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Le secteur du bâtiment est complétement délabré !
13/11/2023 | 10:33
7 min
Le secteur du bâtiment est complétement délabré !


Quand le bâtiment va, tout va et inversement. Le secteur de la promotion immobilière, du bâtiment et des travaux publics est un baromètre de la santé économique des pays ainsi qu’un pilier de la croissance économique. Or et depuis quelques années, ce secteur est en crise croulant sous le poids l’inflation, du manque d’investissement, des arriérés de paiements et de la surtaxation. Redémarrer cette machine enrouée pourrait créer de la croissance et de l’emploi mais surtout drainer de ressources supplémentaires à l’État.

 

Les derniers chiffres sur le secteur de la promotion immobilière, du bâtiment et des travaux publics sont alarmants. Ainsi, et se référant aux indicateurs des sociétés cotées en bourse, le résultat semestriel des entreprises du bâtiment et matériaux de construction a baissé de 52,1%, à part Carthage Cement, toutes les sociétés du groupe ont enregistré une baisse leurs résultats semestriels. Le déficit de Ciments de Bizerte s’est aggravé de plus 45%, celui de Simpar de plus de 25%. La Société immobilière tuniso-saoudienne (Sits) a enregistré une baisse de son résultat semestriel de 65,88%. Et le bénéfice de près de deux millions de dinars d’Essoukna s’est transformé en une perte de plus de 1,5 million de dinars.

En se référant aux indicateurs de l'Institut national de la statistique (INS), le secteur du bâtiment a enregistré en glissement annuel une contraction de 9,9% en 2022 et de 5,4% au deuxième trimestre 2023. Au niveau du deuxième trimestre par rapport au premier trimestre, la croissance du secteur a connu une contraction de 9,7%. D’ailleurs, la production nationale de ciment a baissé passant de neuf à cinq millions de tonnes.

Le poids du secteur du bâtiment et du génie civil dans l’économie tunisienne a été de seulement 3,9% au deuxième trimestre 2023. Sa contribution dans le produit intérieur brut (PIB) a atteint 4,2% en 2022, alors qu’elle était de 17% en 2014, de 16% en 2010 et même pu atteindre 26% en 2000 et 33% en 2005.

Non seulement l’apport du secteur était important dans le PIB mais il permettait une grande employabilité. Avant le Covid-19 et selon l’INS, il employait 520 mille personnes.

Au cours de 2022, le secteur a perdu 10% de se valeur ajoutée et on s’attend que la perte soit identique en 2023, ce qui représente une perte annuelle en termes d’emplois de de 50 mille postes.

Le pire, c’est qu’il y a des investissements étrangers d’une valeur de six milliards d’euros (près de vingt milliards de dinars) mobilisés pour la réalisation de certains projets, mais qui demeurent inachevés ou bloqués.

En effet, depuis quelques années, le secteur est en difficulté. La pandémie du Covid-19 et ses conséquences n’ont fait qu’accélérer la crise. Ainsi, l’inflation s’est littéralement envolée, passant de 3,3% en 2011 à 10,1% en avril 2023, enflammant les prix des matières premières ainsi que les prix des terrains pour la promotion immobilière et assénant un coup de massue au pouvoir d’achat des Tunisiens. Certes, elle a un peu baissé ses derniers mois, mais les hausses demeurent importantes (l’inflation représentant le rythme d’augmentation des prix, ndlr).

Les professionnels ont subi la rareté de certains produits et des terrains ainsi que l’augmentation substantielle du coût de la construction, notamment celui des matériaux ainsi que de la main d’œuvre, l’indice des prix des matériaux de construction ayant évolué de 107,4 à 196, enregistrant une croissance moyenne de 98% entre 2011 et 2022. Outre la hausse significative, au cours de 2022, des prix d’ouvrages en béton et en plâtre, les prix du ciment, chaux et plâtre et les prix des tuiles et briques en terre cuite. La forte hausse revenant aux minerais de fer qui ont enregistré un taux de croissance moyen de 66% en l’espace de trois ans.

Idem le taux directeur de la Banque centrale de Tunisie a sensiblement augmenté atteignant 8% en 2023, se répercutant négativement sur le coût du crédit, surtout avec le manque de liquidité et l’effet d'éviction (l’État concurrençant le secteur privé, ndlr). Ainsi l’accès au financement est devenu extrêmement difficile, voire impossible surtout pour les projets financés par l’État, le secteur étant considéré comme comportant de grands risques. Pour les supposés "chanceux" qui ont pu avoir des prêts, les charges financières sont tellement exorbitantes, qu’elles impactent souvent significativement leurs résultats.

