesté, ou très peu, après la pseudo révolution de 2011, alors qu'on s'attendait à ce qu'il occupe, et à juste titre, et à la mesure de son combat, le devant de la scène. Sa présence aurait certainement pesé pour rectifier les nombreux « dérapages » et les échecs répétés. Nous avons appris qu'il était souffrant, jusqu'à ce que nous parvienne l'annonce de son décès.
Vous vous étonnez qu'aucun responsable n'ai jugé bon de se déplacer pour assister à son enterrement ? Ce n'est pas simplement une question de génération : les responsables actuels sont aux antipodes du militantisme politique : comment peuvent-ils alors apprécier le combat mené par leur aîné Khemaïs Chamari ? Et lui rendre l'hommage qu'il mérite ?
Mes condoléances attristées à sa femme et à ses enfants et à tous ceux qui l'ont connu et apprécié à à sa juste valeur. Que Khemaïs Chamari repose en paix.

Ali Noureddine