À cela s’ajoutent les retards occasionnés par les prestataires de services publics (Steg, Sonede, municipalités, gouvernorats, Onas, Protection civile, etc.), outre ceux liés à l’obtention des différentes autorisations avec des délais d’attente dépassant souvent les six mois. Le tout, couplé à une baisse du rendement des opérateurs et de leurs ouvriers, ce qui affecte la qualité des produits réalisés et engendre une augmentation de leurs coûts.

Et coup de grâce, les arriérés de paiement de la part des entreprises publiques (en particuliers l’Office national de l'assainissement (Onas) et la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede)) envers les intervenants du secteur (bureaux d’étude, bureaux de contrôle, promoteurs) vont de six mois à deux ans et plus, couplé aux retards de décaissement de quelques semaines constatés au niveau de la Banque centrale de Tunisie. Une situation qui a causé la faillite de plusieurs sociétés et l’emprisonnement de certains responsables à cause de chèques sans provision.

L’économiste britannique John Maynard Keynes suggérait d'embaucher des chômeurs pour creuser des trous le matin, et les reboucher le soir, afin de de lutter contre la récession et le chômage, et cela en engageant des dépenses socialement utiles. Certes, la théorie keynésienne a ses limites, mais cela dit, il y a une part de vérité dans sa pensée. L’État a un rôle à jouer aujourd’hui pour relancer la machine du BTP et la promotion immobilière en Tunisie, et qui peut lui rapporter gros en termes de croissance et d’emploi mais aussi en termes de ressources.

Certes, il est clair que l’État ne peut pas engager des investissements importants pour le moment, vu la situation des finances publiques. Mais, il peut actuellement prendre certaines décisions et revoir d’autres, dont l’impact a été chaotique. Des décisions qui peuvent être prises rapidement alors que le parlement est en train d'examiner le projet de la loi de finances 2024 et qu'il pourra donc adopter dans la foulée. Ce qui permettra de relancer la machine.

À titre d’exemple, l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 13% sur les ventes de logements par les promoteurs immobiliers (à l’exception des logements sociaux) en 2018, et qui passera à 19% à partir du 1er janvier 2024. Cette taxe a fortement impacté la promotion immobilière, mais a-t-elle eu les résultats escomptés ? Le ministère des Finances a-t-il mesuré l’impact de cette mesure ? Il est fort probable que la réponse à ces deux questions soit « non », en se référant aux indicateurs boursiers. Pire, ces mesures ont aidé au développement du secteur parallèle qui donne des miettes à l’État. Le secteur officiel étant entravé par la bureaucratie et la taxation. Aujourd’hui, les acteurs se trouvent dans la situation de « construire pour perdre », nous confie un promoteur : ceux qui sont engagés essuient de grosses pertes et ceux qui ne sont pas engagés retardent leurs projets.

Certains promoteurs ont peur qu’on arrive à un point de « rupture », où les dégâts seraient irréversibles. D’ailleurs, le conseiller fiscal, enseignant universitaire et membre du Conseil national de la fiscalité, Mohamed Salah Ayari, recommande de retarder l’application de la TVA de 19% dans la promotion immobilière au 1er janvier 2026, pour préserver les prix d’acquisition de logement pour les citoyens ou d’appliquer une TVA de 13% pour les biens d’une valeur ne dépassant pas les 500.000 dinars dès 2024.

En outre, les professionnels appellent les autorités à trouver une solution à la hausse du taux directeur en appliquant un taux préférentiel au secteur de l’immobilier, notamment en recourant au Fonds de promotion des logements sociaux (Foprolos) pour que le taux d’intérêt ne dépasse pas les 3%. Ils appellent aussi à libéraliser le commerce du fer de construction, le seul matériau dont le prix est fixé par le gouvernement dans le secteur de la construction. Son prix ayant connu une baisse significative sur les marchés mondiaux depuis plus d'un an sans être reflétée sur le marché local.

 

Le secteur de la promotion immobilière, du bâtiment et des travaux publics est bloqué. Or, il peut être une manne pour l’État, en cette période difficile, juste en prenant certaines décisions courageuses et sans payer un sou. L’objectif étant de remettre sur les rails, un secteur qui peut contribuer fortement dans la croissance du pays, dans l’employabilité et surtout drainer des ressources supplémentaires à l’État.

 

Imen Nouira

13/11/2023 | 10:33
7 min
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Commentaires
Agatacriztiz
Il y en a pourtant des choses à faire
a posté le 14-11-2023 à 09:25
Par contre, on devrait beaucoup s'attacher au potentiel représenté par la réhabilitation et la rénovation de l'habitat de certaines zones urbaines, y compris, par le biais de réquisitions pour cause d'utilité publique, de vieilles bâtisses et villas abandonnées et rongées par le temps, pour en faire des logements sociaux en priorité, foyers pour étudiants ou jeunes travailleurs ou bâtiments destinés aux services publics.
Il suffit de se promener dans certains quartiers de la capitale, des grandes villes du pays ou de leurs faubourgs pour constater l'état d'abandon d'un bon nombre de propriétés et leur inutilité dans l'état actuel où elles se trouvent.
Sans oublier la remise en état des équipements (routes, ponts, égouts, canaux de derivation, éclairage, etc.) de plus en plus défectueux et donc inefficaces en cas, notamment, d'intempéries soudaines et soutenues.
Peut-être, la participation financière d'un public qui en a les moyens, ou par l'achat d"actions ou de bons de participation rémunérés" sur tel ou tel projet ou groupe de projets pourrait être sollicitée afin de financer ces mêmes opérations de réhabilitation et rénovation.
Compter sur soi-même n'est pas un vain mot.
soupiquet
L'immobilier ne connait jamais la crise
a posté le 13-11-2023 à 17:18
Quand je vois le prix de certain appartement je me dis qu'il faut etre riche pour enrechir le secteur de la construction de maison et appartement. L'immobilier ne connait jamais la crise, suffit de voir le nombre de construction qui continue a grandir en fleche
DringDrîg
Ne connaît pas ou ne reconnaît pas la crise
a posté le à 22:47
C'est une question de temps
Abidi
Bâtiment
a posté le 13-11-2023 à 16:39
Je ne sais pas d'où vous tenez vos sources mais il semblerait que c'est le contraire qui se passe,les agences immobilières ne cessent de fleurir et les immeubles en construction sont partout dans le pays et puis les annonces de vente de villa, d'appartement de studio sont omniprésentes que se soit en ligne dans les médias écrit et autres, aussi des cités entières se lèvent dans des délais magiques d'ailleurs on les appelle les cités qui sautent,(hay yenagues)
Tounsia
Des trous et des poubelles
a posté le 13-11-2023 à 15:41
Il y a tellement de trous dans nos trottoirs et nos routes et autoroute que l'on peut déjà commencés la théorie keynésienn o tunisienne
En plus on a la chance d'avoir un pays tellement sale qu'il faudrait embaucher et mettre au chômage ceux qui sont payés à ne rien faire
Lol
Les mêmes solutions
a posté le 13-11-2023 à 13:05
La solution qu'on propose toujours pour tout regler est de baisser les impôts et taxes.
'?a revient à faire payer aux autres contribuables plus d'impôts. Alors qu'ils subissent la même pression voire plus.
Vous ne pouvez pas demander à un smigard de contribuer plus pour baisser le prix des logements auxquels il n'aura jamais accès. Même s'il quadruple son salaire.
Il faut recentrer les politiques publiques sur l'intérêt des tunisiens. Et pas seulement celui des grands promoteurs
Tarek R
Que du luxe et du très haut standing
a posté le 13-11-2023 à 12:09
Et après les promoteurs sont inquiets pas d'acheteurs. A 350.000 l'appartement, quel salarié ou fonctionnaire peut il se permettre ça ? Sachant que l'auto financement est OBLIGATOIRE à 20%.

Tout le monde sait qui (et comment) achète des appartement de ce type maintenant et dans quelle finalité.

Un pays en ruine, un peuple affamé et des appartements de luxe...quelle hypocrisie.

truc
le liberalisme total sauvera la tunisie
a posté le à 13:42
Imen Nouira ne sait pas que Keynes est un liberal . de son vivant il se definissait comme un liberal mais avec des solutions implicant l etat .
La tunisie devrait laisser ses promoteurs speculateurs est endetter faire faillite cela ferait chuter le prix de l immobilier , et les tunisiens ayant de l epargne pourrait se les payer .
Sans parler de racheter ses societes par de nouveau entrant qui pourront se les payer pour moins chers
le reste n est que discussion inutile